Le contentieux après un contrôle URSSAF… ou le labyrinthe des procédures…

Le cotisant est souvent désorienté face aux contentieux qui coexistent suite à un contrôle URSSAF.  Sur le papier, tout paraît simple. En effet, après la mise en demeure, le cotisant doit saisir la commission de recours amiable (instance administrative composée d’administrateurs de l’organisme de recouvrement), puis le pôle social du Tribunal Judiciaire (contentieux général).  Et faute de recours du cotisant devant la commission de recours amiable, l’URSSAF décernera un acte de procédure appelé contrainte (contentieux du recouvrement). Ce schéma ne semble pas mériter beaucoup de développements… Et pourtant ? Comment harmoniser ces contentieux ?

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Le contentieux après un contrôle URSSAF…ou le labyrinthe des procédures…

Plus précisément, une URSSAF peut-elle décerner une contrainte malgré la saisine de la commission de recours amiable, un cotisant peut-il former opposition à contrainte suite à une décision de la commission de recours amiable devenue définitive, un débiteur peut-il faire opposition à la contrainte qui lui a été décernée alors qu’il a négligé de saisir la Commission de recours amiable après la réception de la mise en demeure ? Autant de questions fondamentales pour lesquelles le Code de la sécurité sociale ne dit rien… Et pourtant la réponse à ces interrogations est fondamentale et très pratique, sachant que le moindre faux pas pourrait se révéler fatal pour le débiteur…

Une URSSAF peut-elle décerner une contrainte malgré la saisine de la commission de recours amiable ?

Une URSSAF est-elle fondée à signifier une contrainte dès lors que le cotisant a saisi la commission de recours amiable et en l’absence de paiement du redressement ? Sur ce point, la réponse est positive dès lors que l’organisme est titulaire d’une créance vis-à-vis du cotisant (V : Cass. civ. 2°. 3 avril 2014. pourvoi n° 13-15136 : « les organismes de recouvrement conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable ».V. dans le même sens : Cass soc. 31 mai 2001. pourvoi n° 99-14622.  Versailles. Ch. 5. 19 décembre 2019. RG n° 18/00795).

Le cotisant doit donc toujours être aux aguets et prendre conscience que la saisine de la commission de recours amiable ne saurait priver l’organisme de décerner une contrainte (à laquelle le cotisant peut faire opposition dans le délai de 15 jours ; toutefois et faute d’opposition, la créance deviendrait définitive). On notera également, suivant la jurisprudence, qu’une URSSAF peut faire signifier une contrainte avant l’expiration du délai de deux mois dont dispose le cotisant pour saisir la commission de recours amiable d’une contestation de la mise en demeure. Aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne en effet la signification d’une contrainte à l’épuisement des recours formés à l’encontre des mises en demeure qui en sont la base (TASS de Lille. 27 novembre 2018. Stéphane Herbreteau c/ URSSAF des Pays de la Loire). Seule une intervention législative pourrait mettre fin à cet imbroglio (s’agissant de deux contentieux différents : contentieux général et contentieux du recouvrement) souvent incompréhensible par les cotisants qui s’estiment protégés par leur recours amiable et qui négligent de faire opposition à contrainte. Notons cependant que jusqu’à présent, les initiatives parlementaires se sont révélées vaines (V. ainsi pour exemple : Sénat. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019. 1re  lecture. Amendement (rejeté) n° 272 bis présenté par la sénatrice P.  Gruny et ses collègues : « art L. 243-7-1… La contestation de la mise en demeure, prévue à l’article L. 244-2 dans le cadre du contentieux général de la Sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations »).

Un cotisant peut-il former opposition à contrainte suite à une décision de la commission de recours amiable devenue définitive ?

Dans cette hypothèse, la Cour de cassation estime que la décision amiable, à l’encontre de laquelle le cotisant a omis de faire un recours devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale, ne peut être remise en cause par la voie de l’opposition à contrainte (Cass. soc. 29 juin 1966. Bull. civ. IV. n° 655. 19 décembre 1972. Bull. civ. V. n° 719. 6 mai 1986. Bull. civ. V. n° 200. 23 janvier 1997. pourvoi n° 94-21128. 18 juillet 1997. pourvoi n° 95-17008. V. également : Paris. Pôle 6. Ch. 12. 6 décembre 2019.RG  n° 15/00788).

Le cotisant n’est donc plus recevable à contester les sommes réclamées ; en revanche il reste recevable à contester la contrainte sur la forme (respect de la procédure antérieure, motivation, signification). Même si cette position ne semble plus poser de difficultés, elle n’est pas sans susciter un certain étonnement et ce pour au moins deux raisons. D’abord, comment la commission de recours amiable, qui n’a pas de pouvoirs juridictionnels, peut-elle mettre fin seule à un litige ? Cette difficulté est palpable dans toutes les décisions qui se terminent invariablement par l’affirmation suivant laquelle l’avis de la commission a acquis « l’autorité de la chose décidée ».

Mais cette « pirouette » qui transforme une « autorité de chose jugée » en une « autorité de la chose décidée » est-elle suffisante pour convaincre ? Des doutes sont permis. On notera d’ailleurs que dans le passé, la Cour de cassation avait statué que, dès lors que la commission n’avait aucun caractère juridictionnel, sa décision même définitive n’avait pas les effets de la chose jugée et  ne pouvait donc s’imposer aux juridictions de jugement ; dans ces conditions, on  ne  pouvait  interdire  au  cotisant  de  faire  opposition à contrainte, possibilité qui lui  était  offerte  par  les  textes (Cass. civ. 29 novembre 1961. Bull. civ. 1961, II, 809. 17 juin 1963. JCP. 1963. ed G. IV.124).  Sans nul doute, la Cour suprême a entendu, dans ce type de litige, faire preuve de pragmatisme en éteignant des contentieux, faute d’action du débiteur dans un certain délai… au risque de malmener quelques fondements juridiques ! Ensuite, est-il légitime qu’une juridiction puisse interdire une opposition à contrainte alors que sa mise en œuvre ne comporte pas de restriction dans les textes et mieux, qu’elle est prévue dans la contrainte elle-même ? En d’autres termes, est-il légitime qu’un organisme de recouvrement informe un débiteur de son droit à opposition et plaide ensuite l’impossibilité pour lui de mettre en œuvre ce droit ? Cette démonstration n’est-elle pas incohérente ?

Un débiteur peut-il faire opposition à la contrainte qui lui a été décernée alors qu’il a négligé de saisir la Commission de recours amiable après la réception de la mise en demeure ?

Ce cas de figure est courant et se résume en peu de mots : si le cotisant a oublié d’effectuer un recours devant la Commission de recours amiable, pourra-t-il faire revivre le contentieux par l’intermédiaire de l’opposition à contrainte ?

La Cour de cassation avait répondu positivement à cette question avant 1990 (Cass soc. 14 novembre 1984. Bull. civ. V. n° 435). On aurait, toutefois, pu penser que la nouvelle rédaction de l’article R. 142-1 issue du décret n° 90-1009 du 14 novembre 1990 (ce dernier texte faisant courir le délai de recours devant la Commission de recours amiable à compter de la « notification de la mise en demeure ») pouvait modifier cette jurisprudence. Toutefois, la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence antérieure (Cass soc. 23 février 1995. Bull. civ. V. n° 75. V. également : Cass. soc. 14 mars 1996. pourvoi n° 94-15516. 15 juillet 1999. pourvoi n° 96-19245. 17 janvier 2002. pourvoi n° 00-18615. Cass. 2e civ. 1er juillet 2003. pourvoi n° 02-30595. V. Besançon. Ch. soc. 25 janvier 2011. RG n° 09/02906 : l’absence de contestation préalable de la mise en demeure ou la déclaration d’irrecevabilité de la contestation formée hors délai ne prive pas le redevable de la possibilité de former opposition à la contrainte ultérieurement signifiée, dès lors qu’aucun jugement définitif sur le fond de sa contestation n’a été rendu).

Cette position doit, à notre avis, être approuvée. En effet, rejeter, dans ce cas, toute faculté d’opposition reviendrait à ajouter à l’article R. 133-3 une disposition qui ne figure pas dans le texte. En outre, une telle interprétation restrictive rendrait sans effet pratique la possibilité de l’opposition et donc sans intérêt pratique une disposition prévue par le Code de la Sécurité sociale.

L’affaire aurait pu s’arrêter là… Toutefois, la Cour de cassation est venue affirmer en 2019 que « dès lors que l’intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux général de la Sécurité sociale, que le cotisant qui n’a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n’est pas recevable à contester, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l’objet de la contrainte » (Cass civ 2°. 4 avril 2019. pourvoi n° 18-12014).

Ce qui veut dire qu’un cotisant qui n’a pas saisi la commission de recours amiable suite à une mise en demeure, n’est plus fondé à faire opposition à contrainte. Étranges décisions, surtout lorsque l’on sait que la mise en demeure n’est pas un acte de procédure mais une « invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti » (Cass soc.19 mars 1992. Bull. civ. V., n° 204). Depuis 2019, cette jurisprudence est majoritairement répétée. Elle se révèle toutefois incompréhensible pour le cotisant négligent, pris au piège de la procédure…Maintes fois il a été souhaité de modifier les termes de l’article R. 133-3 du Code de la Sécurité sociale en prévoyant par exemple que « le cotisant peut former opposition nonobstant une absence de saisine de la commission prévue à l’article R. 142-1 ». Sans résultat jusqu’à présent !

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Pour résumer, 3 réponses à 3 situations

  • Une URSSAF peut-elle décerner une contrainte malgré la saisine de la commission de recours amiable ? OUI
  • Un cotisant peut-il former opposition à contrainte suite à une décision de la commission de recours amiable devenue définitive ? NON
  • Un débiteur peut-il faire opposition à la contrainte qui lui a été décernée alors qu’il a négligé de saisir la Commission de recours amiable après la réception de la mise en demeure ? NON

Ainsi au terme de cette rapide étude, conviendrait-il de repenser les règles relatives contentieux URSSAF, et à l’harmonisation entre le contentieux général et le contentieux du recouvrement. Et dans le même temps, ne serait pas utile de développer le caractère contradictoire de la commission de recours amiable qui ne statut que sur dossier… Mais cela est une autre histoire !

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