Risque psychosocial : Des pistes pour le réduire

Cet article a été publié il y a 14 ans, 8 mois.
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La notion de « risquepsychosocial » fait fort ! Deux petites années d’existence seulement et il occupe déjà une grandeplace sur le terrain médiatique. En cause, notamment, les nombreux cas desuicide survenus dans de grandes entreprises hexagonales ? Maurice Liégeois,psychologue clinicien et consultant-formateur chez notre partenaire C3S met engarde les entreprises sur sa minimisation.

  • Entre 400 et 600 suicides par an dus autravail !
  • Nécessité de sensibiliser tous les acteursde l’entreprise
  • Entreprises : à vous de jouer !
  • C3S : L’apparition du terme « risquespsychosociaux » est récente, comment la définiriez- vous ?

    Maurice LIEGEOIS : En effet, celle-ci aémergé petit à petit dans le monde du travail avec la mise en place del’organisation scientifique du travail et des outils technologiques en rapportavec l’informatique, notamment. Ainsi, le travail dans certaines conditionspeut entraîner des pathologies mentales. L’expression « risquepsychosocial » rapproche deux champs d’observations qui, de mon point devue, s’inscrivent dans le registre de la santé mentale, c’est-à-dire lapréservation et le maintien de notre équilibre psychologique, relationnel etaffectif dans la vie quotidienne, privée ou professionnelle? Sans oublier biensûr la santé physique !

    Cette expression de « risquepsychosocial », largement usitée, parfois employée à tort, nous fait doncsavoir qu’il y a des risques dans la vie professionnelle qui peuvent être dedeux ordres :

    – Les premiers sont des risques d’ordrepsychologique,c’est-à-dire qu’ils peuvent affecter notre équilibre psychologique, noscapacités relationnelles et émotionnelles, et nos modes de réponses dans dessituations difficiles : gestion des situations critiques dansl’entreprise, gestion des conflits, délocalisation, licenciement, gestion dustress, gestion de sa propre existence… Et provoquer un certain nombre demanifestations : déstabilisation émotionnelle du salarié, souffrancepsychique, anxiété chronique, crise d’angoisse, état dépressif, dépression,somatisations diverses et état suicidaire avec risques de passage à l’acte.

    Pour rappel, entre 400 et 600 suicides chaqueannée sont en lien avec le travail !

    – Les seconds sont des risques d’ordresociologiques au sens de climat social et de relations entre tous les acteurs del’entreprise.

    Ces relations sociales sont très complexes, maisnécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise, tant au niveau horizontalque vertical. Si ces relations dysfonctionnent, alors les liens sociaux entreles salariés vont être fortement perturbés : perte de la notion de groupeet d’équipe de travail, dérapage vers une individuation relationnelle dans letravail (chacun travail « personnel »), de moins de moins de placepour la parole chaleureuse, d’encouragement ou de sens. La fraternité dans lemonde du travail tend à s’amenuiser au profit d’une parole fonctionnelle,parfois manifestée par des modes de management anxiogènes pour ne pas direpathogènes?

    Si rien n’est fait, si les situations ne sontpas identifiées et si les problèmes ne sont pas traités, alors il va semettre en mouvement un phénomène de boucle destructrice et pathogène, qui vaaller en s’amplifiant et échapper à tout contrôle, entre les manifestations desouffrance psychologique et la perte de la parole d’encouragement.

    La souffrance psychologique réduit l’expressionde la parole et de l’écoute entre les salariés, mais la réduction de l’écouteet de la parole chaleureuse alimente la souffrance psychique ? Et les salariésles plus vulnérables et les plus fragiles pour diverses raisons vont glisservers des tableaux psychopathologiques et des contres attitudesprofessionnelles, très préjudiciables aux salariés et à l’entreprise !Sachant également que nous trimbalons tous une histoire personnelle plus oumoins bien « digérée », c’est-à-dire plus ou moins bien intégrée,reposant sur notre personnalité, notre caractère et notre tempérament.

    À noter que ce sont bien souvent les personnesles plus investies dans leur travail qui vont « décompenser » lespremières.

    Quels sont les moyenspour les dépister ?

    Il existe des outils pour dépister ces risquespsychosociaux, mais cela nécessite avant tout de faire des constats, desobservations ou des enquêtes. Il est bien de partir du terrain, même si parfoiscette réalité nous dérange ? En effet, il existe des mécanismes de défenseinconscients qui font en sorte que des personnes responsables vont mettre enplace d’une manière totalement inconsciente des défenses sur le mode de lanégation… C’est-à-dire qu’elles vont nier la réalité telle qu’elle est !Ce sont des comportements de protection individuelle et de préservation denotre équilibre et sont bien connus des psychologues.

    Si la réalité de la souffrance psychique dessalariés est niée, si le harcèlement psychologique ou « mobbing »l’est aussi, si certains modes de managements anxiogènes sont ignorés ou lessituations stressantes minimisées… Alors rien ne sera fait et les dégâts psychiquescontinueront à alimenter les médias ! De mon point de vue, il n’est pasquestion de faire une « chasse aux sorcières », mais seulement avoirl’audace, le courage, le désir et les moyens de mettre les informations à platspour travailler en commun sur ces situations.

    Donnons quelques exemples de moyens simples pourillustrer:

    – Sortir du déni pour affronterl’existant, le réel, faire l’inventaire des situations problématiques, faire lebilan avec le désir profond de chercher ensemble des solutions, avec objectif,but et finalité

    – Sensibiliser tous les acteurs del’entreprise par des réunions courtes avec débat pour accroître leurs connaissances sur lasouffrance psychologique et le concept de santé mentale au travail.

    – Proposer aux médecins du travail,infirmières de santé au travail, assistantes sociales, membres des CHSCT, età certains DRH/RH, des formations bien ciblées sur les manifestations de lasouffrance psychique sur le lieu du travail et leurs conséquences sur la santédes salariés : pathologies et psychopathologies, stress, troubles ducomportement et de la communication intra entreprise, incidence des contresattitudes sur la production et la qualité, ambiance anxiogène, perte de lafraternité, absentéisme…

    Il me semble également très important deproposer à ces professionnels de la santé des groupes de parole, d’analyse depratique ou de supervision afin de crédibiliser leurs pratiques et légitimerleurs interventions de defusing / débriefing, en période de crise.

    – Proposer aux managers des formations surl’identification des signes de souffrance psychique dans l’optique d’engagerune écoute d’orientation des salariés en difficulté et de se rapprocher desinfirmières en santé au travail pour une orientation vers desspécialistes : médecins traitants, médecins psychiatres, psychologues,psychothérapeutes, relaxologues, soins psycho corporels, kinésithérapeutes,groupes de soutien psychologique ?

    – Élaborer une politique de formationconcertée et centrée sur la souffrance psychique au travail : Formations longues oucourtes, conférences ciblées, mini conférences, groupes de travail avec desvolontaires, campagne d’information, journal interne spécifique, supports audiovisuel consultable sur ordinateur, informations actualisées en directe sur lesréseaux informatiques internes?

    – Créer une commission chargée d’écouter,entendre, et recueillir des témoignages« bruts » de situations desouffrance psychique de certains salariés. Avec la possibilité d’utiliser desgrilles existantes ou d’en élaborer des plus spécifiques. Cette commissiondevra bien sûr bénéficier d’un minimum de formation et d’accompagnement dans lete
    mps pour être opérationnelle, crédible et obtenir sa légitimité.

    – Donner des moyens humains, logistiques etfinanciers aux services médicosociaux au sein des entreprises, aller dans le sens d’unrapprochement de la production et des services sociaux et apprendre à cesservices à travailler ensemble dans l’intérêt des salariés, donc de laproduction.

    Quels rôles peutjouer l’employeur vis-à-vis de la souffrance au travail ?

    L’entreprise a certainement plusieurs rôles àjouer, à condition qu’elle accepte de ne pas s’enfermer dans la négation desproblèmes de terrain, de ne pas nier la réalité et d’accepter de voir en faceles problèmes existants. Ce en ayant la volonté de mettre en ?uvre des moyenspour réduire au maximum ces risques psycho sociaux, donc réduire la souffrancedes salariés.

    Voici les rôles à jouer :

  • Un rôle de prévention d’une manière générale,en concertation avec les différentes instances et acteurs sociaux internes etexternes.
  • Un rôle de veille  psychosociologique, de repérage dessituations anxiogènes, stressantes et pathogènes de toutes nature et soustoutes ses formes? Afin d’identifier les problématiques spécifiques à résoudreen collaboration avec salariés, les managers et les services sociaux, sousforme de petits groupes de travail coordonnés.
  • Un rôle de dépistage sur le terrain des salariés endifficulté relationnelle, en mal être, afin de les orienter avec leur adhésion,vers les services de santé au travail par le biais d’une cellule d’informationet d’orientation composée de RH, cadres, salariés et partenaires sociaux.
  • Un rôle de préservation d’une communicationcohérente et d’un réel partenariat entre les services de production et les servicessociaux, dans l’intérêt des salariés et de l’entreprise : baisse del’absentéisme, salariés plus motivés, ambiance travail plus constructive, dansune solidarité et une fraternité en hausse.
  • Les offres C3S sur ce thème :

  • Stage : Anxiété, angoisse et crise de panique (ref : ANXI)
  • Stage : Entretien clinique de soutien psychologique (ref : SOUT)
  • Stage : Souffrance psychologique au travail (ref : SOUF) 
  • Livret : Gestion du stress
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