L’absence de contrôle des heures de travail par l’employeur, quelles conséquences ?

Quelque soit la taille ou le secteur d’activité de l’entreprise, tout employeur a l’obligation de contrôler la durée du travail des salariés.

Outre le fait d’être en conformité vis-à-vis du droit du travail, cette obligation de contrôle des heures de travail permet à l’employeur d’une part de veiller à la santé et à la sécurité des salariés et d’autre part d’apporter la preuve des heures travaillées en matière de demandes d’heures supplémentaires, lesquelles génèrent un contentieux abondant.

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L’absence de contrôle des heures de travail par l’employeur, quelles conséquences ?

Le contrôle de la durée du travail : une obligation légale

Le code du travail impose à l’employeur de contrôler la durée de travail des salariés.

Il convient de distinguer 2 hypothèses :

Hypothèse 1 – Salariés travaillant selon le même horaire collectif

L’employeur peut mettre en place des horaires collectifs de travail s’appliquant à l’ensemble des salariés de l’entreprise. Il s’agit alors d’un horaire uniforme pour le début et la fin du travail pour l’ensemble des salariés.

Dans cette hypothèse, l’horaire collectif est daté et signé par l’employeur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs à cet effet.

L’article L3171-1 alinéa 1er du code du travail précise en effet : « L’employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos. »

Un double de cet horaire collectif et des rectifications qui y sont apportées est préalablement adressé à l’inspection du travail (article D3171-4 du code du travail).

Hypothèse 2 : Salariés ne travaillant pas selon le même horaire collectif

Il peut s’agir de salariés à temps complet qui ne suivent pas l’horaire collectif affiché dans l’entreprise, de salariés à temps partiel ou de salariés bénéficiant d’horaires individualisés.

Dans cette hypothèse, un décompte exact du temps de travail accompli chaque jour, par chaque salarié doit alors être effectué.

Ce décompte doit être réalisé par l’employeur, conformément à l’article L3171-2 du code du travail : « Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Le comité social et économique peut consulter ces documents. »

Aucune forme particulière n’est imposée par la loi.

En pratique, il peut s’agir d’un décompte manuel (fiche, tableau, registre, badgeuse…) ou d’un décompte réalisé grâce à des logiciels de gestion des temps.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il importe que le dispositif de contrôle de la durée du travail soit suffisamment précis.

La Cour de Cassation a en effet jugé que « la seule indication de l’amplitude journalière du travail, sans mention des périodes effectives de coupures et de pause » était insuffisante (Cassation Criminelle 25 janvier 2000, n° 98-85.266).

Une obligation également imposée par la Cour de Justice de l’UE

La Cour de Justice de l’Union européenne considère que les États membres doivent obliger les employeurs à mettre en place un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

Dans un arrêt rendu le 14 mai 2019, elle indique : « À cet égard, l’instauration d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur relève de l’obligation générale, pour les États membres et les employeurs, prévue à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/391, de mettre en place une organisation et les moyens nécessaires pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs. »

(CJUE, 14 mai 2019, C-55/18, point 62)

Les documents concernant la durée du travail sont à la disposition de l’Inspection du travail

En application de l’article D3171-16 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’Inspection du travail :

  • Pendant une durée d’un an, y compris dans le cas d’horaires individualisés, les documents existant dans l’entreprise permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié.
  • Pendant une durée d’un an, le document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte accompli chaque mois par le salarié ainsi que la compensation correspondante.
  • Pendant une durée de trois ans, les documents existant dans l’entreprise permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail accomplis par les salariés intéressés par des conventions de forfait.

Bien que la loi fasse référence à un délai de conservation d’un an, il est conseillé de conserver ces documents plus longtemps, durant au moins trois ans correspondant à la durée de la prescription en matière de salaire.

Une obligation assortie d’une sanction

L’absence de tenue d’un décompte de la durée du travail est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

Cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de personnes employées dans des conditions susceptibles d’être sanctionnées (article R3173-2 du code du travail)

Un moyen pour l’employeur de veiller à la santé et à la sécurité au travail

En application de l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation implique notamment le respect des durées maximales de travail et le droit au repos.

Les durées maximales de travail sont les suivantes :

  • La durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder 10 heures.
  • L’amplitude du travail journalier  (heures comprises entre le début et la fin de la journée, comprenant les pauses) ne peut dépasser 13 heures.
  • La durée hebdomadaire du travail ne peut dépasser 48 heures et 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives

En outre, des temps de pause et de repos sont également obligatoires.

 Sauf disposition conventionnelle différente, le salarié bénéficie :

  • d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes, dès lors que le temps de travail quotidien atteint 6 heures ;
  • d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives.
  • D’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 consécutives, auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien (11 heures), soit une durée minimale totale de repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.

Au-delà du respect de ces durées maximales de travail et des temps de repos obligatoires, le contrôle de la durée de travail constitue également un des indicateurs permettant de mesurer la charge de travail des salariés.

Or l’obligation pour l’employeur de veiller à la santé et à la sécurité des salariés implique également « « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » en application de l’article L4121-1 du code du travail.

A l’heure de la prévention contre la surcharge de travail, les risques psychosociaux et la souffrance au travail, le contrôle des heures réellement effectuées par les salariés constitue une première étape dans cette démarche de prévention.

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Un décompte nécessaire en cas de litige sur la réalisation d’heures supplémentaires

En matière de durée du travail, la preuve est dite partagée, c’est-à-dire qu’ellene repose sur aucune des deux parties (employeur et salarié).

Le salarié doit étayer sa demande par la production d’éléments et il appartient ensuite à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

L’article L3171-4 dernier alinéa du code du travail précise : « Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Dans un arrêt rendu le 18 mars 2020 (pourvoi n° 18-10.919), la Chambre Sociale de la Cour de cassation a jugé : « Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. »

Poursuivant la clarification du régime probatoire des heures supplémentaires, la Cour de Cassation a apporté des précisions sur la notion « d’éléments suffisamment précis »,  dans son important arrêt rendu le 27 janvier 2021 (Cassation Sociale, 27 janvier 2021, n° 17-31.046, FP-P+R+I).

En l’espèce, à l’appui de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, le salarié produisait les éléments suivants :

  • un décompte des heures de travail mentionnant jour après jour, les heures de prise et de fin de service
  • ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité
  • le nombre d’heures de travail quotidien et le total hebdomadaire

La Cour d’appel estimait que le décompte du salarié était insuffisamment précis en ce qu’il ne précisait pas la prise éventuelle d’une pause méridienne.

L’arrêt de la Cour d’appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié est cassé par la Cour de Cassation.

Elle estime en effet que le décompte réalisé par le salarié des heures de prise et de fin de service est suffisant, même s’il ne précise pas les pauses méridiennes.

Cassation Sociale, 27 janvier 2021, n° 17-31.046, FP-P+R+I

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