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Le nouveau dispositif, qui concerne quelque 35 000 fonctionnaires ultramarins tous versants confondus, vise à moderniser le régime tout en réduisant le nombre de jours consécutifs de congés qui sont désormais plafonnés à 31 jours contre 60 avant la réforme. En revanche, le décret du 2 juillet 2020 permet des congés plus fréquents. Cette prise de congés peut ainsi s’effectuer tous les 24 mois, contre tous les 36 mois auparavant.
Durant ce congé, les agents bénéficient d’un traitement majoré (soit par l’indemnité de cherté de vie dans les départements d’outre-mer, soit par un coefficient de majoration dans les collectivités d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie) afin de prendre en compte notamment le coût de la vie dans les collectivités d’outre-mer. S’agissant des fonctionnaires territoriaux, ces congés s’adressent exclusivement aux titulaires de Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, exerçant en métropole.
Lorsqu’un agent bénéficie d’un congé bonifié, ce dernier doit être pris dans la collectivité où se situe le centre de « ses intérêts moraux et matériels ». L’agent qui demande à en bénéficier doit donc justifier du lieu d’implantation du centre de ses intérêts moraux et matériels.
La définition du centre des intérêts moraux et matériels
Lorsqu’un agent bénéficie d’un congé bonifié, celui-ci est donc pris dans la collectivité où se situe le centre de ses intérêts moraux et matériels.
La preuve de cette déclaration peut être apportée par tous moyens.
La localisation du centre des intérêts moraux et matériels s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices :
- le domicile des père et mère ou à défaut des parents les plus proches (parents, frères, sœurs, enfants) ;
- le lieu d’implantation des biens fonciers dont l’agent est propriétaire ou locataire ;
- le domicile avant l’entrée dans l’administration ;
- le lieu de naissance de l’agent ;
- le bénéfice antérieur d’un congé bonifié ;
- le lieu où l’agent est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
- la commune où l’agent paye certains impôts, en particulier l’impôt sur le revenu ;
- les affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé l’affectation actuelle ;
- le lieu d’inscription de l’agent sur les listes électorales ;
- la fréquence des demandes de mutation vers le territoire considéré ;
- la fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
- la durée des séjours dans le territoire considéré ;
- le lieu de résidence des membres de la famille de l’agent, leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
- le lieu de naissance des enfants ;
- les études effectuées sur le territoire considéré par l’agent et/ ou ses enfants ;
- le cas échéant, le lieu de sépulture des parents les plus proches ;
- ou encore, tous autres éléments d’appréciation.
Le juge administratif lui-même a ajouté à ces critères celui de la localisation du centre des intérêts moraux et matériels du conjoint ou partenaire au sein d’un pacte civil de solidarité (Pacs) (1).
Ces critères n’ont pas de caractère exhaustif, ni nécessairement cumulatif et plusieurs d’entre eux qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner, sous le contrôle de la juridiction compétente, selon les circonstances propres à chaque espèce (2). Ainsi, aucun des critères précédents ne peut être individuellement considéré comme obligatoire.
Le principe consiste donc à apprécier la vocation de l’agent demandeur à bénéficier du droit à congé bonifié sur la base d’un tel faisceau d’indices et non de le refuser en raison de l’absence de tel ou tel critère.
En cas de refus, il appartient à l’autorité compétente de motiver sa décision. Celle-ci
peut, dans les deux mois suivant sa notification, être contestée par l’agent public soit dans le cadre d’un recours administratif (gracieux ou hiérarchique), soit devant la juridiction administrative.
Exemples jurisprudentiels
Les intérêts moraux et matériels de fonctionnaires en outre-mer
Ont ainsi, le centre de leurs intérêts moraux et matériels en outre-mer, les fonctionnaires, dans les cas suivants :
- l’agent né en métropole, ayant vécu à la Guadeloupe de l’âge de 2 ans à l’âge de 18 ans, qui y a passé son baccalauréat avant de poursuivre des études supérieures en métropole, qui a intégré des écoles de formation de l’administration en métropole puis y a été titularisé, après avoir vainement cherché un emploi à la Guadeloupe, et qui a présenté plusieurs demandes de mutation dans son département d’origine, même s’il réside en métropole depuis 13 ans (3) ;
- l’agente née à la Martinique, qui séjourne en métropole depuis six ans et y a fondé son foyer, dont toute la scolarité s’est déroulée en Martinique, dont l’époux est également originaire et où leurs deux familles résident, qui y a ouvert un compte d’épargne et présenté une demande d’emploi qui n’a pas abouti (4) ;
- l’agente originaire de Martinique qui a quitté ce département pour achever ses études, qui est entrée dans l’administration alors qu’elle résidait en métropole depuis cinq ans, dont l’ensemble de la famille réside en Martinique où elle est née et a vécu jusqu’à son installation en métropole, qui y retourne régulièrement et qui a déjà obtenu un congé bonifié antérieurement, même si elle a ouvert un compte bancaire en métropole (5) ;
- l’agent né en Guadeloupe, qui y a réalisé sa scolarité, y a été affecté pendant dix ans, y a conservé des comptes bancaires et y a toujours des attaches familiales, même s’il a sollicité et obtenu sa mutation en métropole, et s’il y réside depuis (6).
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Les intérêts moraux et matériels de fonctionnaires en métropole
Ont ainsi, le centre de leurs intérêts moraux et matériels en métropole, les fonctionnaires, dans les cas suivants :
- l’agente née à la Martinique arrivée en métropole à l’âge de trois ans avec sa mère, qui y a effectué sa scolarité avant d’être recrutée dans l’administration et affectée en région parisienne, dont la fille est née en métropole, même si elle s’est vu refuser une demande de mutation en Martinique et y a ensuite passé une période de disponibilité de deux ans, et même si ses parents sont rentrés définitivement en Martinique (7) ;
- l’agente originaire de la Martinique, venue en métropole à l’âge de 13 ans pour y suivre ses parents, qui y a poursuivi sa scolarité puis y est entrée dans l’administration, qui s’y est mariée et y a eu deux enfants, et dont la mère et les frères et sœurs résident en métropole, même si elle a déjà bénéficié de quatre congés bonifiés en Martinique, où son père est retourné s’établir et où ses parents possèdent des biens immobiliers (8) ;
- l’agent né à La Réunion qui a suivi sa mère en métropole à l’âge de 11 ans, qui y vit depuis 14 ans, même si des membres proches de sa famille résident à La Réunion où sa mère possède une maison dont il sera appelé à hériter, et même s’il a fait des demandes de mutation dans ce département (9) ;
- la fonctionnaire née en Guadeloupe qui s’est installée en métropole à l’âge de 15 ans, qui y a poursuivi des études, y a été recrutée comme fonctionnaire stagiaire puis titularisée, dont le concubin originaire du même département d’outre-mer et l’enfant né de cette union résident en métropole, qui a obtenu plusieurs mutations sans avoir jamais fait connaître son intention de s’établir en Guadeloupe, même si elle serait sur le point d’y acquérir un terrain, si elle y a été désignée en qualité de tutrice légale de son neveu, si elle a déjà obtenu à trois reprise un congé bonifié et si elle s’y est rendue plusieurs fois à ses frais (10) ;
- l’agent né en Martinique, venu en métropole à 21 ans, qui s’y est marié et y a eu deux enfants, même si son épouse, née en métropole, est elle-même originaire de Martinique, s’il y effectue de fréquents séjours, si ses parents, depuis décédés, y résidaient, ainsi que plusieurs de ses frères et sœurs, et s’il a souhaité que son corps y soit rapatrié en cas de décès (11) ;
- la fonctionnaire née en Guadeloupe et qui, après y avoir effectué sa scolarité primaire et secondaire, est venue en métropole, qui y a exercé divers emplois salariés avant d’être employée comme vacataire puis comme fonctionnaire, qui n’a présenté aucune demande de mutation en Guadeloupe après sa titularisation, même si ses parents sont enterrés en Guadeloupe, si elle y a hérité d’un terrain et si une de ses sœurs y vit encore (12) ;
- la fonctionnaire née à La Réunion et y ayant résidé jusqu’à l’âge de 35 ans, qui a épousé un conjoint né en métropole où elle vit désormais avec lui, qui y a eu un enfant, qui y a été employée en qualité d’agent contractuel par un contrat plusieurs fois renouvelé, puis titularisée, mêmes si sa mère et ses sœurs habitent à La Réunion, où elle possède en copropriété des terrains acquis par héritage (13) ;
- l’agente née à la Guadeloupe et y ayant vécu jusqu’à l’âge de 27 ans, arrivée en métropole de sa propre initiative pour y trouver un emploi, qui réside en métropole depuis onze ans et y a eu un enfant, même si ses parents, frères et sœurs vivent en Guadeloupe où elle est elle-même propriétaire d’un bien immobilier acquis après sa venue en métropole (14) ;
- l’agent né en Martinique qui s’est installé en métropole, où ses deux enfants sont nés, huit ans avant son recrutement, même s’il a suivi toute sa scolarité en Martinique, si ses parents y résident, s’il espère y hériter d’un bien immobilier, s’il y est revenu à trois reprises avant son entrée dans la fonction publique, s’il y a demandé sa mutation et s’il a déjà bénéficié d’un congé bonifié (15) ;
- l’agent originaire de la Guadeloupe, venue en métropole à l’âge de 15 ans, qui réside depuis en métropole, où elle s’est mariée et où ses enfants sont nés, qui n’est pas retournée à la Guadeloupe en dehors de ses congés bonifiés, même si elle a antérieurement bénéficié de congés bonifiés et même si elle a demandé à neuf reprises à être détachée à la préfecture de la Guadeloupe (16).
Références
- CE, 27 mars 2013, req. n° 354426 ;
- Avis du Conseil d’État du 7 avril 1981 ;
- CE, 23 septembre 1996, req. n° 152772 ;
- CAA Paris, 17 décembre 1998, req. n° 97PA01644 ;
- CAA Bordeaux, 27 octobre. 2005, req. n° 03BX01345 ;
- CE, 23 décembre 201, req. n°342247 ;
- CE, 14 avril 1995, req. n° 098427 ;
- CE, 23 septembre 1996, req. n° 110458 ;
- CAA Paris, 9 mars 2004, req. n° 00PA02719 ;
- CAA Paris, 17 juin 2004, req. n° 03PA01079 ;
- CAA Paris, 1er octobre 2004, req. n° 01PA03240 ;
- CAA Paris, 11 octobre 2004, req. n° 01PA02095 ;
- CE, 27 octobre 2004, req. n° 261368 ;
- CAA Paris, 21 juin 2005, req. n° 03PA04293 ;
- CAA Versailles, 8 décembre 2005, req. n° 03VE01115 ;
- CAA Paris, 11 avril 2006, req. n° 02PA04404.