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L’article L. 213-1 du Code de justice administrative, le « CJA », définit la médiation comme :
« tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction » (1).
Le droit distingue deux types de médiation :
- Le recours facultatif à la médiation ;
- Et la médiation préalable obligatoire.
Le recours facultatif à la médiation sur demande des parties
Les parties peuvent décider librement de recourir à la médiation pour régler leur différend, en dehors de toute procédure juridictionnelle.
Dans cette hypothèse, l’article L. 213-5 du CJA celles-ci peuvent :
- Soit organiser la mission de médiation et désigner elles-mêmes la personne qui en est chargée ;
- Soit demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel territorialement compétent, d’organiser une mission de médiation et de désigner la personne qui en est chargée, ou encore lui demander de désigner la personne qui est chargée d’une mission de médiation qu’elles ont elles-mêmes organisée.
Les décisions prises par le président de la juridiction dans ce cadre ne sont pas susceptibles de recours.
En pratique, plusieurs avantages incitent les parties à un litige à recourir à la médiation :
- En premier lieu, la procédure est confidentielle. Ainsi, les constatations du médiateur et les déclarations faites par les parties ne peuvent être divulguées aux tiers, ni invoquées dans le cadre d’une instance contentieuse ou arbitrale sans l’accord des parties ;
- En outre, les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation (2).
Le recours facultatif à la médiation sur demande du juge administratif
Lorsque le litige s’inscrit dans une instance juridictionnelle, le juge lui-même peut ordonner une médiation, après avoir recueilli l’accord des parties (3). Dans ce cas, lorsque la mission de médiation est confiée à une personne extérieure à la juridiction, le juge détermine, s’il y a lieu, sa rémunération et en fixe le montant (4).
La médiation préalable obligatoire (MPO) : de l’expérimentation à la généralisation
La médiation est dans certains cas un préalable obligatoire. Ainsi, pour éviter l’encombrement des juridictions, la loi du 18 novembre 2016 (5) a rendu la procédure de médiation obligatoire aux contentieux notamment de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale, à titre expérimental pour une durée de quatre ans. L’expérimentation s’exerce dans les conditions applicables à la médiation de droit commun fixées par les articles L. 213-1 à L. 213-4 du Code de justice administrative, sous réserve des dispositions particulières prévues par un décret du 16 février 2018 (6).
Un certain nombre de litiges entre les agents publics et leurs employeurs doivent donc obligatoirement être précédés d’une médiation, sous peine d’irrecevabilité du recours devant le tribunal administratif.
S’agissant des services de l’État, l’article du 2 décret du 16 février 2018 (6) précise qu’il s’agit : « d’un nombre limité de circonscriptions départementales choisies en raison de la diversité des situations qu’elles présentent, comprises dans quatre régions au plus et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et des ministres intéressés après avoir obtenu l’accord des autorités territorialement compétentes » (7).
Le cas particulier de la fonction publique territoriale
S’agissant des fonctionnaires territoriaux, seuls sont concernés les agents des collectivités et établissements publics territoriaux situés dans certains départements dont la liste exhaustive est dressée par un ’arrêté du 2 mars 2018 (8). Ne sont toutefois régis par ce dispositif que les agents territoriaux des collectivités et établissements qui ont conclu, avant le 1er septembre 2018, une convention avec leur centre départemental de gestion, lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents.
Les collectivités territoriales et leurs établissement publics locaux ont eu jusqu’au 31 décembre 2018 pour adhérer à ce dispositif facultatif et presque 8 000 ont signé une convention d’adhésion, dont plus de 70 % des collectivités adhérentes sont des communes.
Dans un premier temps, l’obligation de médiation préalable concernait les décisions intervenues à compter du 1er avril 2018 et susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux jusqu’au 18 novembre 2020. Puis, le décret n° 2020 -1303 du 27 octobre 2020 (9) a reporté la date limite de l’expérimentation de la médiation au 31 décembre 2021.
Les décisions soumises à l’obligation de MPO à titre expérimental
Les articles 1er et 2 du décret du 16 février 2018, précité, fixe la liste des décisions soumises à la MPO à titre expérimental. Il s’agit notamment des décisions individuelles défavorables :
- Relatives à la rémunération (traitement, indemnité de résidence, supplément familial de traitement, ou encore autres indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire) ;
- Refusant un détachement, un placement en disponibilité ou en congés non rémunéré ;
- Refusant la réintégration après détachement, disponibilité, congé parental ou congé non rémunéré ;
- Refusant un avancement de grade ou une promotion interne ;
- Refusant un congé de formation ;
- Refusant un aménagement des conditions de travail pour les travailleurs handicapés ;
- Refusant un aménagement des conditions de travail pour les agents déclarés inaptes à l’exercice de leurs fonctions.
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Vers la généralisation de la MPO
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire pérennise la médiation préalable obligatoire (MPO).
Pour ce faire, l’article 27 de la loi du 22 décembre 2021, précité a créé les articles L.213-11 à L.213-14, (sous une section intitulée : «Section 4 : Médiation préalable obligatoire ») au sein du CJA.
Ceux-ci disposent :
« Art. L. 213-1 – Les recours formés contre les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État sont, à peine d’irrecevabilité, précédés d’une tentative de médiation. Ce décret en Conseil d’État précise en outre le médiateur relevant de l’administration chargé d’assurer la médiation.
Art. L. 213-12. – Lorsque la médiation constitue un préalable obligatoire au recours contentieux, son coût est supporté exclusivement par l’administration qui a pris la décision attaquée.
Art. L. 213-13. – La saisine du médiateur compétent interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties, soit les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée.
Art. L. 213-14. – Lorsque le Défenseur des droits est saisi dans son champ de compétences d’une réclamation relative à une décision concernée par la médiation préalable obligatoire, cette saisine entraîne les mêmes effets que la saisine du médiateur compétent au titre de l’article L. 213-11. »
S’agissant de la fonction publique territoriale l’article 28 de la loi du 22 décembre 2021, précitée, introduit un article 25-2 au sein de la loi du 26 janvier 1984 (10) lequel précise :
« Les centres de gestion assurent par convention, à la demande des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, une mission de médiation préalable obligatoire prévue à l’article L. 213-11 du code de justice administrative.
Les centres de gestion peuvent également assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, à la demande des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, une mission de médiation à l’initiative du juge ou à l’initiative des parties, prévue aux articles L. 213-5 à L. 213-10 du même code, à l’exclusion des avis ou décisions des instances paritaires, médicales, de jurys ou de toute autre instance collégiale administrative obligatoirement saisie ayant vocation à adopter des avis ou des décisions.
Des conventions peuvent être conclues entre les centres de gestion pour l’exercice de ces missions à un niveau régional ou interrégional, selon les modalités déterminées par le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation mentionné à l’article 14 de la présente loi.
Les dépenses afférentes à l’accomplissement des missions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article sont financées dans les conditions fixées à l’avant-dernier alinéa de l’article 22. [de la loi du 26 janvier 1984] ».
Toutefois, ce nouveau dispositif appelle un décret d’application dont les dispositions ne pourront entrer en vigueur avant le 1er mars 2022, au plus tôt, selon une note d’information du Conseil d’État du 17 décembre 2021.
Dans l’attente de la parution de ce décret, l’expérimentation de la MPO a donc pris fin, pour tous, le 31 décembre 2021. La saisine du médiateur n’est donc plus, depuis le 1er janvier 2022, un préalable obligatoire au recours contentieux. Seules les médiations engagées avant cette date restent régies par les dispositions du décret n° 2018-101 du 16 février 2018, précité. Toutes les administrations concernées par l’expérimentation de la MPO sont donc invitées à modifier, depuis le 1er janvier 2022, la mention des « voies et délais de recours » figurant dans les décisions concernées.
Références
- Article modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle ;
- Article L. 213-6 du CJA ;
- Article L. 213-7 du CJA ;
- Article L. 213-8 du CJA ;
- Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle ;
- Décret n° 2018-101 du 16 février 2018, portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux ;
- Voir par exemple : L’arrêté du 1er mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique de l’éducation nationale (NOR : JUSC1724093A) ;
- Arrêté du 2 mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale (NOR : JUSC1802894A) ;
- Décret n° 2020 -1303 du 27 octobre 2020, modifiant le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux ;
- Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.