Santé mentale au travail : par où commencer ?

42% des salariés sont en détresse psychologique modérée ou élevée selon le baromètre Empreinte Humaine de septembre 2024.  Ce chiffre est alarmant. D’autant plus qu’il s’accompagne d’autres statistiques clés qui en disent long sur le chemin qu’il reste à faire. Plus de 60% des employés cachent leurs difficultés mentales par crainte de répercussions sur leur carrière et seulement 30% des salariés estiment que leur entreprise met en place des actions de prévention et de soutien sur le sujet de la santé mentale

Santé mentale au travail : par où commencer ?
Santé mentale au travail : pourquoi il est urgent d'agir et quelles actions mettre en place pour prévenir les risques psychosociaux.

On le voit : la santé mentale au travail reste encore, bien souvent, un sujet tabou. 

Et pourtant, ce sujet a été érigé par le gouvernement au rang de « grande cause nationale » pour 2025. Et ce n’est pas pour rien : la santé mentale a été désignée comme le premier problème de santé à l’échelle mondiale. Et la France est particulièrement concernée : la Drees (ministère de la Santé) a révélé le 9 janvier 2025 que si 6% des Européens souffrent de syndromes dépressifs, ce chiffre monte à 11% en France soit la « prévalence la plus forte » d’Europe.

Dans ce contexte, comment repérer les difficultés et surtout prendre soin de la santé mentale de vos collaborateurs ? Cet article tente de décrypter les signaux qui doivent vous alerter, mais aussi et surtout les meilleures pratiques pour construire une véritable culture du bien-être au travail.

Les signaux qui doivent vous alerter

En matière de santé au travail, il y a des signes qui ne trompent pas. Mais ceux-ci sont souvent des signaux faibles. D’où l’importance de demeurer très attentifs aux indices que vous pouvez repérer parmi vos salariés. 

On peut distinguer deux types de signaux :

  • les signaux individuels ;
  • les signaux collectifs.

Voyons dans le détail de quoi il s’agit.

Les signaux individuels de détresse psychologique

Les changements de comportement constituent une première alerte qui n’est pas à prendre à la légère. 

Ceux-ci peuvent se manifester de différentes manières :

  • Un stress accru, de l’irritabilité et des changements d’humeur soudains ;
  • Un isolement social et un désengagement progressif des temps informel de convivialité ou d’échange ;
  • des retards fréquents et un absentéisme accru.

Même si cela n’est pas toujours évident, certains signes physiques peuvent aussi être repérés : une importante baisse ou prise de poids, des troubles du sommeil, des douleurs musculaires ou articulaires, une tendance à grignoter ou au contraire à manger moins.

Mais surtout, l’état émotionnel du salarié en dit long. Si ce dernier pleure souvent, même en réunion, c’est souvent le signe d’un début de dépression. Le salarié peut aussi souffrir de stress chronique, avec le sentiment de ne pas pouvoir réussir à se détendre, même en week-end ou pendant les vacances. Celui-ci aura du mal à se projeter vers des périodes plus agréables : c’est un signal fort à ne pas négliger.

Enfin, une santé mentale déteriorée peut se répercuter sur les performances du salarié. Vous constaterez peut-être une baisse de productivité, de la difficulté pour se concentrer et accomplir les tâches habituelles ou une baisse générale de la motivation et de la confiance en soi. Ce désengagement au travail n’est pas toujours à mettre sur le dos d’une forme de démission silencieuse ou de “quiet quitting”. Parfois, c’est le signal d’une santée mentale dégradée ou d’une détresse psychologique importante.

Les signaux collectifs d’une santé mentale dégradée chez les salariés

Collectivement, certains indicateurs RH doivent vous mettre la puce à l’oreille. Il s’agit notamment :

  • d’une augmentation du nombre d’arrêts maladie et de l’absenteisme global ;
  • d’une augmentation des conflits entre salariés ;
  • d’une diminution des activités collectives.

La baisse de performance collective et l’augmentation des incidents constatés sur la qualité des missions réalisées est souvent un indicateur que quelque chose ne va pas. Il est bon de se rappeler que le sentiment du travail bien fait est un facteur important de la qualité de vie au travail et qu’à l’inverse, la “qualité empêchée” peut être source de stress, de démotivation, voire même de détresse psychologique. 

Être attentif à la santé mentale de ses salariés implique donc de scruter de près les indicateurs de performance, mais avec d’autres lunettes, celles de la prévention des risques psycho-sociaux !

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de santé mentale au travail ?

En France, la législation est claire : l’employeur a une obligation de résultat concernant la protection de la santé physique et mentale des salariés. Ce n’est pas une simple recommandation, mais bien une responsabilité légale inscrite dans le Code du travail.

L’employeur doit avant tout mettre en place des actions de prévention des risques psychosociaux (RPS). Cela passe par une évaluation précise des facteurs de stress, de harcèlement ou d’épuisement professionnel pouvant affecter les collaborateurs. Cette évaluation doit être consignée dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), qui doit être mis à jour régulièrement.

Au-delà de cette obligation d’évaluation, l’employeur doit également :

  • Former les managers à la détection des risques psychosociaux et à la gestion des situations de crise ;
  • Mettre à disposition des salariés des ressources d’aide et de soutien psychologique ;
  • Organiser des actions de sensibilisation pour lever le tabou autour de la santé mentale.

Il est important de souligner que la jurisprudence a considérablement renforcé la responsabilité des employeurs ces dernières années. Plusieurs décisions de justice ont condamné des entreprises pour « faute inexcusable » lorsqu’elles n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la souffrance psychique d’un salarié, notamment dans des cas de burn-out ou de dépression professionnelle. 

💡Dans un arrêt de la Cour de cassation du 6 janvier 2021 (n° 19-17.299), la Cour a requalifié la démission d’une salariée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité concernant la protection de sa santé mentale. L’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale de la salariée, ce qui a été jugé comme un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Enfin, rappelons que l’employeur a l’obligation de réaliser une enquête approfondie en cas de signalement d’une situation de souffrance au travail, qu’elle provienne du salarié lui-même, des représentants du personnel ou de la médecine du travail. Ignorer ces signaux peut engager la responsabilité civile et pénale de l’entreprise et de ses dirigeants.

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Face à ces obligations, de nombreuses entreprises se sentent démunies. Pourtant, des solutions concrètes existent pour non seulement se conformer à la loi, mais surtout pour construire un environnement de travail véritablement protecteur de la santé mentale des collaborateurs.

Les actions concrètes pour prendre soin de la santé mentale de vos collaborateurs

Concrètement, voici quelques axes prioritaires sur lesquels vous pouvez agir :

  1. Formez vos managers à la détection et à la gestion des situations de détresse
    Les managers sont en première ligne pour repérer les signaux faibles. Pourtant, une majorité d’entre eux se sent insuffisamment préparée pour aborder ces sujets. Il est donc essentiel de les former !
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  2. Mettez en place des dispositifs d’écoute et d’accompagnement
    Un service d’écoute psychologique anonyme et confidentiel est souvent la première étape. Les numéros verts permettent aux salariés de trouver une oreille attentive sans crainte de jugement. Certaines entreprises vont même plus loin en prenant en charge quelques séances avec un psychologue !
  3. Repensez l’organisation du travail
    La santé mentale se joue aussi et surtout dans l’organisation quotidienne. Charge de travail excessive, injonctions contradictoires, interruptions fréquentes : ces facteurs peuvent vite devenir toxiques. Prendre le temps d’analyser les process et les méthodes de travail peut permettre d’identifier les irritants du quotidien et surtout, de les corriger.
  4. Créez une culture où l’on peut parler ouvertement de santé mentale
    Le tabou qui entoure la santé mentale ne se brise pas du jour au lendemain. Pour créer un environnement où chacun se sent libre d’évoquer ses difficultés, des actions de sensibilisation régulières sont essentielles : conférences, ateliers, témoignages… L’objectif est de normaliser le sujet et de faire passer un message clair : avoir des hauts et des bas est humain, et en parler n’est pas un signe de faiblesse.
  5. Développez le soutien social entre collaborateurs
    Le sentiment d’appartenance et le soutien des pairs jouent un rôle clé dans la préservation de la santé mentale. Encouragez les moments d’échange informels, les rituels d’équipe et les projets collaboratifs qui créent du lien. Dans les organisations en télétravail, ces moments sont d’autant plus importants à préserver et à ritualiser.

Bonnes pratiques : l’exemple de Saint-Gobain

Parler de santé mentale, c’est bien. Agir concrètement, c’est mieux ! Penchons-nous sur l’exemple inspirant de Saint-Gobain qui a su développer une approche complète et innovante.

En mars 2023, le groupe industriel a lancé un programme ambitieux baptisé #jeprendssoindemoi, articulé autour de quatre axes majeurs :

  • La prévention des troubles musculo-squelettiques,
  • Le dépistage des cancers, 
  • La gestion du stress, au cœur des préoccupations de santé mentale ;
  • La bienveillance au travail, socle essentiel d’un environnement professionnel sain.

Ce qui fait la force de cette démarche ? Des ateliers concrets, animés par de véritables professionnels, proposés à la fois en présentiel et en distanciel. Et surtout, un engagement financier à la hauteur des ambitions : le programme est intégralement financé par la réserve assurancielle du groupe, témoignant d’une volonté réelle d’investir dans le capital humain.

Mais Saint-Gobain est allé encore plus loin en s’attaquant directement au rôle crucial des managers avec son « Mental Well Being program« . Lancée en 2022, cette solution digitale innovante s’intègre à l’intranet du groupe et propose une approche structurée autour de six domaines d’action :

  • Les pratiques managériales, premier levier de prévention ;
  • L’environnement relationnel, essentiel au sentiment d’appartenance ;
  • L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, plus que jamais au cœur des préoccupations ;
  • L’environnement de travail physique, dont l’impact sur le bien-être mental est souvent sous-estimé ;
  • Les aptitudes personnelles, pour renforcer la résilience individuelle ;
  • La gestion du changement, source majeure de stress lorsqu’elle est mal accompagnée.

L’intelligence de ce dispositif réside dans sa dimension opérationnelle : chaque thématique se décline en bonnes pratiques concrètes, avec des objectifs précis, des ressources dédiées, une évaluation de la difficulté et des effets attendus clairement identifiés. Pour favoriser l’engagement, l’outil intègre même une dimension ludique avec un système de points pour chaque action mise en œuvre.

Ce programme, bien que particulièrement destiné aux managers, reste accessible à tous les collaborateurs. Et s’il repose sur le volontariat, un défi stimulant est lancé aux managers : adopter au moins trois pratiques dans deux domaines différents. Les résultats parlent d’eux-mêmes : depuis son lancement, plus de 100 pratiques ont été implémentées, avec une prédilection pour le télétravail, les feedbacks réguliers et les moments conviviaux.

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2 jours – En présentiel ou à distance

  • Repérer les manifestations de la souffrance psychique.
  • Identifier les facteurs de risques individuels et professionnels de la souffrance psychologique.
  • Pratiquer les méthodes d’écoute, d’entretien et de soutien.
  • Utiliser les techniques de communication affirmée et bienveillante adaptées face à des troubles du comportement.
  • Agir dans la prévention et la prise en charge des situations à risque en coordination avec les différents acteurs selon leur rôle.

Conclusion : construire une culture du bien-être au travail

La santé mentale au travail n’est plus un sujet que l’on peut se permettre de négliger. Les chiffres alarmants que nous avons évoqués montrent l’ampleur du phénomène et l’urgence d’agir. Mais au-delà des obligations légales et des dispositifs formels, c’est bien d’une véritable transformation culturelle dont nos organisations ont besoin.

Construire une culture du bien-être ne se décrète pas. C’est un engagement de long terme qui commence par l’exemplarité du management et se diffuse à tous les niveaux de l’entreprise. Cette culture repose sur des valeurs concrètes : la bienveillance, la transparence, l’écoute et le droit à l’erreur. Elle implique de considérer la santé mentale non comme un sujet annexe ou une simple obligation réglementaire, mais comme une composante essentielle de la performance durable. Bref, une grande cause de l’entreprise !

 

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