Partager la publication "L’ordonnance « Macron » sur les nouvelles formes particulières de travail"
Le recours au télétravail
Suite à la loi travail de 2016, une concertation a été engagée sur le télétravail par les partenaires sociaux. Celle-ci a abouti à un rapport transmis au Ministère qui préconise des bonnes pratiques et des mesures en faveur du télétravail. Jusqu’à présent le télétravail supposait une certaine régularité générant l’exclusion de l’ensemble de la réglementation sur le sujet des situations de recours exceptionnel.
L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 vise donc à envisager l’ensemble des situations de télétravail pour déterminer un statut précis selon les contextes et une uniformisation des droits. Ces dispositions s’appliquent depuis le 24 septembre 2017.
La mise en place du télétravail suppose :
- soit un accord collectif ;
- soit, à défaut, une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.
Mais en cas de recours occasionnel au télétravail, celui-ci peut être mis en œuvre d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Ce double accord est recueilli par tout moyen à chaque fois qu’il est mis en œuvre.
Pour faire face à des contraintes personnelles, tout salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail selon les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, peut demander à son employeur le bénéfice du télétravail. Et, l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à son salarié doit motiver sa réponse par des éléments objectifs. Ceux-ci peuvent être liés aux conditions d’éligibilité prévues par l’accord ou la charte (ancienneté, la nécessité d’utiliser certains logiciels dont l’utilisation à distance pose problèmes), l’impossibilité technique liée au logement ou la nécessaire présence physique du salarié au sein de l’entreprise pour accomplir ses missions et garantir le fonctionnement de l’entreprise.
Le droit au télétravail est donc très relatif puisque l’employeur peut refuser hors situation de discrimination ou d’abus de droit. En revanche, l’employeur ne peut l’imposer au salarié qui doit impérativement donner son accord.
L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise :
- Les conditions de passage au télétravail ;
- les modalités de retour en arrière ;
- les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre ;
- les modalités de contrôle de la durée du travail ou de régulation de la charge de travail ;
- la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié.
S’il s’agit d’une charte cela suppose l’avis préalable du comité social et économique. Mais si la mise en place du télétravail passe par un accord collectif, il n’y a plus nécessité de consulter en amont de la signature ce comité dans la mesure où cette thématique supposera d’être abordé lors de l’une des trois consultations périodiques.
Il est institué dans le code du travail que « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens du code de sécurité sociale ». Cette présomption n’aura pas de difficulté à s’appliquer pendant les plages horaires du télétravailleur dès lors qu’elles ont été bien définies et qu’elles donnent lieu à un contrôle par le biais notamment d’un logiciel de saisie des horaires.
Dans les autres cas, notamment pour les salariés en forfait jours, non soumis à des horaires de travail préétablis, l’application de la présomption pourra s’appliquer, semble-t-il, aux accidents survenus pendant les plages horaires où le salarié est joignable. En dehors de ces plages horaires, la reconnaissance de l’accident du travail supposera de démontrer que l’accident est survenu pendant l’exercice de l’activité professionnelle.
Jusqu’à maintenant, il était prévu dans le code du travail que « l’employeur prenne en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, en particulier ceux liés aux matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que les coûts liés à la maintenance de ceux-ci ». Si cette obligation pour l’employeur a été supprimée par l’ordonnance, cela ne signifie pas que les coûts liés au télétravail sont transférés au télétravailleur. En effet, la prise en charge par l’employeur des coûts liés à l’exercice des fonctions du salarié reste une obligation générale dont il ne peut s’exonérer. En fait, il s’agit d’adapter la prise en charge aux réels besoins et coûts dans la mesure où aujourd’hui la plupart des salariés disposent d’internet chez eux et n’ont pas un surcoût de leur abonnement du fait de son utilisation dans le cadre du télétravail. Il n’y a donc pas lieu pour l’employeur de prendre en charge cet abonnement à la différence de la nécessité souvent de mettre à la disposition du salarié un ordinateur professionnel nécessaire à l’exercice du télétravail avec des données et des connexions chiffrées.
Les changements en matière de CDD et intérim
Les durées maximales, le nombre de renouvellement et le calcul du tiers temps et les dispenses d’application de ce délai de carence peuvent être fixés par un accord de branche étendu à l’exception des dispositions applicables au cdd à objet défini. A défaut, les dispositions légales restent inchangées.
Le fait ensuite de méconnaitre les dispositions conventionnelles est susceptible d’être puni d’une amende identique au non-respect des dispositions légales, à savoir une amende de 3 750 €.
Le fait de ne pas remettre et faire signer le contrat dans les 48 heures ouvrables n’entraine plus la requalification en cdi mais une indemnité d’un mois de salaire au plus.
Le salarié ne dispose plus de 24 mois mais de 12 mois pour engager une action de requalification du cdd.
Le nouveau comité social et économique conserve les mêmes prérogatives en matière de cdd et intérim, via une consultation annuelle sur les modalités de recours à ces contrats et une information trimestrielle dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Le CDI de chantier
Une convention ou un accord collectif de branche étendu définit les raisons permettant de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération. Mais, à défaut d’un tel accord, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017, notamment dans le BTP, la promotion immobilière, les entreprises de paysages ou de transport ferroviaire, les bureaux d’étude.
La convention ou l’accord collectif de branche précise notamment :
- La taille des entreprises concernées ;
- Les activités concernées ;
- Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
- Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
- Les garanties en termes de formation ;
- Les modalités adaptées de rupture de ce contrat si le chantier ou la mission envisagé ne parvient pas à se réaliser ou si la fin est anticipée.
La fin du chantier ou la réalisation des tâches contractuelles définies dans le contrat constitue un motif spécifique de rupture du contrat qui constitue une cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, la procédure de licenciement non économique, c’est-à-dire pour motif personnel s’applique, donnant lieu au versement de l’indemnité de licenciement, le cas échéant. Il n’y a donc pas de droit à l’indemnité de précarité.
Le nouveau cadre du recours au travail de nuit
Le travail de nuit implique un accord d’entreprise ou un accord de branche, ou, à défaut, l’autorisation de l’inspecteur du travail.
La licéité du recours au travail de nuit est subordonnée au fait que son recours est exceptionnel, que son organisation prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et qu’il est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique et ou celle des services d’utilité sociale. L’accord collectif doit donc justifier des raisons à l’origine de sa mise en place.
Prorogation de la période transitoire pour le travail du dimanche dans les commerces
Les commerces ouvrant le dimanche qui, à la date du 1er août 2017 n’étaient pas en conformité avec la loi du 6 août 2015 faute d’être couverts par un accord collectif ou une décision unilatérale conforme auraient dû être contraints de fermer le dimanche, sous peine de sanctions civiles et pénales. Ainsi, pour éviter à ces commerces d’être dans l’illégalité, la loi d’habilitation à prendre des ordonnances du 15 septembre 2017 a prorogé la période transitoire d’un an, soit jusqu’au 1er août 2018.
Un nouveau cadre pour le prêt de main d’oeuvre
En principe le prêt de main d’œuvre suppose, pour être licite, de ne pas être lucratif, à l’exception du travail temporaire. Selon l’article L. 8241-1 du code du travail, « une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition ». Cette définition implique donc que l’entreprise prêteuse ne doit tirer aucun bénéfice du prêt. Elle ne peut donc se faire rembourser que les frais liés à la mise à disposition de ses salariés et donc facturer cette mise à disposition « à prix coûtant ».
Or, cette définition suscite beaucoup d’incertitudes quant à la notion de lucratif ou pas. En effet, les critères de distinction paraissent insuffisants pour les raisons suivantes :
- le caractère lucratif ne doit pas s’apprécier qu’au regard de l’entreprise prêteuse puisque l’entreprise utilisatrice peut elle aussi en retirer un bénéfice ;
- le caractère non lucratif ne doit pas correspondre à une sous facturation qui d’un point de vue fiscal peut s’analyser comme un avantage injustifié à un tiers et donner lieu à réintégration ;
- le développement des plateformes numériques de mise en relation d’entreprises offrant de prêter leur personnel à d’autres.
Par ailleurs, la licéité de la mise à disposition ne doit générer aucun préjudice pour les salariés ce qui implique que l’entreprise utilisatrice ne doit pas avoir recours à cette pratique pour éviter d’avoir à embaucher et ainsi éluder l’application du statut collectif.
Pour répondre aux besoins de sécuriser le prêt entre un groupe ou une entreprise, d’une part, et une jeune entreprise, d’autre part, dont le recours répond à un besoin croissant, le gouvernement encadre un nouveau cas de prêt de main d’œuvre pour un prix inférieur aux salaires et charges. Un décret n°2017-1879 du 29 décembre 2017 permet la mise en œuvre de ce nouveau dispositif au 1er janvier 2018.
Ainsi, un groupe ou une entreprise d’au moins 5 000 salariés peuvent réaliser une prestation d’au plus 2 ans en mettant à disposition des salariés auprès d’une jeune entreprise de moins de 8 ans d’existence ou d’une PME de moins de 250 salariés pour autant que l’objectif soit destiné à améliorer la qualification de ces derniers ou à constituer un partenariat d’affaires.
Au préalable, la mise à disposition suppose l’établissement d’une convention prévoyant :
- la finalité du prêt de main-d’œuvre
- la durée du prêt, sachant que pour ce type de prêt de main-d’œuvre, elle est limitée à 2 ans ;
- l’identité et la qualification du ou des salariés concernés ;
- le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui sont facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse sachant que l’entreprise prêteuse peut facturer un montant inférieur.
Le salarié concerné par la mise à disposition doit ensuite l’accepter via la signature d’un avenant à son contrat.
Abrogation du contrat de génération
Il s’agissait d’un dispositif d’incitation à l’embauche, centré sur les profils identifiés comme étant les plus fragiles face à l’emploi, à savoir :
- les jeunes âgés de 16 à 26 ans (30 ans s’il s’agit d’un travailleur handicapé) ;
- les seniors d’au moins 57 ans (55 ans s’il s’agit d’un travailleur handicapé).
Il était ainsi prévu que pour chaque jeune embauché, l’entreprise devait s’engager à maintenir dans l’emploi un senior ou en embaucher un. Il était également possible de constituer un binôme entre un jeune et un chef d’entreprise dans la perspective d’une transmission d’entreprise. Le but du dispositif était censé donc répondre à un triple objectif :
- faciliter l’insertion durable des jeunes dans l’emploi en leur donnant accès à un CDI ;
- favoriser l’embauche et le maintien dans l’emploi des seniors ;
- assurer la transmission des savoirs et compétences.
Néanmoins, le dispositif n’ayant pas su convaincre, il a été prévu de le supprimer à la date de publication des ordonnances, c’est-à-dire pour toutes les demandes postérieures au 23 septembre 2017. Ceci entraîne de fait la perte du bénéfice des aides financières, la fin de l’obligation de négocier sur ce sujet et la disparition pour les entreprises de plus de 300 salariés ou appartenant à un groupe dépassant cet effectif des pénalités en cas de carence d’accord ou de plan d’action.