Après le congé de maternité : un risque de démission ?

Avec 738 000 naissances en 2021 en France et 80% de ces jeunes mamans actives, combien d'entre-elles reprendront le chemin du même travail ?

Cet article a été publié il y a 1 an, 11 mois.
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Des indicateurs qui pointent un risque avéré de démission

S’il n’existe pas de chiffres exacts consolidés en la matière, nous disposons de nombreux indicateurs.

A commencer par une recherche majeure sur internet concernant l’après grossesse : « Peut-on démissionner pendant un congé de maternité ? » Pour autant, le nombre de départs dans l’année qui suit un arrêt pour un congé de maternité est invisible car peu suivi par les services RH alors même que le nombre de grossesses par an dans l’entreprise est bien connu ainsi que  la proportion de primipare par rapport au 2ème ou au 3ème enfant.

Pourtant, il est convenu qu’une femme sur deux modifie son activité professionnelle après un congé de maternité :

  • Modification du temps de travail : majoritairement dans le cadre du congé parental, les femmes changent de formule de temps de travail. Selon l’INSEE, les moins diplômées cessent plus souvent leur activité professionnelle alors que les titulaires d’un diplôme de niveau BAC+2 optent davantage à la réduire.
  • Changement d’employeur : c’est sur ce point que nous manquons de données consolidées mais selon une enquête menée auprès de 260 mamans par le cabinet L’escale, après leur dernier congé de maternité, seulement 58% des jeunes mamans sont restées à leur ancien poste. 3 femmes sur 10 ne changent pas de métier mais d’employeur. Et 11% se lancent à leur compte pour devenir maitre de leur emploi du temps.

Quelles raisons pour une démission après le congé de maternité ?

1. Une période propice aux questionnements

Face aux énormes changements de vie provoqués par l’arrivée du bébé, la jeune maman se sent esseulée, et elle est tourmentée par des questions identitaires :

  • « ma vie d’avant est finie » 
  • « J’ai perdu ma liberté »
  •  « Je ne veux pas la vie de ma propre mère »
  • « Mon métier correspond-il à ce que je veux vraiment pour mon enfant ? pour moi ? »…

Même celles qui aiment leur travail et apprécient leurs collègues passent par une phase de doutes : faire le point sur sa nouvelle identité de maman et de ses envies ; sans compter la pression mise par les nombreuses injonctions aux parents pour « être de bons parents ».

Bon à savoir :
Le site Internet « Les 1000 premiers jours » lancé en 2021 par Santé Publique France, répond à de nombreuses questions même celles qu’on n’aurait pas eu l’idée de se poser. Dès l’accueil du site on découvre le titre « bébé et parents : bien démarrer nos nouvelles vies ».

Ou encore l’application sur abonnement le couffin.fr la 1ère plateforme de vidéo à la demande sur la parentalité , conseils pour les jeunes parents pour les soutenir dès la naissance. On y apprend notamment que pour bercer leur bébé les parents marcheraient l’équivalent de 28 marathons en 1 an (source femina.fr)

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2.Bouleversement du rythme et du mode de vie

La femme vit sa propre naissance en tant que maman :  la responsabilité du nouveau rôle maternel inflige journée après journée un rythme fatiguant. Le manque de sommeil, l’épuisement peut ne lui faire penser qu’aux contraintes et au manque d’activités agréables. Ce déséquilibre culpabilise la jeune mère de se sentir submergée voire dépassée. Ajouté un corps transformé et une image de soi altérée et la femme peut vivre une forte perte de confiance en elle. L’image idyllique de la maternité laisse place à un voyage initiatique avec le bébé et à une relation triangulaire avec le papa. Partager l’organisation des tâches à la maison devient essentiel pour la répartition de la charge mentale.

Si cette mutation se passe bien dans la majorité des cas, pour certaines cela peut -être plus compliqué. Et c’est après quelques mois de rythme acharné que le besoin de changement professionnel devient une évidence, d’autant plus si l’ambiance au travail n’est pas au beau fixe.

3. Soucis de santé lié à l’accouchement

La France est l’un pays qui médicalisent le plus la grossesse, avec un suivi très important : visites médicales, entretien prénatal, préparation à la naissance … l’accompagnement de la future maman est très encadré ; en revanche, une fois le bébé arrivé, les rendez-vous médicaux sont plus centrés sur le nouveau-né. D’après l’étude réalisée par IDM Families, pour les primipares, 50% des jeunes mamans sont surprises par cette étape de l’après accouchement. Pendant la grossesse elles sont chouchoutées, écoutées, … et après la naissance, le centre d’intérêt devient le nourrisson et elles évoquent « un sentiment d’abandon ».

39% des jeunes mamans ne se sentent pas suffisamment préparées à cette période post-accouchement, aussi bien sur les aspects physiques que psychologiques. Sur ces derniers il y a deux grands risques :

  • Le baby blues ou « syndrome du troisième jour » : il apparait chez la mère dans les premiers jours qui suivent l’accouchement. Causé par les changements hormonaux et la fatigue des douleurs de l’accouchement. Les symptômes se manifestent par de l’irritabilité face aux visites par exemple, de l’anxiété ou encore des pleurs. Ainsi, à la naissance de son 1er fils, Camille se rappelle avoir fait le retour en voiture de 40 kilomètres entre la maternité et son domicile en sanglot. Les chaudes larmes qui roulaient sur ses joues interrogeaient le papa qui conduisait. « je ne sais pas ce qu’il m’arrive, je ne suis pas triste… ». Le sentiment de vulnérabilité et les sautes d’humeur sont surprenants autant pour l’intéressée que pour l’entourage. Ils sont éphémères et il est important de ne pas les confondre avec les symptômes de la dépression post-partum dont le risque de survenance est ultérieur.
  • La dépression post-partum : selon les études, la prévalence de l’apparition de la dépression post-partum est plus élevée entre 2 et 4 mois et à 6 mois après l’accouchement et diminue graduellement par la suite. Beaucoup de jeunes mamans ne se permettent pas d’en parler car dans l’inconscient collectif, une naissance est « la plus belle chose » qui peut arriver dans un couple et une famille. Aussi cette réalité est encore taboue, pourtant :
    • 15 à 30 % des jeunes mamans connaitraient la dépression post-partum. Une fatigue intense, des pleurs incontrôlables, difficulté à gérer le stress, dévalorisation de soi, incapacité à apprécier son rôle de parent… ( source Ameli.fr)
    • par la peur d’être jugé ou par culpabilité, les jeunes papas connaissent également la dépression post-partum, 18% d’entre eux.

Le témoignage de Laure MANAUDOU enregistré par Malt (chaine YouTube) est très explicite : c’est l’arrivée de son 3eme enfant qui a déclenché cet état d’esprit morose. Pour l’influenceuse Juliette de Coucou les girls sur Instagram (598000 FOLOWERS  assumer ses formes) c’est l’arrivée du premier enfant qui a déclenché une dépression post-partum.

Bon à savoir :
En 2022, une consultation pour diagnostiquer la dépression post partum a été mise en place. Ainsi 6 à 8 semaines après l’accouchement : l’entretien post natal effectué avec un gynéco, une sage-femme ou un médecin recherche l’existence de morosité et évalue le risque de dépression.

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4. Au moment de la reprise du travail : baisse de motivation provisoire ou plus profonde

8 femmes sur 10 le trouvent le congé de maternité trop court. Parmi les mères interrogées 41% n’ont pas repris le travail à la fin du congé légal. Pour la plupart elles ont posé des congés payés. 86% des mères se plaignent de fatigue au moment de leur reprise du travail : ce ressenti majore la crainte de ne pas réussir à conjuguer travail et maternité.  Et c’est là le premier motif des changements professionnels après une grossesse : trouver un meilleur équilibre vie professionnelle – vie privée.

Par ailleurs, revenir au niveau d’efficacité professionnelle d’avant l’arrêt est une pression de la part de la société. La jeune maman peut se sentir jugée à la simple évocation d’un doute sur la reprise de sa vie professionnelle.

Prévenir le risque de démission : des solutions existent

Certaines entreprises ont pris en compte le déchirement de la séparation, ressenti par les femmes dans 39% des cas et la valse-hésitation qui les taraudent : reprendre ou pas le travail ? changer ou pas de poste ?

Pour cela, ces entreprises mettent en place des programmes d’accompagnement. Et, ce d’autant plus qu’elles veulent conserver leurs bons éléments formés et parfaitement intégrés. Cette volonté est renforcée actuellement du fait des difficultés à recruter et les tensions sur le marché de l’emploi causées en très grande partie par ce qui est communément appelé « la grande démission » en sortie de crise Covid.

Ainsi, citons dès 2008, L’Oréal qui facilite l’organisation de la vie professionnelle et de la vie familiale en instaurant une politique parentalité : le « congé Schueller » permet de bénéficier d’un allongement de congé légal de maternité ou de congé d’adoption sous la forme d’une absence de 4 semaines rémunérées à 100% par l’entreprise. Depuis 2010, le groupe de cosmétique a mis aussi en place une journée de formation qui aide les mères du premier enfant à réfléchir sur la gestion du temps et de leurs priorités. Ils organisent plus d’une dizaine de session de formation par an.

D’autres employeurs comme ManoMano s’engagent en faveur de la parentalité pour séduire les talents et les fidéliser. Le spécialiste du bricolage dont la moyenne d’âge est 32 ans et dont 30% des salariés sont parents,  a choisi aussi d’accorder un mois de congé rémunéré supplémentaire en incluant le système de primes et pour ne pas désorganiser le travail des équipes, le remplacement est systématique de tous les congés de maternité. Quant au second parent, il bénéficie de 15 jours supplémentaires (même depuis l’allongement du congé de paternité en juillet 2021). Un programme de mentoring complète l’ensemble de ces mesures.

Chez Ça ira encore mieux demain, nous observons deux phénomènes lors des accompagnements à la reprise du travail (salariée et manager) qui nous sont confiés par nos entreprises clientes :

  • La salariée a du mal à expliciter la cause de son manque de motivation. Ainsi, il est utile d’identifier si c’est l’ambiance de travail qui se révèle être un frein ou si c’est la charge de travail qui objectivement est impossible à conjuguer avec une vie de famille,
  • Du côté du manager, il y a la conviction d’une continuité logique : « elle reprend comme avant » sans porter une attention au chamboulement d’identité vécu et aux nouveaux.

Ainsi, sans expression et dialogue sur les besoins de chacun, et des difficultés rencontrées dans les premiers mois de reprise le risque d’une décision de démission peut être radicale et définitive.

Cécile Prioul

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