Management et qualité de vie au travail : un tour du monde des pratiques innovantes.

Ce dossier vous emmène dans un tour du monde des pratiques managériales innovantes, à la découverte d'entreprises de différents secteurs, de différentes tailles. Découvrez les pratiques de 14 entreprises, basées sur la confiance, l'engagement, le bien-être, l'agilité, la collaboration, la créativité.

Cet article a été publié il y a 8 ans.
Il est probable que son contenu ne soit plus à jour.
Innover dans les pratiques managériales pour associer performance de l'entreprise et qualité de la collaboration

Si innover est habituellement associé aux termes stratégie d’entreprise, modèle d’organisation, système d’information, technologie… et, rarement associé au management, les innovations des pratiques managériales, peuvent tout à fait être considérées comme des facteurs de compétitivité, au profit de l’amélioration de la qualité de vie au travail, pour une meilleure performance dans la gestion des ressources humaines et une différenciation dans le modèle d’organisation.

Cet aperçu des pratiques managériales innovantes nous emmènera donc à la découverte d’entreprises de différents secteurs, de différentes taille salariale, et situées dans divers pays. Les innovations mises en place au sein de ces entités peuvent être scindées en deux catégories :

  • des innovations managériales antagonistes (contraires aux pratiques managériales courantes)
  • ou des innovations managériales intégratives (assimilant les valeurs, les comportements ou les pensées émergents de notre société actuelle).

Pratiques managériales : les limites des considérations managériales contemporaines

Dans la pratique, c’est le manager qui doit motiver les collaborateurs et  les faire adhérer à la stratégie de l’entreprise.

Son rôle est primordial, dans la mesure où les innovations dans le domaine des pratiques managériales résultent de la conviction de leaders à apporter le changement face à des situations contre-productives, à répondre à des situations de crise, à expérimenter de nouvelles organisations du travail.

Au fil des décennies, même si les outils ont évolué et que les niveaux hiérarchiques disparaissent, les processus décisionnels ont gardé leur forme : c’est le chef qui décide ! En somme, force est de constater que la stratégie reste le privilège de la hiérarchie. On attend toujours des salariés qu’ils entrent dans le cadre de leurs attributions, alors que paradoxalement, on leur demande d’être force de proposition et d’être plus autonomes.

Parallèlement, les modèles de management contemporains s’articulent autour de la productivité et de la gestion des coûts, à travers une utilisation rationnelle des ressources. Dans les années 1980, la considération de la motivation comme dimension à part entière du management des ressources humaines visait l’augmentation de la productivité, sans considération du bien-être des travailleurs.

Considérant les paradigmes managériaux contemporains, nous pouvons légitimement nous interroger : qu’est ce qui prime actuellement au niveau des entreprises : rendre les gens heureux ou générer un maximum de profit ?

Il ne faut pas se voiler la face, le profit et la rentabilité sont les moteurs d’une entreprise. Par contre, la conciliation des impératifs économiques avec une meilleure qualité de vie en entreprise ne sont pas deux objectifs incompatibles. Tout est dans la manière de les aborder.

Les innovations pratiquées par les entreprises présentées ci-après sont classées selon des aspects qui prévalent comme critères de différenciation, et marquent les types d’innovations mis en  place au niveau d’entreprises de nationalités et de secteurs différents :

  • la confiance,
  • l’engagement,
  • le bien-être,
  • l’agilité,
  • la collaboration,
  • la créativité.

Pratiques managériales innovantes basées sur la CONFIANCE

Une collaboration profitable et saine pour tous les acteurs en entreprise repose sur la confiance. En effet, c’est le premier levier d’importance selon les entreprises françaises.

Les valeurs rédigées et communiquées, telles que proximité, partage, collaboration, ne doivent pas rester au stade d’idéaux véhiculés, mais être traduits en pratiques et comportements concrets.

La confiance remise au goût du jour au sein des entreprises fait appel à des critères tels que la fiabilité et la transparence des informations, une adéquation entre ce qui est dit et ce qui se fait au niveau des instances dirigeantes, en particulier au niveau de la direction et des managers, le respect des engagements et des promesses données …

Mars Chocolat (France)

Pour la filiale française de Mars, 4e acteur mondial de l’alimentaire, Thierry Gaillard, PDG de l’entreprise depuis 2009, invite les quelques 1000 salariés de l’usine de Haguenau à une réunion de 30 minutes, décomptée dans le temps de travail.

Cette rencontre entre les salariés, l’équipe dirigeante et le PDG se tient toutes les 6 semaines et est intitulée « Ça se discute ». Durant la demi-heure, le PDG et son équipe répond à toutes les questions des collaborateurs, sans « aucun tabou, hormis des questions qui mettent individuellement au cause des personnes« .

Une pratique d’autant plus intéressante quand on sait que les salariés font beaucoup moins confiance à leur(s) dirigeant(s) qu’à leurs managers directs : 87% des salariés estiment que l’encadrement est ouvert et est accessible au dialogue, selon l’enquête annuelle « Great place to work » en 2015.

Intuit (Californie, Etats-Unis)

Chez la société Intuit, entreprise de développement de logiciels comptant 2000 salariés, une habitude particulière appelée « fête de la défaite« , est organisée à la suite d’un échec dans la réalisation d’un projet. Dans le cadre de cette pseudo-festivité, tous les salariés se réunissent au siège de l’entreprise… autour  d’un verre et, effectuent des échanges sur les erreurs faites et qui seront alors à éviter à l’avenir.

Sous une allure de débriefing général, c’est une occasion pour l’équipe d’évoquer les échecs afin de « tourner collectivement la page » et apprendre de ses erreurs. En mettant en place cette organisation, l’entreprise tire parti des échecs au lieu de les renier et de s’exposer à une perte de confiance généralisée altérant l’ambiance de travail en général.

Dans les entreprises classiques, c’est la culture « erreur = sanction » qui prédomine : faire une erreur est vu comme une preuve d’incompétence. Au contraire, dans les pays scandinaves et anglo-saxons, on part du principe que faire une erreur démontre la capacité de l’individu à assumer l’erreur et à faire face à la difficulté, aspect qui se ressent sur la motivation des employés. En effet, 94% des employés qui travaillent chez Inuit se disent fiers de leur appartenance à l’entreprise, 92% d’entre eux considèrent le style de management comme honnête et éthique, et 95% trouvent que la communication au sein de l’entreprise est excellente.

HCL Technologies (Inde)

Au sein de la multinationale indienne HCL Technologies, un portail digital interne « U&I » (vous et moi) permet aux salariés d’exprimer leurs doutes et leurs interrogations aux membres de la direction qui s’engagent à répondre, y compris le PDG.

Quelle que soit le lien de subordination ou la division concernée, pour n’importe quel membre de l’entreprise, les personnes interpellées sont tenues d’apporter des réponses. Cette innovation rajoute une dimension particulière à l’organisation de l’entreprise : la valeur d’un manager n’est plus estimée par rapport à sa position hiérarchique dans l’organigramme, mais en fonction de sa sphère d’influence.

Selon Vineet Nayar, le CEO de l’entreprise  : «Trop peu d’entreprises comprennent vraiment ce qu’est le capital humain, ajoute-t-il. Désormais, il faut que l’humain réintègre la vision ne nous avons chacun du business. L’humain est le socle de la confiance. Et la confiance est ce qui permet in fine de générer la valeur !».

Pratiques managériales basées sur la RESPONSABILISATION ET L’ENGAGEMENT

Une enquête internationale menée par la société Gallup, dont les résultats ont été publié en 2014, a montré que seulement 11% des salariés se disent engagés dans leur travail, 61% font juste ce qu’on leur demande, et 28% ont une vision négative de leur entreprise et se disent activement désengagés, des chiffres qui n’ont pas connu beaucoup d’évolution au cours de la décennie.

Responsabilisation en entreprise

En faisant comprendre aux collaborateurs la stratégie et le sens de la démarche à laquelle l’entreprise s’attèle, le collaborateur décide d’adhérer ou non. En donnant ce choix, cette liberté à chacun, la pleine implication dans la démarche demandée est mieux obtenue. De cette volonté d’implication de tous les acteurs de l’entreprise naît l’engagement et le sens des responsabilités : chacun se sent responsable de ce qu’il a décidé, pas de ce qui a été décidé pour lui.

En effet, le management « par la carotte ou le bâton«  est une approche managériale qui infantilise les collaborateurs, où le rôle du manager sera cantonné à récompenser les succès et à sanctionner les échecs. Bien souvent, le management par la crainte est à l’origine de tensions entre les collaborateurs et le management, ou l’équipe dirigeante, ce qui n’aboutira pas à un épanouissement dans le travail et les relations professionnelles au sein de l’entreprise.

Morning Star (Etats-Unis)

Dans cette entreprise de transformation de tomates de près de 700 salariés, contrairement à ce qui se fait dans la grande majorité des entreprises où les objectifs sont prédéfinis par les managers, ce sont les collaborateurs qui négocient leurs objectifs entre eux. La « lettre d’entente », un document qui énumère les engagements pris par chaque salarié, détaille les actions spécifiques que le salarié s’engage à réaliser pour mener à bien sa mission.

A chaque lettre d’engagement correspond un ensemble d’activités distinctes (pouvant aller jusqu’à 30), actions qui seront par la suite traduites en indicateurs permettant de mesurer la performance. Bien entendu, ces actions sont des déclinaisons de la stratégie de chaque entité de l’entreprise, mais si cela est bénéfique pour l’entreprise, les actions peuvent dépasser le cadre de chaque entité organisationnelle. Ces lettres d’entente sont archivées centralement et, consultables par tous les salariés, pour une totale transparence des engagements de chaque collaborateur.

Établis de concert avec les collègues concernés par ces engagements, ces contrats sont renégociables chaque année entre les principaux intéressés. Cette stratégie managériale incite chaque collaborateur à s’impliquer et à être responsable de son engagement envers ses collègues, favorisant au passage les échanges et les interconnexions entre les différentes entités et les corps de métiers différents au sein de l’entreprise, pour faciliter la concrétisation des actions.

Selon Chris Rufer, fondateur de Morning Star, « l’engagement mutuel a beaucoup plus de puissance qu’un objectif imposé ou suggéré par un manager ». Dans son entreprise, personne n’est le patron des autres, tout le monde l’est, d’autant plus que personne n’oserait remettre en cause ce sur quoi elle s’est engagée auprès des autres.

Air France (France)

La compagnie aérienne française a mis en place une démarche officialisant le principe de non-punition de l’erreur. Partant du constat que l’erreur est humaine et involontaire, l’entreprise veut privilégier l’apprentissage et l’amélioration des processus, en tenant compte de ces erreurs pour qu’elles ne se reproduisent plus.

A travers sa « Charte de non-punition », l’entreprise encourage ses employés à  s’exprimer sans crainte de représailles. Sous couvert d’anonymat, les collaborateurs peuvent donc déclarer leurs erreurs, signaler des incidents ou des dysfonctionnements. Sans pour autant se verser dans la délation, la démarche a pour but de déclarer et d’informer sur toute situation jugée « non-conforme » afin de faire bénéficier à tous le monde des enseignements tirés de ses erreurs.

L’autorisation du droit à l’erreur fait partie d’une stratégie visant à renforcer la responsabilisation des collaborateurs en leur donnant le moyen d’assumer leur faux-pas, condition d’une démarche d’apprentissage et d’amélioration continue des processus. Une stratégie qui paie, car selon Franck Debouck, quand il était responsable R&D chez Air France Consulting, « si l’instauration de la non punition de l’erreur n’avait pas été décrétée, il y aurait à ce jour environ un crash par semaine ».

Leroy Merlin (France)

Cette enseigne de bricolage a mis en place dans les années 90 le système baptisé « Vision » : une démarche participative au cours de laquelle tous les employés sont invités, dans un premier temps, à s’imaginer ce que serait le fonctionnement de l’entreprise dans l’avenir, le magasin du futur, les menaces et opportunités auxquelles il faudrait se préparer. Dans un second temps, ces projections ont été étudiées sous l’angle opérationnel immédiat, ce qui a conduit à l’émergence de bon nombre d’évolutions dans l’offre de service de la marque.

Cette pratique a ensuite été institutionnalisée par l’enseigne Leroy Merlin afin de faire participer tous les salariés, à tous les niveaux, à l’élaboration de la stratégie d’entreprise : chaque collaborateur est fier de son appartenance à l’entreprise car il sait qu’il peut apporter sa pierre à l’édifice.

Par ailleurs, le fait que tous les collaborateurs de Leroy Merlin soient actionnaires de leur entreprise contribue également à l’engagement et à la responsabilisation de chacun, car les salariés, à tous les échelons, se sentent impliqués dans la création de valeur dont les bénéfices seront répartis de manière équitable entre tous.

Pratiques managériales basées sur LE BIEN-ÊTRE ET LE PLAISIR AU TRAVAIL

Selon les résultats de l’édition 2016 du baromètre Edenred-Ipsos, 67% des salariés français se disent satisfaits de leur bien-être au travail. Par contre, 42% des salariés interrogés, en 2015, dans le cadre du Baromètre Cegos constatent une dégradation du climat social dans leur entreprise (Baromètre Cegos-Climat social 2015).

Par ailleurs, seulement 20% des salariés français considèrent leur travail comme une source de plaisir, d’après une enquête Edenred-Ipsos (2012).

Dans la foulée, 35,71% des hommes et 42,15% des femmes interrogés lors d’une enquête menée par patrimoine-rh en 2015, sur le bonheur, plaisir et engagement au travail, disent que l’emploi qu’ils occupent ne correspondent pas à leur formation, la raison principale (à raison de 24,13%) pour laquelle ils restent à leur poste actuel est qu’il n’y a pas d’autre possibilité d’emploi. Pourtant, les résultats de cette même enquête concluent que les personnes ayant un poste leur permettant ou leur demandant d’être créatives disent à plus de 90% être épanouies au travail .

le bonheur au travail

Le plaisir au travail, source du bien-être au travail repose essentiellement sur deux facteurs :

  • les activités effectuées dans le cadre du travail proprement dit ainsi que l’implication personnelle qu’elles demandent : tâches, responsabilités …
  • le climat social dans lequel se déroule le travail effectué : convivialité des relations, ambiance de travail …

En améliorant les conditions de travail, on agit sur la satisfaction des collaborateurs, mais cela n’augmente pas le plaisir au travail. La responsabilité de l’aboutissement à la création du plaisir au travail repose alors sur qui  : l’entreprise, le salarié, ou les deux ?

Le premier facteur étant un facteur endogène à chaque salarié, dépendant du propre ressenti du salarié dans la réalisation de ses missions, tandis que l’entreprise peut agir sur le deuxième. Aussi, le bien-être et le plaisir au travail ne sont pas du seul fait de l’entreprise ou du salarié, mais fruits d’une responsabilité partagée entre ces deux acteurs.

Google (Etats-Unis)

Le géant américain reste indétrônable dans le classement des entreprises américaines où il fait bon travailler. À part les exemples en matière de prise en charge des aspects sociaux pour les employés (couverture santé totale, 18 mois de congés pour les jeunes mamans, 6 mois pour les nouveaux pères, prime à la naissance d’un enfant …), les avantages divers (repas gratuits, transport gratuit entre domicile et lieu de travail, infrastructures sportives à disposition des salariés …), les employés peuvent disposer de 20% de leur temps de travail pour des projets personnels.

Les employés ont alors la pleine liberté de gérer leur temps de travail afin de faire correspondre les besoins de l’entreprise (productivité, réalisations …) sans peur de se faire reprocher l’utilisation des matériels de l’entreprise à des fins d’utilisation personnelle, contribuant ainsi à également instaurer une responsabilisation au niveau des différents acteurs de l’entreprise.

Fiat (Brésil)

Conscients que la bonne ou la mauvaise humeur de chaque collaborateur leur est propre, avec des causes pouvant être extérieures à l’entreprise influence leur motivation, les responsables d’une usine du constructeur automobile Fiat installé au Brésil ont mis en place un système permettant de détecter et de prendre en considération l’état émotionnel des salariés.

Ainsi, chaque matin, chaque collaborateur renseigne un tableau de présence présentant des feux tricolores placé à l’entrée de l’usine : le vert s’il est plein d’entrain, l’orange s’il est moyennement motivé, et le rouge si le collaborateur a un problème. Les salariés qui se déclarent « en rouge« , une situation dans laquelle se retrouve plus de 80% des salariés au moins une fois par an, sont alors reçus par un manager et un spécialiste RH afin de voir s’ils peuvent apporter des solutions ou les orienter si l’origine du problème ne rentre pas dans le périmètre professionnel.

Sachant que les difficultés rencontrées par les salariés peuvent avoir une incidence sur la motivation et donc l’efficacité des salariés, avec ces entretiens, le management cherche à créer de meilleures conditions du bien-être pour les collaborateurs, en instaurant un climat de compréhension et de confiance dans un esprit collaboratif.

WL Gore (Etats-Unis)

Au sein de l’entreprise WL Gore, une entreprise de 8 000 salariés, spécialisée dans la fabrication de solutions technologiques pour diverses applications (à l’exemple du textile Gore-tex), on met en avant deux principes du plaisir au travail : l’appartenance à un groupe au sein duquel le collaborateur peut évoluer et s’épanouir, et l’intérêt pour travail effectué.

En effet, durant la phase d’embauche, les nouveaux associés (le terme « employé » est banni dans cette entreprise) ont quelques semaines pour effectuer un tour des projets et choisir l’équipe au sein de laquelle ils aspirent à travailler, en fonction du plaisir et de l’affinité qu’ils ressentent pour chacune d’entre elles.Le choix d’accepter ou de refuser la candidature incombe ensuite à l’équipe choisie par le (la) nouveau(elle) collaborateur(trice).

Pratiques managériales basées sur L’AGILITÉ

Le management agile peut être perçu comme un modèle organisationnel basé sur la motivation rationnelle des ressources humaines. Ses valeurs et principes aux fondements du taylorisme : parcelliser le travail, éclater les modèles hiérarchiques traditionnels, favoriser l’émergence de l’auto-organisation, développer l’intelligence collective.

Dans le contexte économique et environnemental actuel, la pression de la concurrence force les entreprises à revoir leur modèles décisionnels et fonctionnels, en étant plus souples, plus adaptables, plus réactives. Il est alors nécessaire que les managers soient forces d’adaptation et d’anticipation, afin d’insuffler à son organisation la capacité de se mouvoir de manière juste et coordonnée, dans une dynamique collective pertinente et efficace.

Se libérer des anciennes méthodes de management est donc impératif et incontournable, pour appréhender et mettre en pratique les principes et valeurs, en intégrant l’agilité managériale comme principe d’innovation : redonner du sens aux actions entreprises pour s’affranchir du carcan d’un formalisme contreproductif, mobiliser les compétences afin de canaliser les actions sur de nouvelles problématiques, modifier les structures afin de s’affranchir de la lourdeur hiérarchique caractéristique d’une société en déclin, offrir plus de libertés aux salariés afin de redonner sa valeur à l’engagement et à la responsabilisation de chaque acteur… sans perdre de vue les résultats qui, somme toute, font figure de moteur de la performance.

Corps des sapeurs pompiers (Saône-et-Loire, France)

Le directeur du Centre des sapeurs pompiers de Saône-et-Loire (71), le colonel Marlot a mis en place, au sein de son organisation qui compte quelques 2.500 combattants du feu, un service nommé « Réseau d’intelligence territoriale » (R.I.A.). La démarche a fait suite à une réflexion du colonel Marlot, selon quoi : « Comment se fait-il que les pompiers étaient capables, en intervention, d’inventer de nouvelles pratiques, sachant que chaque incendie est unique et différent, et perdaient instantanément cette agilité de retour au Service départemental d’incendie et de secours (SDIS 71) ? ».

Le constat expliquant ce changement de comportement est que sur le terrain, les pompiers sont encouragés à prendre des initiatives et à être réactifs ; de retour à la caserne, ils redevenaient des « rouages » du mécanisme, soumis aux règles hiérarchiques, plus particulièrement au sein d’un environnement public fortement hiérarchisé.

Ainsi, le R.I.A. a pour vocation de mobiliser l’intelligence du grand nombre afin de résoudre les problématiques liées à l’incertitude et aux situations « sans solutions connues », au niveau de la lutte contre le feu et l’apport de secours dans le département. Les participants à cette initiative acceptent alors de laisser de côté les catégories hiérarchiques, échangent, donnent et partagent leurs points de vue afin de trouver des solutions sur les « préoccupations » qu’ils rencontrent, dans un cadre privilégiant la liberté d’expression.

Semco (Brésil)

Considérant que la rémunération est un facteur non négligeable de la motivation de ses salariés, Ricardo Semler, patron de la société brésilienne SEMCO, d’un effectif de plus de 3.000 salariés, a mis en place une pratique pour la moins non conventionnelle : proposer aux collaborateurs qui le désirent de se fixer eux-mêmes leurs rémunérations.

Selon Ricardo Semler : « Pourquoi traiter les employés comme des enfants en leur imposant des règles alors qu’il est possible de booster leur créativité en leur laissant plus de liberté ?« . Joignant les actes à la parole,  le patron de l’entreprise permet ainsi à ses salariés de choisir le salaire qu’ils estiment convenir eu égard au travail effectué, et c’est également à eux de déterminer leurs journées et leurs horaires de travail.

Actuellement, près de 75% des salariés de l’entreprise ont choisi de fixer par eux-mêmes leurs rétributions, en se basant sur l’intégration de 5 critères, à savoir : ce qu’ils pensent pouvoir gagner ailleurs, ce que gagnent leurs collègues au même niveau de responsabilités, ce que gagnent leur entourage pour des formations comparables, ce dont ils ont besoin pour vivre, et finalement, ce qu’ils espèrent apporter à l’entreprise.

A terme, un rapprochement entre la rémunération du salarié et sa contribution est effectué, par l’ensemble des salariés de la société, ce qui rend transparent les extravagances ou les propositions sur-évalués (ou sous-évalués, le contraire prévaut également), de manière à mettre tout le monde sur un même pied d’égalité par rapport à sa contribution et à sa prétention.

Poult (France)

En 2007, pour face à une crise financière de taille, le PDG de la société Poult (biscuitterie) Carlos Verkaeren a décidé de revoir, avec l’aide de ses salariés de l’usine de Montauban, le mode de management à mettre en place pour être plus performant, plus proche des clients, et plus innovante.

Le principal frein considéré était alors la division du travail et un processus décisionnel infantilisant et trop long, ce qui a conduit l’entreprise à s’engager sur la voie de la déhiérarchisation et de l’autonomisation des processus décisionnels au profit des collaborateurs, afin de responsabiliser et d’impliquer tout le monde. Ainsi, les postes de chefs d’équipe ont été remplacés par des postes d’animateurs d’unité, des responsabilités transversales pouvant être prises à tour de rôle, ou sur la base de volontariat. Les décisions se prennent de manière collective, et chaque collaborateur est libre d’explorer de nouvelles idées, de les mettre en pratique ou de les partager sans le poids de la contrainte hiérarchique ou fonctionnelle.

C’est un mode d’organisation fonctionnel, basé sur l’aspect collaboratif de la relation en entreprise, visant à resserrer les liens entre les opérateurs et à rendre l’entreprise plus agile et proactif.

Pratiques managériales basées sur LA COLLABORATION ET LA COHÉSION

La primauté du résultat, le cloisonnement induit par la division du travail, la prédominance bureaucratique et la centralisation du pouvoir ont altéré la qualité de la collaboration.
L’innovation managériale consiste à recréer du lien, de la proximité, mobiliser l’intelligence collective, autoriser chacun à s’exprimer, donner un avis sur un procédé, une personne, renforcer les liens entre entités et instaurer des moments de convivialité au sein d’un service, entre directions et au niveau de toute l’entreprise.

Group of business people assembling jigsaw puzzle, team support and help concept

En effet, dans un contexte de travail où la convivialité et la proximité entre les différents acteurs qui constituent l’entreprise sont de mise, une plus forte collaboration naît entre les membres des équipes, le board managérial, le top management, car chacun prend plaisir à se côtoyer, et la mise en œuvre d’actions en vue de l’atteinte d’objectifs collectifs est facilitée.

Pour le manager, rester accessible et ouvert à la communication est un gage d’une relation saine avec les membres de son équipe. Dans ce cadre, faire participer ses collaborateurs au processus de décisions, du moment que c’est possible, est un moyen de les valoriser, en leur donnant une latitude, une marge d’initiative, et une forme de responsabilisation, afin de développer sainement la cohésion et la productivité de son équipe.

Il ne faut également pas perdre de vue que le manager est l’interface entre le top management et  les collaborateurs. Il lui incombe donc de faire le lien entre ces deux groupes au sein de l’entreprise, afin que les décisions des premiers soient comprises et assimilées par l’opérationnel, mais également, les besoins et attentes des seconds soient transmises, afin que tout le monde puisse être en accord sur les objectifs communs que l’ensemble des salariés de l’entreprise vise à atteindre, dans un but collaboratif en vue d’une efficacité collective.

Zappos (Etats-Unis)

Chez cette entreprise de 2.000 salariés, spécialisée dans la vente en ligne de chaussures (et d’autres accessoires), le bonheur au travail est un principe sacré, ce qui fait que Zappos apparaît régulièrement au top 100 des entreprises où il fait bon travailler.

Selon son PDG, Tony Hsieh (on prononce Shay), les collaborateurs qui sont investis dans leur travail sont plus productifs, comme le montrent également de nombreuses études, et un des meilleurs indicateurs de cet engagement est le nombre d’amis qu’un collaborateur a dans l’entreprise. Cela marque la culture de l’entreprise, à travers la convivialité et la proximité entre les différentes personnes qui composent les équipes.

Au niveau managérial, afin de mieux connaître ses salariés, le PDG fait appel à une application informatique, qui, à chaque matin lors de la connexion à l’ordinateur, présente la photo d’un des nombreux collaborateurs de l’entreprise et demande à l’associer avec l’un de trois noms. Une fois le choix entre les 3 noms effectué, que ce soit le bon ou non, la fiche de présentation du collaborateur sort.

Une pratique renforçant la connaissance des collaborateurs par le top management, d’autant plus que l’éloignement des effectifs et leur importance peuvent se présenter comme des limites pour la cohésion au sein d’une entreprise.

HCLT (Inde)

En 2008, le PDG de la société HCLT (développement de logiciels) Vineet Nayar, a mis en place des innovations en termes de management hiérarchique (déhiérarchisation), ce qui a permis à la société de sortir de situation de crise dans laquelle elle était, et également de redonner aux salariés confiance au management.

Un exemple d’innovation mis en place, basée sur la collaboration et la cohésion, le dispositif « Feed forward » a été institué au niveau de l’entreprise. Il permet à chaque salarié au sein de la société de faire un retour concernant un manager avec qui il a travaillé, en l’occurrence sur les compétences appréciées et celles qu’il préconise de développer ou de consolider chez la personne évaluée.

Cette démarche, effectuée dans l’anonymat, et dans un cadre formel permet aux managers de l’entreprise de profiter des points de vue de leurs collègues pour s’améliorer et de progresser, concernant des aspects à ôté desquels ils seraient passé dans le cadre d’une évaluation hiérarchique classique.

S.N.C.F. (France)

Au sein de ce groupe français, afin que les responsables des différents services puissent échanger et partager leurs expériences sur les problématiques qu’il rencontrent, un portail communautaire dédié aux encadrants a été mis en place. Accessibles à tous les managers, cette plateforme leur permet également de solliciter un soutien ou des conseils de la part d’un expert sur les situations délicates qu’ils rencontrent dans le cadre de leurs pratiques.

Parti du constat qu’il y a des situations managériales sur lesquelles les managers de proximité peuvent buter, la démarche instaurée permet de dépasser le cloisonnement des différentes fonctions de management au sein de l’entreprise, et également de resserrer les liens entre les corps de métiers différents.

En outre, cette communauté a l’avantage d’être un espace au niveau duquel les différents managers associés aux différentes branches et activités peuvent mieux se connaître, et prendre conscience de l’importance du travail des autres, mais pas uniquement se focaliser sur celle de son équipe, d’autant plus que toutes les activités de l’entreprise sont imbriquées.

Pratiques managériales basées sur LA CRÉATIVITÉ

Dans le contexte entrepreneurial actuel, la créativité est considérée comme l’un des moteurs de la performance. Elle permet à l’entreprise de garder une avance par rapport à ses concurrents, en anticipant mieux, et étant plus innovant, plus agile, plus performant.

Business Forecasting

La créativité comme base du management vise à développer chez les collaborateurs un esprit créatif, propre à se sortir des situations complexes, ou délicates, ou à l’autre extrémité, instaurer un système managérial prompt à développer les capacités créatives des salariés. En tout cas, que ce soit pour l’un ou l’autre méthode, demander aux salariés de faire preuve de créativité et d’ingéniosité nécessite, de la part de l’entreprise, de mettre en place un cadre adéquat et propice à cet état d’esprit.

Aujourd’hui, l’entreprise ne doit plus se limiter au cadre des réunions éphémères pour explorer de nouvelles idées et développer de nouvelles approches au niveau des pratiques managériales.

Cela ne signifie pas bannir le cadre organisationnel et jeter le formalisme à la poubelle, mais il s’agit plus de s’ouvrir à l’expression des idées de chacun, quelle que soit la fonction, le statut, ou la position dans l’entreprise, tout le monde pouvant avoir de bonnes idées, la question est de savoir si l’on veut les écouter.

Orange (France)

Au sein de cette entreprise française de téléphonie et de fourniture d’accès internet, les salariés sont encouragés à exprimer leurs idées à travers un plateforme interne appelé « IdClic ». Quel que le poste, le statut, ou le service auquel le collaborateur appartient, il peut déposer une idée qui sera étudiée par des experts volontaires issus de l’entreprise.

Chaque idée proposée est soit archivée, soit explorée dans le cadre d’une étude de faisabilité, avec une estimation des gains qui peuvent en découler. Si l’étude de faisabilité est concluante, l’idée est mise en exploitation, avec l’auteur, et peut même être mise en œuvre au niveau national.

Le collaborateur qui a eu l’idée est ensuite rétribué par des « talents », une monnaie virtuelle au sein de l’entreprise, qui lui permettra d’effectuer des achats dans une boutique dédiée. Depuis 2007, cette démarche a permis à l’entreprise d’économiser plusieurs centaines de millions, dans le cadre du déploiement de 10% de quelques 120.000 idées déployées par les collaborateurs.

3M (Etats-Unis)

Une pratique mise en place au sein de la société 3M par son PDG de l’époque, William McKnight, et reprise depuis par bon nombre d’entreprises telles que Google, Atlassian … : permettre aux salariés qui le souhaitent de passer 20% de leur temps de travail dans l’entreprise à se consacrer à des projets personnels de leurs choix.

Cette démarche permet au collaborateur de mettre à profit les ressources mises à sa disposition par l’entreprise, afin de développer ses idées et de mener à bien son projet personnel, qui d’ailleurs, est en continuité des activités de son domaine, la plupart du temps.

Pour l’entreprise, cette démarche répond à deux enjeux majeurs : d’une part, lutter contre le turn-over des cadres et des collaborateurs qui aimeraient plus se consacrer à la concrétisation de leurs projets personnels, et d’autre part, attirer les profils qui souhaitent garder une certaine autonomie dans la réalisation de leurs aspirations personnelles, sans toutefois se limiter à une évolution hors contexte entrepreneurial.

Cet aspect managérial singulier n’est pas sans conséquence sur la performance des collaborateurs. En effet, il les incitent à travailler plus rapidement, sans toutefois omettre la mise en place de système de contrôle de la qualité du travail effectué, afin de pouvoir dégager les 1/5ème de temps de création personnelle.

Au final, innover c’est… se défaire des pratiques anciennes

Selon les statistiques, 85% des dirigeants considèrent qu’innover est primordial pour une organisation qui veut rester compétitive. Pourtant, en entreprise, seulement 10% du temps est accordé à l’innovation. Autre considération, plus de la moitié des collaborateurs, à hauteur de 54%, suggèrent de nouvelles idées à leurs responsables hiérarchiques, alors que, seulement 11% disent que ces suggestions sont prises en compte.

Au final, toute la difficulté de l’innovation sur le plan des pratiques managériales réside dans la capacité des managers et des décisionnaires à se délester des considérations anciennes, afin de s’ouvrir à de nouvelles idées, sachant qu’en parlant de changement et d’innovations, un changement de technologie se fait sur 6 à 18 mois, tandis qu’un changement culturel se met en place entre 1 et 5 ans.

C’est surement à cause de cette difficulté que les pratiques managériales évoluent à un rythme aussi lent. C’est une dimension qui, somme toute, est difficile à faire évoluer, plus par peur du changement et des échecs que par manque de conviction sur les améliorations qui peuvent en résulter, illustrées par le cas des pionniers en la matière.

Toutefois, se défaire des pratiques anciennes ne signifie pas copier les innovations mises en œuvre par les autres entreprises.  il faut considérer les aspects propres à l’organisation de l’entreprise et à sa culture, avant de se pencher sur les points à reconsidérer afin de conduire l’entité sur la voie des transformations/changements qui produiront effectivement le progrès économique et social voulu.

Sources :

Qu'avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne de 0/5 basé sur 0 avis

Soyez le premier à donner votre avis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *