Cette dissimulation constitue, bien entendu, un délit qui permet à celui qui le pratique de se soustraire à ses obligations fiscales et sociales. En pratique, le délit de travail dissimulé recouvre deux situations bien différentes :
- D’une part, la dissimulation totale ou partielle d’activité ;
- D’autre part, la dissimulation totale ou partielle d’emploi salarié.
Dans ce dossier, nous n’aborderons pas la situation de la dissimulation d’activité. En effet, la dissimulation d’activité, qu’elle soit totale ou partielle, concerne les travailleurs indépendants qui n’effectuent pas intentionnellement les obligations d’immatriculation au répertoire des métiers, au registre du commerce et des sociétés ou encore, les déclarations auprès des organismes de protection sociale ou l’administration fiscale.
Nous nous intéresserons donc ici principalement à l’étude de la dissimulation totale ou partielle d’emploi salarié. Nous allons ainsi tenter de répondre aux questions suivantes : Quelle différence entre « travail dissimulé », « travail clandestin », « travail illégal » ou encore « emploi irrégulier d’étrangers » ? Comment se caractérise le travail dissimulé ? Comment se déroule un contrôle pour travail dissimulé ? Quelles sont les sanctions en cas de travail dissimulé ? Etc.
Quelle est la différence entre « travail dissimulé », « travail clandestin », « travail illégal » ou encore « emploi irrégulier d’étrangers » ?
Dans le Code du travail, la notion de « travail dissimulé » est venue remplacer celle de « travail clandestin » suite à la loi du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal. Cette modification a notamment été effectuée pour éviter la confusion entre les salariés non déclarés par l’employeur et les ressortissants étrangers ne possédant pas de titre de travail ou de titre de séjour. Dans ce dernier cas, on parle en effet « d’emploi irrégulier d’étrangers », encore appelé de manière familière « travail clandestin ».
De même, la notion de travail dissimulé se distingue aussi de celle de « travail illégal ». En effet, la notion de travail illégal est un terme plus large qui regroupe différentes situations interdites. Ainsi, sont considérés comme du travail illégal :
- le travail dissimulé (emploi de salariés non déclarés) ;
- le prêt illicite de main-d’œuvre ;
- le cumul irrégulier d’emplois ;
- l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers (sans titre de travail) ;
- la fausse déclaration pour obtenir des revenus de remplacement.
Comment se caractérise le travail dissimulé ?
Les situations caractérisant le travail dissimulé
Le plus couramment, le travail dissimulé est caractérisé lorsque l’employeur ne déclare pas un salarié pour ne pas payer les charges sociales sur le salaire. Le salarié est alors payé en liquide. Toutefois, cette situation n’est pas la seule caractérisant le travail dissimulé.
En effet, d’une manière générale, la dissimulation d’emploi salarié est caractérisée par les manquements suivants :
- Non accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche;
- Non délivrance de bulletins de paie ;
- Absence de déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de sécurité sociale ou de l’administration fiscale (par exemple, les bordereaux récapitulatifs de cotisations mensuels ou trimestriels, les déclarations annuelles des données sociales, les déclarations unifiées de cotisations sociales, etc.
- Déclaration intentionnelle sur le bulletin de salaire d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
L’élément intentionnel est primordial
Pour caractériser le délit de travail dissimulé, l’intention frauduleuse de son auteur, c’est-à-dire de l’employeur, doit nécessairement être prouvée. En pratique, cela signifie qu’il doit y avoir une réelle volonté de l’employeur de dissimuler l’emploi d’un ou plusieurs salariés (C. trav. L. 8221-5).
Si certains faits démontrent, à eux seuls, une intention frauduleuse (par exemple, une absence de document justifiant l’embauche, une absence de délivrance d’un bulletin de paie, une absence de contrat de travail écrit, etc.), notons en revanche que la condamnation de l’employeur au paiement d’heures supplémentaires n’entraîne pas de manière automatique sa condamnation pour travail dissimulé.
En effet, la Chambre Sociale de la Cour de cassation a rappelé qu’au-delà de la preuve même des heures supplémentaires, le salarié doit prouver que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué (Cass. Soc. 14 mars 2018, n°16-13541). Ce n’est que s’il parvient à prouver ce caractère intentionnel que l’employeur peut être condamné à verser au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Cette indemnité est égale à 6 mois de salaire (voir ci-dessous).
Comment se déroule un contrôle pour travail dissimulé ?
Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l’inspecteur Urssaf a la possibilité de procéder à un contrôle inopiné, ce qui signifie qu’il n’est pas obligé d’informer préalablement l’employeur de la date du contrôle.
Si l’entreprise contrôlée compte moins de 11 salariés, le contrôle peut s’effectuer sur pièces directement dans les locaux de l’Urssaf. Dans ce cas, l’inspecteur demande à l’employeur d’apporter dans les locaux de l’Urssaf les pièces justificatives mais aussi tous les documents nécessaires permettant d’exercer la mission de vérification. Dans les autres entreprises, le contrôle s’effectue sur place, c’est-à-dire dans les locaux de l’entreprise. En accord avec l’Urssaf, le contrôle peut aussi s’effectuer chez l’expert-comptable.
L’inspecteur Urssaf peut, après avoir informé l’employeur, utiliser le matériel informatique de l’entreprise pour accéder aux données dématérialisées nécessaires au contrôle.
Enfin, l’inspecteur a la possibilité d’entendre toute personne salariée de l’entreprise ou toute personne rémunérée par elle.
A l’issue du contrôle, l’inspecteur Urssaf adresse à l’employeur un document de fin de contrôle, appelé lettre d’observation. Cette lettre mentionne les éléments suivants :
- l’objet du contrôle,
- les documents consultés,
- la période vérifiée
- la date de la fin du contrôle.
L’employeur dispose alors d’un délai de 30 jours pour y répondre. Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur a pu prendre connaissance des observations de l’inspecteur. A l’issue de ce délai, l’inspecteur transmet à l’URSSAF le rapport de contrôle mentionnant ses observations, éventuellement accompagné de la réponse de l’employeur.
Si un redressement est opéré, une mise en demeure est envoyée par l’URSSAF. Cette mise en demeure constitue la décision prise par l’URSSAF de la mise en recouvrement des cotisations.
A noter. Sachez qu’en cas de travail dissimulé, l’URSSAF peut procéder à un redressement pouvant aller jusqu’à cinq ans en arrière. Un redressement peut donc coûter très cher à l’employeur.
L’employeur dispose d’un délai d’un mois à compter de la notification de la mise en demeure pour saisir la Commission de recours amiable (CRA) de l’URSSAF. Si aucun accord n’aboutit, l’employeur peut alors saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS).
Quelles sont les sanctions encourues par l’employeur en cas de travail dissimulé ?
En cas de travail dissimulé, l’employeur peut être condamné à des sanctions pénales mais aussi des sanctions administratives.
Les sanctions pénales
L’employeur qui se rend coupable de travail dissimulé risque de lourdes sanctions : une peine de 3 ans d’emprisonnement et une amende de 45 000 euros.
Notons par ailleurs que les peines sont aggravées si le salarié est mineur ou si c’est une personne particulièrement vulnérable : une peine de 5 ans d’emprisonnement et une amende de 75.000 euros.
Si l’auteur de l’infraction est une société, l’amende est plus élevée et peut même atteindre 225 000 euros.
Les sanctions administratives
L’employeur qui se rend coupable de travail dissimulé risque également des sanctions administratives :
- une interdiction d’exercer une fonction publique,
- une interdiction de gérer une entreprise,
- une exclusion des marchés publics durant cinq ans,
- un refus et/ou un remboursement des aides publiques durant cinq ans,
- une confiscation des objets utilisés pour l’infraction, etc.
Quelles sont les conséquences du travail dissimulé pour le salarié ?
En cas de délit de travail dissimulé, le salarié est toujours considéré comme une victime. L’Urssaf ne le considère donc pas comme responsable du délit sauf s’il perçoit un salaire « au black » tout en continuant à toucher des allocations chômage, des indemnités journalières de sécurité sociale pour maladie, etc.
En pratique, le salarié victime peut donc saisir l’inspecteur du travail, le conseil de prud’hommes ou encore s’adresser à un syndicat ou une association. Si le délit de travail dissimulé est caractérisé, le salarié peut alors obtenir une indemnité dont le montant est égal à 6 mois de salaire.