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Partager la publication "Salarié condamné : Quels sont les droits et obligations de l’employeur ?"
À titre préliminaire, notez qu’ici nous abordons la question sous l’angle de la condamnation définitive d’un employé. En effet, en vertu de l’application du principe fondamental de la présomption d’innocence, toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par une juridiction compétente.
C’est un principe ayant valeur constitutionnelle, qu’en tant qu’employeur, vous devez garder en tête. N’allez donc pas prendre de mesures punitives envers votre employé, au simple motif de prévention d’une décision qui n’aurait pas été encore rendue.
Mais lorsque la décision a bel et bien été prononcée, ainsi que la condamnation envers votre salarié :
Quels sont vos droits en votre qualité d’employeur ? Pouvez-vous, sur ce seul motif, vous libérer d’un salarié devenu un peu trop « gênant » pour l’image de votre entreprise ?
Nous y répondrons dans cet article.
Ai-je le droit de licencier mon salarié ?
Hypothèse n° 1 – Mon salarié est incarcéré
La réaction la plus immédiate serait de se dire que « oui », mon salarié est en prison, je n’ai donc plus à le considérer comme dans mes effectifs, je peux donc le licencier immédiatement.
Or, en droit, la situation est bien plus épineuse.
Vous devez tout d’abord considérer la question de l’information par votre salarié.
Vous a-t-il informé qu’il était en détention ?
Il s’agit, en effet, d’une obligation du salarié d’informer son employeur de toute absence (comme il vous signalerait une absence pour maladie par exemple). S’il ne vous en informe pas, il s’agit d’une absence injustifiée. Vous pourrez alors le licencier pour faute, en respectant les critères de licenciement pour faute sur ce motif :
- Le salarié ne vous a pas prévenu de son incarcération, et notamment pendant le délai écoulé entre son placement en garde à vue et sa détention.
- Il ne justifie, par aucun moyen, qu’il n’a pas pu vous prévenir.
- Du fait de son absence, votre entreprise a été totalement désorganisée.
Veuillez noter que la jurisprudence a eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises que le fait pour un salarié de dissimuler à son employeur sa mise en examen, alors que celle-ci était en rapport avec ses activités professionnelles, peut constituer un manquement à l’obligation de loyauté du salarié envers son employeur ; et si ce manquement d’information a eu une incidence sur l’exercice de ses fonctions par le salarié, le licenciement pour faute est alors parfaitement justifié (Cass. Soc. 29.09.2014 n° 13-13.661).
Et si votre salarié vous en a informé ?
À ce moment-là, son licenciement sera strictement encadré, en fonction de la nature des faits à l’origine de sa condamnation.
Si les faits reprochés à votre salarié ont été commis pendant ses heures de travail et dans le cadre de son travail, vous pourrez licencier votre salarié pour faute, en respectant scrupuleusement la procédure applicable en cas de licenciement pour faute, détaillée aux articles L. 1234 et suivants du Code du travail.
Et si mon salarié a commis les faits en dehors de son travail ? Il aurait alors commis des faits qui relèvent de sa vie privée. Et, comme nous le savons, la frontière entre travail et vie privée doit être strictement respectée par l’employeur qui ne peut, sauf exceptions, se servir de la vie privée du salarié ou collecter des informations sur la vie privée du salarié, et que cela ait une incidence sur sa relation de travail avec ce dernier ou sur l’exécution de son contrat de travail.
Dans ce cas-là, vous pourrez licencier votre salarié uniquement si son absence désorganise profondément votre activité, ou si vous avez un besoin urgent et nécessaire de le remplacer.
Vous devrez le licencier pour motif personnel et lui verser les indemnités dues, à l’exception de l’indemnité compensatrice de préavis, le salarié étant détenu, il ne peut donc pas effectuer son préavis.
Hypothèse n° 2 – Mon salarié n’est pas incarcéré
La situation mérite d’être analysée au cas par cas.
Vous pouvez justifier le licenciement si les faits sont de nature à remettre en cause la capacité du salarié à occuper ses fonctions. Prenons le cas d’un salarié qui occupe un poste de chauffeur-livreur et dont le permis, à la suite d’une condamnation, lui aurait été retiré ? Il ne peut donc plus exercer ses fonctions et le licenciement est permis.
Autre exemple, un salarié dont la fonction est d’être éducateur, animateur de colonie ou toute autre fonction impliquant des enfants, qui aurait reçu une interdiction d’être en contact avec des mineurs. Dans ce cas-ci, le licenciement se justifie également.
Quelle que soit la situation, vous devrez porter une attention particulière à l’examen de cette dernière et à la capacité du salarié à continuer d’occuper son poste dans des conditions optimales et en fonction également des décisions de justice rendues exécutoires.
Si vous vous prononcez en faveur d’un licenciement, vous devrez le licencier pour motif personnel et lui verser les indemnités dues.
Dois-je verser un salaire à mon salarié ?
Si vous avez fait le choix de ne pas le licencier, vous devez bien évidemment lui verser un salaire s’il est toujours dans vos effectifs. La condamnation ne doit pas avoir un impact sur sa rémunération.
Toutefois, si le salarié est en prison et que vous avez fait le choix de ne pas le licencier pour autant, son contrat de travail sera suspendu, dès lors, le salarié ne sera pas rémunéré le temps de cette suspension.
Bonnes pratiques managériales
La condamnation d’un salarié n’a pas uniquement une incidence sur l’exécution de son contrat de travail ou sa rémunération. Elle doit également être abordée sous l’angle managérial et à ce titre, plusieurs questions méritent d’être soulevées.
Puis-je informer mes autres salariés de la condamnation du salarié ?
Votre salarié a été condamné. Il est incarcéré et continue d’être dans vos effectifs ou non. Quoi qu’il en soit, vos équipes s’interrogent forcément.
Pourquoi une telle absence ? Pourquoi a-t-il quitté l’entreprise ? Ou pourquoi ne peut-il plus exercer ses fonctions ?
C’est une question sensible traitée par les tribunaux, puisqu’entrent en jeu le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression. Comment équilibrer la balance ?
Tout d’abord, il faut relever que les données relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes font l’objet de protections spécifiques, car elles sont considérées comme des données sensibles.
En application du règlement général sur la protection des données personnelles (dit RGPD, Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016), ces données ne doivent être traitées et rendues accessibles que sous de strictes conditions et sous réserve de justifications préalables. On voit mal, dès lors, ce qui pourrait justifier la divulgation de ces données relatives à un salarié, à un autre salarié. Quelle utilité ce dernier en ferait ?
Ensuite, il faut traiter la question sous l’angle de la vie privée.
Si votre salarié a été condamné pour des faits commis en dehors de son cadre de travail, il s’agit d’une condamnation basée sur des faits relevant de sa vie privée. Celle-ci doit donc être scrupuleusement respectée par l’employeur. Vous ne pouvez donc rien dévoiler à vos salariés.
Si le salarié a été condamné pour des faits commis dans le cadre de ses fonctions, il est fort peu probable que les faits en question n’aient pas fait l’objet de bruits de couloir. Limitez donc la propagation de l’information. Notez que même si les faits ont été commis dans le cadre de ses fonctions, une condamnation pénale relève toujours de la vie privée du salarié. Vous ne pouvez donc en dévoiler ni la teneur, ni les faits, ni la décision de justice à vos employés, et ce, au motif du strict respect de la vie privée.
Pour rappel, une atteinte à la vie privée d’un salarié par l’employeur, même s’il a été licencié, constitue une atteinte à un droit fondamental porté par l’article 9 du Code civil. La victime serait donc en droit d’intenter un procès envers son employeur sur ce motif, et de solliciter l’octroi d’indemnités qui peuvent être particulièrement élevées.
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Quel comportement adopter face à un salarié condamné ?
Votre salarié a été condamné, mais il fait toujours partie de vos effectifs, car vous n’avez pas décidé de le licencier.
Quels que soient les motifs de sa condamnation, souvenez-vous que celle-ci relève de sa vie privée, comme nous l’avons précédemment exposé.
De fait, si vous avez décidé de le garder dans vos effectifs et au même poste, sa condamnation ne doit pas avoir d’incidence sur votre relation de travail. Vous devez donc adopter des pratiques managériales identiques. En effet, la vie privée du salarié ne doit pas avoir – sauf exceptions – d’incidence sur l’exécution de son contrat de travail.
Limitez également les communications, les critiques excessives, les allusions à sa condamnation, de répandre des bruits de couloir ou de lui fixer des échéances inatteignables. Devant les juridictions prud’homales, cette situation pourra être aisément caractérisée comme un harcèlement moral.
Pour rappel, le harcèlement moral est défini comme des agissements répétés pouvant entraîner, pour la victime, une dégradation de ses conditions de travail (ex : atteinte à ses droits et à sa dignité, altération de sa santé physique ou mentale, atteinte ou limitation à ses perspectives de carrière).
Les peines encourues par l’employeur, au titre des articles 222-33-2 et suivants du Code pénal peuvent aller jusqu’à 2 ans de prison et 30.000 € d’amende.
Quel que soit le motif de condamnation, si vous avez décidé de garder le salarié dans vos effectifs, c’est que vous avez donc évalué la situation et estimez que la condamnation ne portait pas atteinte à l’exécution de son contrat de travail et que le salarié pouvait continuer d’exécuter ce dernier dans les mêmes conditions. Rien ne justifierait donc un changement d’attitude à son égard ou de management différencié.