L’objet du projet de loi
Ce projet de loi a pour origine l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.
Après son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture, le Sénat a voté le texte, le 17 octobre 2023, en y apportant quelques modifications le rendant plus proche du texte de l’ANI signé par les partenaires sociaux. Députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire sont parvenus, le 15 novembre 2023, à un accord sur le projet de loi relatif au partage de la valeur.
Les modifications apportées par le Sénat
Les principales modifications apportées par le Sénat sont les suivantes :
1. Dialogue social sur les classifications : suppression de la possibilité de négociation dans les 15 jours
Le projet de loi prévoit l’ouverture d’une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications avant la fin 2023 au sein des branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de 5 ans.
Le projet de loi corrigé par le Sénat indique que la négociation prend en compte l’objectif d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la mixité des emplois.
Projet de loi, art. 1er modifié
Le Sénat a par ailleurs supprimé la disposition ajoutée par l’Assemblée nationale, selon laquelle la négociation s’engage dans les 15 jours suivant la demande d’une organisation syndicale à défaut d’initiative de la partie patronale.
2. Obligation de partage de la valeur pour les entreprises de 11 salariés à moins de 50 salariés
Le projet de loi prévoit une expérimentation de 5 ans visant à imposer aux entreprises de 11 salariés et plus non soumises par la loi à l’obligation de mettre en place la participation (entreprise de « 11 à moins de 50 salariés »), lorsqu’elles réalisent un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs, de mettre en place un dispositif de partage de la valeur au titre de l’exercice suivant.
Pour remplir leur obligation, les entreprises disposeront de quatre possibilités :
- soit se doter d’un régime de participation ou d’intéressement selon les modalités prévues par le Code du travail : application d’un dispositif de participation ou d’intéressement conclu au niveau de la branche (Code du travail articles L. 3322-9 et L. 3312-8), mise en place volontaire de la participation (Code du travail article L. 3323-6), mise en place d’un dispositif d’intéressement (Code du travail article L. 3312-5) ;
- soit mettre en place le dispositif expérimental de participation dérogatoire prévu par le projet de loi ;
- soit mettre en place le dispositif expérimental de participation dérogatoire prévu par le projet de loi ;soit abonder un plan d’épargne, mis en place au niveau de l’entreprise ou interentreprises (PEE, PEI, PERCO, PERCO-I, PERE-CO, PERE-CO-I) ;
- soit verser une prime de partage de la valeur.
L’entreprise est réputée satisfaire à l’obligation lorsqu’elle applique un des dispositifs de partage de la valeur au titre de l’exercice considéré.
Cette expérimentation sera menée sur une période de 5 ans à compter de la promulgation de la loi.
L’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur s’appliquera aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024, soit à compter du 1er janvier 2025. Pour chaque exercice, la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal s’appréciera sur la base des trois exercices précédents (par exemple, pour l’exercice 2025, on regardera les exercices 2022, 2023 et 2024).
3. Nouveaux cas de déblocage de la participation et du PEE
Le Sénat a supprimé l’article sur les nouveaux cas de déblocage anticipé de la participation et du PEE, qui avait été introduit par l’Assemblée nationale.
Le Sénat considère en effet qu’un décret suffit pour intégrer les 3 nouveaux cas de déblocage anticipé prévus par l’ANI du 10 février 2023.
Article 33
4. Intéressement et critères RSE
Le Sénat a supprimé l’article sur la possibilité de prendre en compte des critères RSE de l’entreprise dans la formule de calcul de l’intéressement, issu d’un amendement voté par l’Assemblée nationale.
Cette possibilité étant autorisée par les textes actuels, le Sénat a estimé que l’article devait être supprimé en raison de son absence de portée normative ayant le caractère de nouveauté par rapport au droit actuel.
Projet de loi, article 10 bis supprimé
5. Participation et rectification de la déclaration de résultats
Le Code du travail prévoit que lorsque l’administration ou le juge de l’impôt rectifie les résultats d’un exercice, l’entreprise doit recalculer le montant de la participation des salariés au titre de l’exercice en question.
Code du travail article D. 3324-40
La loi confère désormais à cette règle une valeur légale, sans changement sur le fond.
Projet de loi, article. 9 bis ; Code du travail article L. 3326-1-1 nouveau
6. Actionnariat salarié
Le Sénat étend l’avantage fiscal dont bénéficient les apports de titres consécutifs aux seules attributions gratuites d’actions à celles qui bénéficient à au moins 50 % des salariés de l’entreprise, lorsque la société bénéficiaire de l’apport détient moins de 40 % du capital et des droits de vote de la société émettrice.
Projet de loi, article 13 bis nouveau
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Autres précisions de ce projet de loi
Le projet de loi prévoit :
- Une amélioration du régime de la prime de partage de la valeur (prolongation du régime d’exonération renforcée sur 2024, 2025 et 2026 mais uniquement dans les entreprises de moins de 50 salariés, possibilité d’affecter la PPV sur un plan d’épargne salariale en vue d’une défiscalisation) ;
- Obligation de négocier sur la notion de bénéfice exceptionnel : pour les entreprises tenues de mettre en place la participation (entreprise de 50 salariés ou plus), une obligation est instituée d’engager une négociation sur la définition de la notion de bénéfice exceptionnel et le partage de la valeur associée pour les salariés. Lorsqu’elles ouvriront une négociation pour mettre en œuvre un dispositif de participation ou d’intéressement, les discussions devront également sur :
- La définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice (Code du travail article L. 3324-1, 1°) ;
- Et les modalités de partage de la valeur qui en découlent pour les salariés. La négociation devant aussi porter sur les conséquences d’un bénéfice exceptionnel pour les salariés. La loi précise que le partage de la valeur pourra se traduire soit par le versement d’une somme, soit par l’ouverture de nouvelles négociations. Ce dispositif entrera en vigueur en même temps que la loi, à savoir dès le lendemain de sa publication de la loi. Les entreprises appliquant déjà un accord d’intéressement ou de participation à la date de promulgation de la loi (date de signature) devront engager une négociation sur la définition du bénéfice exceptionnel et le partage de la valeur qui en découle avant le 30 juin 2024 ;
- A titre expérimental pendant 5 ans, la possibilité pour les entreprises non assujetties à la participation (entreprises de moins de 50 salariés) de se doter par accord d’un régime de participation moins favorable que celui prévu par la loi. Pour cela, ces entreprises auront la faculté :
- Soit d’appliquer un accord type de participation conclu au niveau de la branche (la loi donnant par ailleurs aux branches jusqu’au 30 juin 2024 pour ouvrir des négociations sur la création d’accords-type avec formule dérogatoire). En revanche, elles ne pourront pas mettre en place un tel régime par décision unilatérale. Cette voie n’est prévue que pour mettre en place un régime de participation volontaire au moins aussi favorable que le régime légal, en cas d’échec des négociations (Code du travail article L. 3323-6) ;
- Soit de conclure leur propre accord selon les règles spécifiques à leur participation (Code du travail article L.3322-6).
- La création d’un nouveau dispositif, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE), en vue de permettre aux entreprises dont la valeur de l’entreprise augmente sur 3 ans, de verser aux salariés une prime dans un cadre social et fiscal incitatif ;
- Diverses mesures en matière d’intéressement (en cas de répartition proportionnelle, inscription dans la loi de la possibilité de fixer un plancher ou un plafond aux rémunérations prises en compte ; possibilité de verser des avances) ;
- Une simplification de la procédure de modification d’un règlement de PEI, lorsque le but est d’ajouter de nouvelles possibilités d’affectation ;
- Un assouplissement du mécanisme d’attribution gratuite d’actions (relèvement de plafonds d’attribution, possibilité d’attribuer des actions gratuites aux mandataires sociaux de sociétés liées dans les groupes non côtés…) ;
- Suppression du report supplémentaire de 3 ans. Une entreprise qui franchit le seuil de 50 salariés dispose d’un délai de 5 ans pour se doter d’un dispositif de participation (Code du travail article. L. 3322-1). Ce « moratoire » est la conséquence de l’application à la participation, depuis le 1er janvier 2020, des règles « Sécurité sociale » d’effectif et de franchissement de seuil (Code du travail article L. 3321-1 ; Code de la Sécurité sociale article. L. 130-1). Il existe par ailleurs un moratoire spécifique aux entreprises déjà dotées d’un accord d’intéressement lorsqu’elles franchissent le seuil de 50 salariés : ces entreprises ont 3 ans pour se doter d’un accord de participation (Code du travail article L. 3322-3). L’administration a considéré que ces deux mécanismes se cumulaient. Pour les entreprises déjà dotées d’un accord d’intéressement au moment de franchir le seuil de 50 salariés, l’assujettissement à la participation peut donc être décalé de 8 ans au total (les 5 ans « Sécurité sociale » + 3 ans). La loi supprime le délai supplémentaire de 3 ans dont bénéficient les entreprises déjà dotées d’un accord d’intéressement (projet de loi, article 4 ; Code du travail article L. 3322-3 abrogé) ;
- Possibilité de prévoir des avances. Selon la nouvelle disposition, si l’accord en prévoir la possibilité, des avances pourront être versées au bénéficiaire de l’intéressement ou de la participation, après avoir recueilli son accord, selon une périodicité qui ne pourrait être inférieure au trimestre. (Projet de loi, article 9 ; Code du travail article L. 3348-1 nouveau). En cas de trop-perçu par le salarié, le remboursement se fera sous la forme d’une retenue pour salaire, selon les conditions prévues en cas d’avance sur salaire, donc par des retenues successives ne dépassant pas 10 % du montant des salaires exigibles (Code du travail article L. 3251-3).
Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, texte CMP du 15 novembre 2023