Avantage en nature : les derniers arrêts de la Cour de cassation

Les avantages en nature correspondent à une économie de frais réalisée par le salarié en raison de la mise à disposition permanente ou de la fourniture d’un bien ou d’un service par son employeur, frais qu’il aurait dû normalement supporter. Cet article fait le point sur des décisions récentes de la Cour de cassation, concernant des cas de prise en compte ou non de prestations ou de dépenses au titre des avantages en nature.

Avantage en nature
Avantage en nature : le cas des dépenses en événementiel et des avantages offerts par des entreprises tierces aux salariés.

Éléments accessoires de rémunération, les avantages en nature sont soumis à cotisations de Sécurité sociale (et aux cotisations, contributions et taxes ayant la même assiette).

Code Sécurité sociale, article L242-1 renvoyant à L136-1-1

Précision : un type de bien ou de service ne constitue pas, en lui-même, un avantage en nature ou des frais professionnels. Tout dépend du contexte.

Les frais d’organisation de séminaires et de cocktails

L’affaire : des sommes consacrées à des événements d’affaires réintégrées dans l’assiette des cotisations

À la suite d’un contrôle, une URSSAF avait notifié à une société une lettre d’observations portant plusieurs chefs de redressement, suivie d’une mise en demeure.

La société avait alors saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

Parmi ses griefs, la société contestait un chef de redressement portant sur les avantages en nature/cadeaux en nature offerts par l’employeur, pour un montant de 111 093 €. Les frais en question concernaient entre autres, des séminaires, cocktails, trophées sportifs organisés en présence de notaires et de professionnels du droit.

La société faisait valoir que ces frais avaient une visée commerciale et professionnelle, ayant pour objet d’étendre et de renforcer le réseau et les liens de la société avec ces professionnels, lesquels étaient ses premiers interlocuteurs et apporteurs d’affaires.

La société produisait également plusieurs justificatifs, dont notamment les listes d’invités, les coupon-réponse des notaires, des invitations et factures.

Devant les premiers juges, puis devant la cour d’appel, la société n’avait pas eu gain de cause. Les juges d’appel avaient en effet considéré que les événements organisés comportaient des activités de loisir et que les pièces fournies ne permettaient pas de déterminer les personnes présentes à ces événements, de sorte que la société n’avait pas rapporté la preuve qu’il n’y avait pas eu avantage en nature au profit de certains salariés.

Par conséquent, la cour d’appel avait validé l’intégralité du chef de redressement.

Aux juges du fond de rechercher si les dépenses en « événementiel » ont effectivement bénéficier aux salariés

L’affaire est arrivée devant la Cour de cassation.

La Cour commence par rappeler que sont considérées comme rémunérations, pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, y compris les avantages en nature.

Code de la Sécurité sociale, article L242-1 dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses

Puis elle relève que pour valider le chef de redressement « avantages en nature : cadeaux en nature offerts par l’employeur », la cour d’appel a constaté que :

  • La société, qui expose que son activité nécessite pour se faire connaître des actions commerciales et de communication à l’égard des notaires, clercs de notaires et futurs notaires, avait produit différentes pièces afférentes à chaque manifestation pour démontrer que celles-ci avaient une visée commerciale et promotionnelle, et que seuls quelques salariés y avaient participé dans le cadre de leur activité professionnelle ;
  • S’agissant de chacun des événements en cause, les pièces produites ne permettaient pas de déterminer, autrement que par les listes établies par la société pour son propre compte, qui avait effectivement participé à ces manifestations ; de plus, les factures ne permettaient pas de savoir qui avait bénéficié des prestations décrites.

Un raisonnement insuffisant pour la Cour de cassation, qui reproche aux juges d’appel de ne pas avoir recherché si ces dépenses constituaient des avantages en nature dont avaient bénéficié des travailleurs de l’entreprise en contrepartie ou à l’occasion de leur travail.

L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel.

Cour de cassation, chambre civile, 2e chambre, 1er février 2024, n° 21-21 171 FD (1er moyen du pourvoi principal)

Votre formation sur ce thème

 FRAIS PROFESSIONNELS ET AVANTAGES EN NATURE 

1 jour – En présentiel ou à distance

  • Distinguer précisément frais professionnels et avantages en nature.
  • Respecter la législation applicable aux avantages en nature et frais professionnels.
  • Adapter ses pratiques en conformité avec le BOSS.
  • Identifier les tolérances de l’URSSAF.

Avantages accordés aux salariés d’autres employeurs

Avantages accordés aux salariés d’autres employeurs : bref rappel

Certains salariés perçoivent, en raison de leur activité professionnelle, des sommes ou avantages qui leur sont accordés non par leur employeur, mais par d’autres entreprises (des « tiers à l’employeur habituel »). Il peut s’agir, par exemple, de cadeaux ou bons d’achat octroyés à un salarié par une entreprise tierce pour récompenser la réalisation d’objectifs commerciaux.

Ces sommes et avantages alloués sont considérés comme rémunération dès lors que (Code de la Sécurité sociale, article L242-1-4) :

  • La somme ou l’avantage est accordé au salarié par une personne tierce qui n’est pas son employeur ;
  • Le versement est la contrepartie d’une activité exercée dans l’intérêt de cette personne.

L’entreprise qui octroie la somme ou l’avantage est redevable de cotisations soit, si les conditions requises, selon le régime dit « de la contribution libératoire » (lequel permet notamment une exonération jusqu’à un certain montant), soit selon un régime de droit commun.

Des voyages financés via des points cadeaux attribués selon un chiffre d’affaires minimum

Dans cette affaire, suite à un contrôle de l’URSSAF, une société spécialisée dans le négoce de peintures avait été redressée sur certaines sommes.

Pour la petite histoire, dans le cadre d’un programme de fidélisation de ses entreprises clientes, la société offrait des voyages d’agrément financés par le biais de points cadeaux attribués en fonction d’un chiffre d’affaires minimum défini annuellement comme devant être réalisé par le client. Les entreprises clientes (peintres en bâtiment) qui souscrivaient au programme désignaient les personnes physiques attributaires des avantages alloués. C’est sur les sommes relatives à ces voyages que la société avait été redressée, ce qu’elle contestait.

La société estimait, entre autres arguments, que :

  • Les avantages étaient attribués à des clients, à savoir les entreprises personnes morales qui souscrivaient au programme, et pas aux salariés in fine bénéficiaires des voyages, lesquels étaient désignés par l’entreprise cliente ;
  • Les points étaient attribués non pour une activité accomplie dans l’intérêt de la société, mais uniquement en fonction du volume de produits consommés, de sorte qu’il s’agissait donc d’une vente avec prime, non assujettie à cotisations sociales.

De son côté, la cour d’appel n’a pas tenu compte des arguments de la société. Elle a validé le redressement, rappelant notamment que l’attribution des avantages cadeaux visait, au travers de sociétés clientes, des personnes physiques salariées qui recevaient le bénéfice desdits avantages d’une personne tierce à leur employeur.

Des cadeaux assimilés à une rémunération soumise à cotisations

La Cour de cassation suit la Cour d’appel dans ses raisonnements, et repart des textes légaux.

Elle rappelle tout d’abord que toute somme ou avantage alloué à un salarié ou à une personne assimilée à un salarié pour l’assujettissement aux assurances sociales du régime général, par une personne n’ayant pas la qualité d’employeur en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de cette dernière, est une rémunération au sens de l’article L242-1 du Code de la Sécurité sociale.

Code de la Sécurité sociale, article L242-1-4

Puis, repartant des faits soulevés par la cour d’appel, elle déroule son raisonnement.

  1. Les bénéficiaires du programme de fidélisation sont les entreprises clientes, qui désignent à la société attribuant les avantages (celle qui a été redressée) les personnes physiques attributaires des avantages alloués qui en reçoivent le bénéfice de la société cotisante.
    Les dirigeants des sociétés bénéficiaires des avantages litigieux étant au nombre des personnes assimilées à des salariés pour l’assujettissement aux assurances sociales, les bénéficiaires des avantages cadeaux étaient donc des salariés des entreprises clientes.
  2. La réalisation d’un chiffre d’affaires annuel minimum par le client était une condition du bénéfice des avantages, ce qui permettait à la société cotisante d’augmenter son chiffre d’affaires et incitait ses clients à prescrire les produits qu’elle commercialise dans leur entourage professionnel. Les salariés des entreprises clientes accomplissaient ainsi une activité dans l’intérêt de la cotisante, qui n’est pas leur employeur.
  3. De ces constatations, la cour d’appel en a donc exactement déduit que les avantages directement octroyés par la société cotisante à des salariés ou des personnes assimilées à des salariés de sociétés tierces, en contrepartie d’une activité accomplie dans son intérêt, devaient être soumis à cotisations et contributions sociales.

Cour de cassation, chambre civile, 2e chambre, 30 novembre 2023, n° 22-10671 FD

Qu'avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne de 5/5 basé sur 2 avis

Soyez le premier à donner votre avis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *