Fonction publique : l’encadrement de la liberté d’exercice syndicale par l’employeur

Au 8 décembre 2022, les établissements relevant des trois versants de la fonction publique ont procédé au renouvellement général des instances représentatives.

À cette fin, le décret du 3 décembre 2021 aménage les conditions de représentativité au sein des comités sociaux ainsi que les compétences dévolues à l’instance concernée.

L’encadrement de la liberté d’exercice syndicale par l’employeur
Comités sociaux et les droits syndicaux des agents : le juge administratif veille à équilibrer l'exercice des droits syndicaux et la continuité du service public

Le cadre juridique applicable aux représentants du personnel ne peut toutefois s’envisager sous ce seul angle : ils disposent également d’un certain nombre de droits matériels hors instance.

Le décret du 19 mars 1986 est venu préciser ces droits.

Le caractère sensible du sujet fait néanmoins souvent l’objet de débats, en particulier devant le juge administratif, qui en précise régulièrement le contour.

En effet, le Préambule de la Constitution de 1946 reconnait la liberté syndicale comme liberté fondamentale et le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement les exigences qui sont liées au respect de ce principe.

L’article L113-1 du Code général de la fonction publique reprécise également ce droit en rappelant que le droit syndical est garanti aux agents publics, qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.

Ainsi, les agents disposent bien d’un droit à l’exercice de fonction syndicales, érigé en principe constitutionnel et les juges constitutionnels et administratifs en contrôle les atteintes.

Ces dernières s’avèrent pourtant souvent indispensables à la continuité du service, autre principe d’origine constitutionnelle.

Ce faisant, la juridiction administrative se doit d’opérer l’équilibre courant en matière juridique : le droit des agents d’une part, la continuité du service d’autre part.

Dans le cadre de son office, le juge veille alors à la bonne application de la réglementation en matière de droit syndical, mais s’intéresse également à ce que la limitation apportée à tout droit syndical demeure strictement nécessaire et attachées au fonctionnement du service.

Les limites à l’exercice du droit syndical par l’employeur : limitation stricte et nécessaire

En matière d’exercice du droit de grève, le juge étudie, de manière constante, ce nécessaire équilibre entre les deux impératifs : le législateur opère une conciliation entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l’une des modalités, et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. Ainsi, pour le juge administratif, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays. En l’état de la législation, il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue de ces limitations pour les services dont l’organisation lui incombe.

Conseil d’État, 27 avril 2021, n° 440254

Si le recours à l’exercice du droit de grève constitue un juste exemple de l’application du principe, il en va ainsi de nombre de sujets auxquels le juge administratif a encore été récemment confronté.

Dans cette dynamique, le Conseil constitutionnel a pu, en référé, retenir que la stipulation au sein d’un accord de méthode, qui prévoyait que seuls les représentants du personnel en activité pouvaient être habilités à participer à une négociation au sein de l’établissement, ne portait pas atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté syndicale.

Conseil d’État, 19 avril 2022, n° 462991

Dans cette espèce, le Conseil d’État avait en effet retenu que la désignation des personnes habilitées à négocier parmi les seuls agents en position d’activité au sein de l’établissement faisant obstacle à ce que soit habilité le secrétaire général du syndicat de participer à la négociation prévue, dès lors qu’il dispose de représentants élus au sein des instances paritaires.

Ainsi, le juge permet à l’employeur de limiter l’exercice du droit syndical, dès lors que la réglementation n’y fait pas obstacle et qu’elle demeure strictement nécessaire à la continuité du service.

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Le recours à la définition des nécessités du service

La construction d’une jurisprudence encadrant le recours aux nécessités du service

Par les textes, le réglementateur a permis à l’administration de refuser l’attribution d’un droit syndical sans qu’il constitue une atteinte à la liberté du droit syndical, notamment par l’utilisation, parfois galvaudée, de la notion de nécessités et de bon fonctionnement du service.

Il en va ainsi de plusieurs droits prévus par le décret précité du 19 mars 1986 : organisation et autorisation d’absence pour participer aux réunions syndicales (article 6), distribution des documents d’origine syndicale (article 10), collecte des cotisations syndicales (article 11), autorisations d’absence pour assister aux congrès syndicaux et organismes directeurs (article 13), mise à disposition de représentants auprès d’organisations syndicales nationales (article 21), utilisation des crédits d’heure (article 29-1).

L’office du juge ne s’arrête toutefois pas à s’assurer que l’administration a bien limité l’exercice du pouvoir syndical aux nécessités du service, mais attend de l’administration qu’elle indique ce que couvre la notion en cause et qu’elle repose sur une nécessité établie et justifiée.

Ainsi, il est de jurisprudence constante qu’en l’absence d’un motif tiré des nécessités du service, l’administration ne peut refuser un droit syndical au bénéfice d’un agent, sans faire obstacle à l’exercice de la liberté fondamentale.

Le juge administratif requiert même de l’administration qu’elle oppose une motivation précise lorsqu’elle refuse d’accorder un droit syndical en raison des nécessités du service.

Conseil d’État, 8 mars 1996, n° 150786

À cet égard, le Conseil d’État a pu considérer que le refus d’accorder à un agent un congé de formation syndicale pendant les vacances scolaires (où le rythme périscolaire est renforcé), en raison des nécessités du service, portait une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale, dès lors que la raison invoquée présentait un caractère systématique, interdisant par principe la participation de l’agent à des formations syndicales de plusieurs jours qui ne se dérouleraient pas pendant les périodes de congé scolaire.

Conseil d’État, 25 septembre 2009, n° 314265

De la même façon, une administration ne peut pas refuser, pour nécessité de service par avance, à un agent de bénéficier d’une décharge de service.

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