La fixation de l’ordre des départs en congés par l’employeur
L’ordre des départs en congés est une prérogative de l’employeur. Même si, en pratique, le salarié formule souvent ses souhaits de congés, il revient au final à l’employeur de décider des dates et de la durée (art.L3141-15).
Préalable : fixation de la période de prise des congés payés
Avant de déterminer l’ordre des congés, l’employeur doit au préalable fixer la période de prise des congés payés :
- Par accord d’entreprise, d’établissement, convention ou accord de branche
- A défaut, il prend la décision directement après avis du CSE
Cette période de prise des congés est ensuite portée à la connaissance des salariés au moins 2 mois avant son ouverture.
Pour rappel : il appartient à l’employeur de déterminer la période de prise des congés dans l’entreprise. Celle-ci doit comprendre obligatoirement la période du 1er mai au 31 octobre.
L’employeur peut ensuite fixer l’ordre des départs, mais selon quelles modalités et sur quels critères ?
Comment déterminer l’ordre des départs ?
L’ordre des départs en congé est fixé selon les même modalités que pour la période des congés :
- Soit par un accord d’entreprise ou d’établissement, convention ou accord de branche
- Soit, à défaut d’accord, par une décision de l’employeur après avis du comité social et économique
En pratique, la période de prise des congés et l’ordre des départs sont souvent prévus dans le même accord ou la même décision.
Bon à savoir – Les congés reportés. Les règles prévues pour les congés annuels concernent également les congés reportés, notamment s’agissant des délais d’information des salariés. L’employeur ne peut donc pas imposer à un salarié de solder ses congés reportés du jour au lendemain (Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-21.681).
Quels critères pour déterminer l’ordre des départs ?
L’employeur doit respecter un certain nombre de critères pour déterminer l’ordre des départs en congés (art. L3141-16) :
- Situation de famille du salarié :
- Possibilités de congé du conjoint ou du partenaire lié par un PACS
- Présence au domicile d’un enfant ou adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie
- Ancienneté dans l’entreprise
- Activité chez un ou plusieurs autres employeurs
- Charges de famille
- Dates des vacances scolaires pour les salariés ayant des enfants scolarisés
- Dates de droit de garde des enfants pour les salariés divorcés ou séparés
D’autres critères peuvent également être prévus par la convention ou l’accord :
Salariés mariés ou pacsés travaillant dans la même entreprise ? Ils ont droit à un congé simultané (art. L. 3141-14). Il s’agit d’une règle d’ordre public. L’employeur ne peut donc pas y déroger, même en cas de nécessité de service (Cass. soc. 26-2-2013 n° 11-26.934).
Information des salariés sur l’ordre des départs
Une information par tout moyen
L’employeur communique l’ordre de départ et les dates des congés aux salariés par tout moyen. Cette information doit se faire au moins 1 mois à l’avance (art.D3141-6).
La loi ne prévoit pas de moyen d’information spécifique. Il peut s’agir :
- D’un affichage dans les locaux
- D’une note de service
- D’une communication sur l’intranet de l’entreprise
- etc.
Ce délai de prévenance est impératif, l’employeur doit le respecter même en cas de circonstances exceptionnelles. En effet, ces dernières peuvent être invoquées pour modifier des dates de départs déjà fixées mais pas pour leur fixation initiale (Cass. crim. 21-11-1995 n° 94-81.79).
Conséquences du défaut d’information
L’employeur qui ne respecte pas son obligation d’information risque une amende de 1 500 euros par salarié concerné (contravention de 5ème classe). Elle peut être portée à 3 000 euros en cas de récidive.
De plus, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié qui n’aurait pas pu prendre ses congés du fait du manquement de l’employeur (Cass. soc. 3-11-1994 n° 93-42.331).
L’employeur doit en effet s’assurer que les salariés prennent leurs congés. Cela fait partie de ses obligations.
En cas de litige, il devra prouver qu’il a bien respecté ses obligations d’information sur la période de prise des congés et l’ordre des départ, permettant aux salariés de prendre effectivement leurs congés (Cass. soc. 13-6-2012 n° 11-10.929).
Modification des dates de congés fixées
Principe
L’employeur peut changer librement les dates de congés du salarié si cette modification intervient plus d’1 mois avant le départ.
En revanche, moins d’1 mois avant les congés prévus, la modification ne sera possible que dans les conditions suivantes :
- Si l’accord d’entreprise, d’établissement, la convention ou l’accord de branche prévoient un autre délai. À noter que la loi ne prévoit pas de délai minimum (art. L3141-15)
- En cas de circonstances exceptionnelles (art. L3141-16)
Pour déterminer si ce délai est respecté il faut prendre en compte la date de réception de la lettre de modification (Cass. Soc. 4-3-2003 n° 00-45.410).
Pour des questions de preuve, il est conseillé d’informer les salariés des modifications par écrit, idéalement par lettre recommandée avec accusé de réception.
Bon à savoir – Transfert d’entreprise. Dans cette hypothèse, les dates fixées par l’ancien employeur restent valables. Néanmoins, le repreneur pourra les modifier en suivant les règles légales, en particulier en cas de circonstances exceptionnelles.
Actu COVID |
Jusqu’au 30 juin 2021, l’employeur peut imposer ou modifier un congé déjà fixé en respectant un préavis d’1 jour franc (au lieu d’1 mois), et ce dans la limite de 6 jours ouvrable (ordonnances du 25 mars 2020 et du 16 décembre 2020). |
Définition des circonstances exceptionnelles
Les circonstances exceptionnelles permettent donc à l’employeur de modifier les dates de congés moins d’1 mois avant le départ. Mais qu’est-ce qu’une circonstance exceptionnelle ?
- Ce terme n’est pas défini par le code du travail. On peut considérer qu’une circonstance est exceptionnelle dans les cas suivants :
- L’intérêt économique de l’entreprise est en jeu, des difficultés économiques notamment
- L’absence du salarié risque d’entrainer des conséquences dommageables pour l’activité de l’entreprise
- Cas de force majeure : par exemple des phénomènes météorologiques ou la crise sanitaire actuelle liée au COVID-19
Les circonstances exceptionnelles sont donc précisées au cas par cas par les tribunaux.
Voici quelques exemples :
- Mise en redressement judiciaire de l’entreprise (CA Toulouse 12-7-1996 n° 95-1093
- Commande importante, inattendue et de nature à sauver l’entreprise (CA Chambéry 12-12-1985 n° 84-253 à 84-256)
- Nécessité de remplacer un salarié brutalement décédé (Cass. soc. 15-5-2008 n° 06-44.354)
L’employeur doit-il dédommager le salarié en cas de modification de ses congés ?
La plupart du temps, le salarié aura engagé des frais en prévision de ses vacances : réservation d’un hébergement, billets de train ou d’avion, etc.
L’accord collectif ou la convention peuvent parfois prévoir une indemnisation du salarié en cas de report ou d’annulation de ses congés. Il peut s’agir par exemple d’une compensation financière, du remboursement des frais engagés, mais également de congés supplémentaires.
Mais ce dédommagement n’est pas une obligation légale.
La situation est néanmoins différente si l’employeur n’a pas respecté ses obligations (modification moins d’1 mois avant le départ par exemple). Dans ce cas, le salarié est en droit de demander une indemnisation.
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Refus de la modification par le salarié, quelles conséquences ?
Que se passe-t-il si le salarié refuse la modification de ses congés ? Par exemple s’il décide de partir en vacances aux dates initialement prévues ?
Si l’employeur a respecté les différentes règles de modification, le refus du salarié de respecter le changement de congés constitue une faute.
La gravité de cette dernière sera ensuite appréciée par les juridictions en fonction des circonstances. La cour de cassation a déjà estimé que le départ du salarié sans autorisation peut constituer un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave, même en l’absence de perturbation dans l’entreprise (Cass. soc. 23-3-2004 n° 01-45.225).
En revanche, l’employeur est fautif s’il n’a pas respecté ses propres obligations (non-respect du délai d’information, modification sans circonstances exceptionnelles).
Dans ces circonstances, le départ du salarié aux dates initialement prévues ne constitue pas une faute (Cass. soc. 14-12-2016 n° 15-25.293).
La jurisprudence a néanmoins admis dans certains cas que cette absence injustifiée peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 11-7-2007 n° 06-41.706).