URSSAF : contrainte et opposition à contrainte

Les services paie des entreprises connaissent ce terme redoutable de « contrainte » décerné par les organismes de sécurité sociale. Cet article a pour but de faire le point sur cette procédure et sur les moyens de s’y opposer. Le sujet est certes quelque peu technique mais essentiel. Dans tous les cas, il nécessite de s’y arrêter quelques instants.

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URSSAF : contrainte et opposition à contrainte
La contrainte : en quoi consiste cette procédure ?

La contrainte

Mise en demeure préalable

Suivant l’article R 133-3 du Code de la sécurité sociale, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur de l’organisme peut décerner une contrainte.

Il est donc clair qu’une contrainte nécessite une mise en demeure préalable. Et faute d’envoi d’une mise en demeure, la contrainte serait nulle et de nul effet (Cass. 2e civ. 21 février 2008. pourvoi n° 07-11963).

Qui plus est, les organismes de recouvrement du régime général conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable (Cass. 2e civ. 3 avril 2014. pourvoi n° 13-15136 – Toulouse. Ch. 3. 15 novembre 2016. RG n° 16/01998 – Riom. 9 mai 2017. RG n° 14/00814), dès lors que la somme réclamée n’a pas été payée. Ainsi, si un cotisant qui a reçu une mise en demeure puis a fait un recours devant de recours amiable reçoit une contrainte de l’URSSAF, il se doit impérativement de faire opposition à cette contrainte, dans les conditions que nous verrons par la suite !

Contenu de la contrainte

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Code de la Sécurité sociale se montre peu bavard sur les mentions devant figurer dans l’acte. En effet, l’article R. 133-3 ne prévoit rien à ce sujet. En l’absence d’indication spéciale, il appartenait à la Cour de cassation de fixer les mentions minimales que doit comporter le document.

Ainsi, et à peine de nullité, le document doit préciser la nature, le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent (Cass soc. 19 mars 1992. Bull. civ. V. n° 204). La lecture de la jurisprudence indique toutefois que le cotisant doit avoir une connaissance directe ou indirecte des sommes réclamées. Ainsi, quand une contrainte fait référence à quatre mises en demeure mentionnant pour chacune d’elles la mention « chefs de redressement précédemment communiqués », le cotisant peut avoir connaissance des motifs, de la période concernée et du montant des cotisations et majorations de retard recouvrées. Ladite contrainte est donc valide (Cass civ. 2°. 11 octobre 2018. pourvoi n° 17-21450

Qui plus est, si le document doit normalement être signé par le directeur de l’organisme, il est patent que ce dernier peut déléguer sa signature à un directeur adjoint, voire à un simple agent de l’organisme (Cass. civ. 24 juin 1959. Bull. civ. II, n° 501. 12 juillet 1988. Bull. civ, V. n° 437). Dans un arrêt de 2002, la Cour de cassation a décidé que le délégataire d’un organisme de Sécurité sociale n’avait pas à justifier d’un pouvoir spécial pour signer les contraintes décernées par l’organisme de recouvrement (Cass. soc. 30 mai 2002. pourvoi n° 00-14512). En outre, l’apposition sur la contrainte d’une image numérisée d’une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte (Cass civ. 2°. 28 mai 2020. pourvoi n° 19-11744 24 septembre 2020 pourvoi n° 19-1797512 mai 2021. pourvoi n° 20-10584)

Signification de la contrainte

Selon l’article R. 133-3 du Code de la Sécurité sociale, « la contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

Plusieurs questions doivent être ici soulevées : quel doit être le contenu de la signification et comment doit-elle s’effectuer ?

En ce qui concerne la réponse à la première question, l’article R. 133-3 al. 1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que le document « à peine de nullité » doit mentionner la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du Tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

On peut s’interroger sur la mention « à peine de nullité ». En fait, l’affirmation est beaucoup moins forte qu’il n’y paraît au premier abord. En effet, l’article 114 al. 2 du Code de la procédure civile édicte que « la nullité ne peut être prononcée, qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque, de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ». En d’autres termes, la nullité n’a aucun caractère automatique (Cass soc. 8 novembre 1979. Bull. civ. V. n° 833).

Quant au mode de signification, il est clair que cette dernière peut être aussi bien à domicile qu’à personne. Ainsi, s’il s’agit d’une personne morale, elle sera faite au lieu de l’établissement, lequel est, en principe, celui du siège social tel qu’il figure au registre du commerce et des sociétés (Cass soc. 27 septembre 1989, Bull, civ. V. n° 551). S’il s’agit d’une personne physique, la contrainte sera signifiée à son dernier domicile indiqué à l’organisme. En l’absence de modification d’adresse auprès de l’URSSAF, le débiteur ne saurait invoquer le fait qu’il n’a pas été averti de la contrainte qui lui a été décernée (Cass soc. 16 novembre 1972. Bull. civ. V. n° 623).

Dès lors que la signification d’une contrainte ne mentionne pas le même montant que la contrainte, elle doit comporter un décompte justifiant de la différence (Cass civ.2°. 15 juin 2017.pourvoi n° 16-10788 – Paris, 6, 13, 1° juillet 2022, RG n° 16/07325)

L’absence de mention ou la mention erronée dans l’acte de signification d’une contrainte de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours (Cass civ.2°. 4 avril 2018. pourvoi n° 17-15416 – rappelons également que l’adresse du Tribunal compétent doit figurer, à peine de nullité, sur l’acte de notification et non sur la contrainte elle-même : Paris. Pôle 6 Chambre 13. 17 février 2023. RG n° 19/10570)

Prescription de la contrainte

La prescription de l’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l’action publique est de 3 ans à compter de l’expiration du délai imparti par la mise en demeure (5 ans en cas de constatation d’une infraction de travail illégal par procès-verbal : CSS, art. L. 244-11)

Que se passe t’il si un cotisant ne conteste pas une contrainte ?

Suivant l’article L. 244-9 du Code de la sécurité sociale, la contrainte comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal, dans les 15 jours de la signification, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. Ces dispositions ont été considérées comme n’étant pas contraires à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 pris sous l’angle de la séparation des pouvoirs, l’impartialité et la compétence professionnelle (Cass 2e civ. QPC. 20 septembre 2012. pourvoi n° 12-40056). En d’autres termes, le silence du débiteur, pendant le temps qui lui est laissé pour s’opposer à la contrainte, vaut jugement à son encontre. L’organisme créancier n’aura donc pas besoin de faire valider sa créance par un tribunal. Il s’agit là d’une procédure exceptionnelle et rapide de « puissance publique » permettant de valider un redressement sans décision judiciaire, tout en conférant, au titre de l’organisme, le label de « décision judiciaire »

L’opposition à contrainte

Procédure

Suivant l’article R. 133-3 al. 3 du Code de la Sécurité sociale, le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du Pôle social du Tribunal Judiciaire dans le ressort duquel il est domicilié, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe.

Ainsi, en cas de délivrance d’une contrainte, le débiteur peut s’opposer aux prétentions de l’organisme par la voie de l’opposition.

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Formalisme

Il importe de connaître le formalisme à respecter en cas d’opposition à contrainte :

  • L’opposition doit être faite auprès du secrétariat du Pôle social du Tribunal judiciaire dans le ressort duquel le cotisant est domicilié. Ainsi, un cotisant ne saurait se prévaloir de l’erreur commise d’avoir adressé son opposition au procureur de la République (Pau. Ch. soc. 24 avril 2014. RG n° 12/01594) ou à l’URSSAF (Montpellier. Ch. soc. 4 B. 9 décembre 2015. RG n° 13/03722).
  • Cette opposition doit être faite dans les quinze jours de la signification de la contrainte. Comment faut-il compter ces quinze jours ? Plusieurs décisions sont ici importantes. Selon le tribunal de Metz, l’opposition est recevable si la lettre a été adressée dans les quinze jours, même si elle a été reçue postérieurement (Comm. 1° inst. Metz. 19 janvier 1962. Sté S c. CAF de Moselle). D’autre part, si le délai d’opposition expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, ce délai est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, conformément aux articles 640, 641 et 642 du Code de procédure civile (Cass. soc. 19 janvier 1995. pourvoi n° 93-15076. Cass. civ. 2°.13 décembre 2005. pourvoi n° 03-30711 – Douai 26 octobre 2018 RG  n° 16/04129). Enfin, ce délai de quinze jours court à compter du lendemain 0 h du jour de la signification ou de la notification de la contrainte (Cass civ. 2°. 21 février 2008. pourvoi n° 06-20614).

Ce délai de quinzaine est un délai préfix dont l’inobservation entraîne l’impossibilité ultérieure de tout recours et sans qu’il soit nécessaire que cette mention soit inscrite sur la contrainte (Cass. civ. 23 novembre 1960. Bull. civ. II, n° 703)

  • Cette opposition doit être « motivée ». Sur ce point, la jurisprudence exige une « réelle » motivation (Cass. civ. 23 novembre 1960. Bull. civ. II, n° 703. n° 123. 8 juin 1978. Bull. civ V., n° 456. 26 janvier 1983. Bull. civ. V. n° 34)

Attention ! Si l’acte de signification de la contrainte ne rappelle pas au cotisant que son opposition dit être motivée à peine d’irrecevabilité, il n’indique pas de manière complète les modalités du recours ouvert à l’intéressée. En conséquence, l’opposition non motivée doit être déclarée recevable (V. dans le même sens :  Cass civ.2°. 23 mars 2004. pourvoi n° 02-30119 21 juin 2018. pourvoi n° 17-1644119 septembre 2019. pourvoi n° 18-20717 – 18-20716)  

Ainsi, ne sauraient être considérées comme « motivées » les oppositions ainsi libellées : « J’ai l’honneur de former opposition à une contrainte en date du 15 mai 2009, signifiée le 27 mai 2009 pour un montant en principal de 46 858,78 euros. Je vous remercie de nous convoquer à toute audience que vous souhaiterez. » (Paris. Pôle 6. Ch. 12. 13 octobre 2011. RG n° 09/10232), « nous vous informons qu’il subsiste un désaccord profond entre cet organisme et notre société et que nous avons entamé un recours hiérarchique. Dans ces conditions nous faisons opposition à la contrainte de l’URSSAF dont vous trouverez ci-joint les références et la copie » (Aix-en-Provence. 14°. Ch. 14 mai 2013. RG n° 11/01386), « je vous précise que ma cliente a pour des motifs de contestations similaires formé recours à l’encontre d’une décision de la commission des recours amiables du 18 décembre 2006 » (Aix-en-Provence. Ch. 14. 16 mars 2011. RG n° 09/17856), « je viens par la présente formuler une opposition à contrainte, que j’ai reçue en date du 15 octobre 2010, en effet j’ai en ma possession l’ensemble des documents qui me sont réclamés. Je reste à votre entière disposition pour vous les présenter (…)  » (Aix-en-Provence. Ch. 14. 22 avril 2015. RG n° 13/23094)

Toutefois, celui qui fait opposition à une contrainte n’a pas l’obligation, au moment du dépôt de son recours, de faire valoir l’ensemble des moyens qu’il entend développer, de sorte qu’un seul moyen suffit à établir la motivation de l’opposition (Versailles, 5° chambre, 14 novembre 2019, RG n° 18/02690)

Possibilité de faire opposition à contrainte en l’absence de saisine de la commission de recours amiable

Si le cotisant a oublié d’effectuer un recours devant la commission de recours amiable, il garde la faculté de faire revivre le contentieux par l’intermédiaire de l’opposition à contrainte (Cass civ. 2°.. 22 septembre 2022. pourvoi n° 21-10105, 21-11862)

Cette solution est à distinguer de l’hypothèse où l’URSSAF met en œuvre la procédure de recouvrement par voie de contrainte alors que la décision de la décision de recours amiable est devenue définitive (faute de recours devant le Tribunal). Dans ce cas, la Cour de cassation estime que la décision amiable, à l’encontre de laquelle le cotisant a omis de faire un recours devant le tribunal, ne peut être remise en cause par la voie de l’opposition à contrainte (Cass civ.2°. 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20542).

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