Afin de contourner les licenciements économiques, l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la sécurisation des relations de travail a mis en place la version collective de ce mode de rupture, désormais codifié aux articles L1237-19 et suivants du code du travail. Applicable depuis le 4 janvier 2018, nous avons tous entendu dans les médias le cas des entreprises Pimkie et PSA qui ont été les premières à opter pour la rupture conventionnelle collective.
Mais connaissez-vous réellement les règles juridiques entourant ce nouveau mode de rupture ? Nous allons tenter de répondre dans ce dossier aux différentes questions que vous pouvez encore vous poser : Qu’est-ce que la rupture conventionnelle collective ? Comment mettre en place ce dispositif ? La rupture conventionnelle collective peut-elle être imposée aux salariés ? Quel est le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ? Quels sont les avantages du dispositif de rupture conventionnelle collective ? Etc.
Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle collective ?
En pratique, la rupture conventionnelle collective permet à une entreprise d’envisager la suppression des emplois sans devoir justifier de difficultés économiques et donc, en contournant la procédure lourde et coûteuse applicable aux licenciements collectifs économiques.
Toutefois, la rupture conventionnelle collective ne met pas fin au PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) qui reste possible en cas de difficultés économiques entraînant des licenciements.
La rupture conventionnelle collective, comme la rupture conventionnelle individuelle, ne peut être assimilée ni à une démission, ni à un licenciement. De même, elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties concernées.
Comment mettre en place le dispositif de rupture conventionnelle collective ?
Contrairement à la rupture conventionnelle individuelle, le salarié ne peut pas être l’initiateur de la rupture conventionnelle collective. En effet, seul l’employeur peut proposer au salarié ce dispositif.
Pour mettre en place un dispositif de rupture conventionnelle collective, il est impératif pour l’employeur de conclure préalablement un accord collectif majoritaire signé par des syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 50% des suffrages lors des dernières élections professionnelles.
A noter. Si l’accord collectif est refusé par une majorité de syndicats, la rupture conventionnelle collective est alors abandonnée. L’employeur pourra toutefois entreprendre ensuite un plan de départ volontaire ou un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
L’accord collectif mettant en plan la rupture conventionnelle collective doit déterminer :
- les modalités et conditions d’information du comité social et économique (dans l’attente de la mise en place du CSE, ses attributions sont exercées par le comité d’entreprise ou, le cas échéant les délégués du personnel) ;
- le nombre maximal de départs envisagés et de suppressions d’emplois associées ;
- la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;
- les conditions nécessaires pour que le salarié puisse en bénéficier ;
- les critères permettant de départager les potentiels candidats au départ ;
- les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, ces indemnités ne pouvant être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
- les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif,
- les mesures facilitant le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, ces mesures pouvant prendre la forme d’actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion, ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou de reprises d’activités existantes par les salariés ;
- les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
L’accord collectif doit ensuite être validé. Ce sont les Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) qui ont pour mission de valider ou non l’accord collectif et ce, dans un délai de 15 jours suivant sa transmission. Les Direccte doivent ainsi s’assurer que toutes les modalités ont bien été prévues ou encore, que la procédure d’information du CSE (ou des IRP dans l’attente de la mise en place du CSE) a bien été respectée.
En l’absence de réponse de la Direccte dans le délai de 15 jours, l’accord collectif est considéré comme validé.
Le CSE (ou les IRP) et les organisations syndicales représentatives doivent être informés de la validation de l’accord.
La rupture conventionnelle collective peut-elle être imposée aux salariés ?
Non, même s’il a été prévu par un accord collectif, le dispositif de rupture conventionnelle collective ne peut être imposé aux salariés. En effet, chaque salarié concerné par l’accord dispose de la faculté d’accepter ou de refuser la rupture de son contrat de travail.
Attention. Le salarié ne peut pas forcément candidater au bénéfice de la rupture conventionnelle collective. En effet, l’accord collectif peut prévoir des conditions spécifiques à remplir par chaque candidat. Et si le nombre de candidats au départ dépasse celui prévu par l’accord collectif, alors les salariés souhaitant partir sont départagés selon les critères définis par l’accord collectif.
A noter. Si le candidat est un salarié protégé, la rupture conventionnelle collective doit être soumise à l’autorisation de l’inspection du travail. La rupture ne pourra être effective que le lendemain de l’autorisation administrative.
En principe, le refus du salarié d’accepter la rupture conventionnelle collective ne peut donner lieu à un licenciement ou à une sanction disciplinaire.
Quels sont les avantages du dispositif de rupture conventionnelle collective ?
Les avantages de la rupture conventionnelle collective pour l’employeur
Pour l’employeur, la mise en place d’une rupture conventionnelle collective permet de s’exonérer des procédures applicables dans le cadre du licenciement économique. Ce nouveau dispositif permet ainsi de négocier des accords collectifs de départs alors même que l’entreprise est bénéficiaire. D’ailleurs, rien n’interdit à l’entreprise d’engager immédiatement de nouveaux salariés après le départ de salariés en rupture conventionnelle.
Les avantages de la rupture conventionnelle collective pour le salarié
Le dispositif de rupture conventionnelle collective permet au salarié volontaire de bénéficier d’un régime indemnitaire qui ne peut être inférieur aux indemnités légales prévues en cas de licenciement économique, c’est-à-dire :
- un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années,
- un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.
- Le salaire retenu est déterminé selon la formule la plus favorable au salarié :
- le tiers des 3 derniers mois complets précédant la notification de la rupture conventionnelle collective ;
- ou le 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois complets précédant la notification de la rupture conventionnelle.
Toutefois, l’accord collectif mettant en place la rupture conventionnelle collective peut bien entendu prévoir des modalités de calcul permettant le versement d’une indemnité plus favorable.
L’indemnité de rupture conventionnelle collective bénéficie de divers avantages. En effet, elle n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu. Elle est également exclue de l’assiette des cotisations sociales dans la limite de deux fois le plafond de la sécurité sociale (PASS) soit 79 464 euros pour 2018, à condition toutefois que le montant de l’indemnité ne dépasse pas 10 fois le PASS, soit 397 320 euros pour 2018. Enfin, elle est exonérée des cotisations CSG et CRDS dans la limite de 10 fois le PASS.
Par ailleurs, comme dans le cas d’un licenciement, le salarié volontaire peut bénéficier des allocations versées dans le cadre de l’assurance chômage si les conditions sont respectées notamment, l’inscription à Pôle emploi, la recherche d’emploi, etc.
De même, dès lors que la rupture conventionnelle collective est acceptée par l’employeur et le salarié, ce dernier bénéficie de mesures de reclassement externe. Ces mesures doivent viser un poste équivalent. Il peut également être proposé au salarié une formation, une validation des acquis de l’expérience, une aide à la reconversion, ou encore, des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés. En revanche, le salarié ne peut pas prétendre au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), celui-ci étant réservé aux salariés licenciés pour un motif économique.
Est-il possible de contester la rupture du contrat de travail suite à une rupture conventionnelle collective acceptée par l’employeur et le salarié ?
Oui, même si le dispositif de rupture conventionnelle collective a été accepté par l’employeur et le salarié, ce dernier conserve la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail. Ces contestations peuvent porter sur une irrégularité de procédure, un consentement obtenu par la force, un consentement consenti dans le cadre d’un contexte de harcèlement moral, etc.
Cette contestation doit s’effectuer devant le conseil des prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de la date d’effet de la rupture du contrat de travail. En effet, en application des ordonnances Macron, le délai de prescription est passé de 2 ans à 12 mois pour toute contestation de rupture du contrat de travail (licenciements, rupture conventionnelle individuelle, rupture conventionnelle collective, mise à la retraite) déposée à compter du 23 septembre 2017.