Partager la publication "La reconversion des fonctionnaires dans le secteur privé et l’avis de la HATVP"
Pour l’application du premier alinéa du présent III, est assimilé à une entreprise privée tout organisme ou toute entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé.
Lorsque l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant le début de cette activité, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l’avis de ce dernier ne permet pas de lever ce doute, l’autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité [pour la transparence de la vie publique -HATVP]. »
À noter que l’article 32 de la loi du 13 juillet 1983, précitée, prévoit que ces dispositions s’appliquent également aux agents contractuels de droit public.
Les cas dans lesquels la HATVP doit être saisie
La Haute Autorité doit être saisie lorsque le projet concerne un agent «occupant un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient». Il s’agit des emplois dont les détenteurs sont soumis à l’une des obligations suivantes (article 2 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020, relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique) :
- Celle de la transmission à la HATVP d’une déclaration d’intérêts ;
- Celle de la transmission à la HATVP d’une déclaration de situation patrimoniale.
Dans ces cas, c’est l’autorité hiérarchique qui doit saisir la Haute Autorité. L’agent peut saisir lui-même la HATVP seulement dans l’hypothèse où l’administration ne l’aurait pas fait.
S’agissant des autres agents publics, la Haute Autorité peut être saisie selon le schéma suivant : le premier niveau du contrôle déontologique appartient à l’autorité hiérarchique. En cas de doute sérieux sur la compatibilité du projet avec les fonctions exercées par l’agent public au cours des trois dernières années, l’autorité hiérarchique doit saisir le référent déontologue attaché à son administration. Si l’avis de ce dernier ne permet pas de lever le doute de l’autorité hiérarchique, celle-ci doit alors saisir la Haute Autorité. Dans ces hypothèses, les agents ne peuvent saisir eux-mêmes la HATVP.
À noter que la HATVP peut, le cas échéant, s’auto-saisir.
Les obligations des agents publics
D’une manière générale, tout agent doit s’abstenir de :
- Toute démarche auprès de son ancienne administration pendant un délai de trois ans ;
- De ne pas prendre pour clientes des entreprises qui auraient fait l’objet d’un contrôle ou d’une décision quelconque de sa part pendant l’exercice de ses fonctions publiques ;
- De ne pas rejoindre une entreprise ou exercer une nouvelle activité qui compromettrait, au moins en apparence, l’impartialité de son ancienne administration ou porterait atteinte à la dignité de ses anciennes fonctions.
La nature du contrôle de la HATVP
La Haute Autorité examine si l’activité qu’envisagée risque :
- De compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service ;
- De méconnaître les principes de dignité, impartialité, intégrité et probité ;
- De placer l’intéressé en situation de commettre l’infraction de prise illégale d’intérêts (réprimée par les articles 432-12 et 432-13 du code pénal).
En ce qui concerne les agents publics, elle doit être informée par l’administration des faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts qui ont été relatés ou ont fait l’objet d’un témoignage, dès lors que ces faits concernent les fonctions exercées ou ayant été exercées au cours des trois années antérieures par cet agent.
Le délai dans lequel doit se prononcer la HATVP
La Haute Autorité doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter de sa saisine. Son avis est notifié à l’administration et à l’agent et, le cas échéant, à l’entreprise ou l’organisme d’accueil de l’agent. L’absence d’avis dans ce délai vaut avis tacite de compatibilité.
Les effets de l’avis de la HATVP
La Haute Autorité peut rendre un avis de compatibilité, de compatibilité avec réserves ou d’incompatibilité :
- L’avis de compatibilité révèle une absence de difficulté d’ordre déontologique ;
- L’avis de compatibilité avec réserves, lesquelles sont prononcées pour trois ans, implique que des risques déontologiques ont été identifiés par la Haute Autorité, mais que le projet peut néanmoins être exécuté sous réserve de respecter certaines mesures de précaution ;
- L’avis d’incompatibilité a pour conséquence l’impossibilité de réaliser le projet poursuivi. Un tel avis peut être émis lorsque les mesures de prévention des risques sont insuffisantes pour écarter tout doute quant à la possibilité d’exercer la nouvelle activité sans méconnaître les principes déontologiques applicables à l’agent ou lorsque la Haute Autorité estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires.
L’administration et l’agent sont tenus de suivre l’avis de la Haute Autorité lorsqu’il s’agit d’un avis d’incompatibilité ou d’un avis de compatibilité avec réserves.
En cas d’avis de compatibilité, ce dernier ne lie pas l’administration, qui pourra toujours prendre une décision motivée refusant à l’agent de rejoindre le secteur privé, notamment pour des raisons liées aux besoins du service.
Les conséquences du non-respect de l’avis de la HATVP
Si l’avis d’incompatibilité, ou d’incompatibilité avec réserves, rendu par la Haute Autorité n’est pas respecté, le fonctionnaire ou l’agent contractuel s’expose à des sanctions :
- Dans le cas d’un fonctionnaire : il peut faire l’objet de poursuites disciplinaires. Le fonctionnaire retraité peut, quant à lui, faire l’objet d’une retenue sur pension, dans la limite de 20 % du montant de la pension versée, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions ;
- S’agissant d’un agent contractuel : l’administration ne peut procéder au recrutement de l’intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l’avis rendu par la Haute Autorité.
Par ailleurs, lorsque l’agent ou le fonctionnaire est titulaire d’un contrat de travail, ce dernier prend fin à la date de notification de l’avis, sans préavis et sans indemnité de rupture.
Par ailleurs, lorsqu’elle n’a pas obtenu les informations nécessaires ou qu’elle a constaté que son avis n’a pas été respecté, la Haute Autorité doit informer l’administration pour permettre la mise en œuvre de poursuites disciplinaires.
À noter que la Haute Autorité peut rendre publics sur son site internet les avis rendus, après avoir recueilli les observations de la personne concernée.
L’avis d’incompatibilité de la HATVP peut faire l’objet d’un recours contentieux
C’est ce qu’a précisé une décision du Conseil d’État du 4 novembre 2020 (Monsieur B. c/ ministre de l’Europe et des affaires étrangères, requête n° 440963). Ainsi, le Conseil d’État a jugé que l’avis par lequel la Haute Autorité s’est prononcée, en application du 4° du II de l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, précitée, sur la compatibilité d’un projet d’activité privée lucrative avec les fonctions exercées précédemment par un fonctionnaire a le caractère d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
En l’espèce, M. B. avait exercé les fonctions de secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères de juin 2017 à juillet 2019. Le 19 janvier 2020, il avait saisi le ministre de l’Europe et des affaires étrangères d’une demande relative à la compatibilité avec ses fonctions antérieures d’activités privées qu’il envisageait d’exercer, consistant à assurer, d’une part, la présidence de la société unipersonnelle MGM-GO (Global Outlook) qu’il entendait créer et qui aurait pour objet le conseil et, d’autre part, celle du salon « World Nuclear Exhibition » (WNE), organisé par le Groupement des industries françaises de l’énergie nucléaire (GIFEN), qui devait se tenir en 2020 à Paris.
Le ministre avait alors soumis cette demande à la Haute autorité. Par une délibération du 31 mars 2020, cette dernière avait émis un avis de compatibilité sous réserves s’agissant de la présidence de la société MGM-GO et estimé que la présidence du salon WNE, rémunérée par le GIFEN, n’était pas compatible avec les fonctions antérieures de l’intéressé qui, en sa qualité de secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avait été membre du conseil d’administration des sociétés EDF et Orano. Par une décision du 16 avril 2020, le ministre a tiré les conséquences s’attachant nécessairement à cet avis.
M.B. avait alors demandé au Conseil d’État d’annuler la délibération de la Haute Autorité du 31 mars 2020 et la décision du ministre de l’Europe et des affaires étrangères du 16 avril 2020 en tant qu’elles portent sur la présidence du salon WNE.
Le ministre, dans son mémoire en défense, avait contesté la recevabilité du recours au motif que la délibération de la HATVP ne serait pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Le Conseil d’État a jugé le contraire, en relevant qu’aux termes du X de l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, précitée, les avis de compatibilité avec réserves et les avis d’incompatibilité de la HATVP « lient l’administration et s’imposent à l’agent », lequel, précise le XI du même article, peut faire l’objet de poursuite disciplinaire s’il ne s’y conforme.
Il en résulte que de tels avis font grief. C’est ainsi que le Conseil d’État en conclut que « l’avis par lequel la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’est prononcée sur la compatibilité du projet d’activité privée lucrative de M. B. avec les fonctions de secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères qu’il a exercées jusqu’en juillet 2019 a le caractère d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».