En contexte de crise, la dimension « communication » est critique, compte tenu de ses enjeux. Une seule règle : communiquer, communiquer, et encore communiquer.
Après La gestion des risques en entreprise et La gestion du risque crédit client, Jean-David DARSA présente son nouvel opus dédié, cette fois-ci, à la gestion de crise en entreprise. Rencontre.
GERESO : Pas un jour sans qu’il ne soit évoqué une crise financière, sociale ou environnementale dans les medias. Qu’est-ce qu’une crise au juste ?
Jean-David DARSA : Votre question est tout à fait pertinente car la notion de crise n’est pas forcément simple à définir a priori, quoi que l’on puisse en penser à première vue.
Fondamentalement, une crise est, selon moi, « une situation atypique risquant de remettre en cause la pérennité de l’entreprise à plus ou moins longue échéance, et qui nécessite pour son traitement opérationnel la mise en oeuvre de moyens particuliers, humains, matériels et/ou financiers ».
Le traitement de la crise va donc engendrer une modification de l’organisation, du fonctionnement nominal de l’entité. Je pense que ce caractère « atypique » de la situation rencontrée définit au mieux la situation de crise, et la différencie plus facilement d’un problème ou d’une difficulté. En outre, sa gravité potentielle en confirme l’existence. Une crise sans enjeu financier potentiel n’est pas une crise. À chaque entreprise de définir ses propres crises. Il n’existe pas de crise standard a priori, ni de « catalogue de crises potentielles » à travailler. Une crise sera toujours atypique et spécifique : une situation de crise pour Dupont SARL n’en sera peut-être pas une pour la SAS Durand. Tout dépendra du contexte, des enjeux, du niveau de maturité de l’entreprise dans ses mécanismes opérationnels de gestion de risques et de crises.
Est-il possible de repérer les signes avant-coureurs ?
Les mécanismes de gestion des risques contribuent par essence à rendre l’entreprise capable de détecter plus facilement les crises potentielles, et tout au moins d’en accroître la maîtrise de manière préventive. Les signes précurseurs existent toujours, avec, il est vrai, une latence très variable. Mais il y a toujours des signes avant-coureurs, des signes précurseurs à l’émergence de la crise avant qu’elle ne se déclare effectivement.
De la robustesse des mécanismes de détectabilité des risques de l’organisation dépendra la performance à repérer le plus en amont possible les vecteurs annonciateurs d’une crise. Pour détecter une crise, il faut d’abord savoir détecter -donc identifier, comprendre puis maîtriser- les risques. Je préconise toujours d’appuyer toute démarche de gestion de crise par une démarche structurée de gestion des risques au préalable. Indépendamment des outils et des pratiques propres à déployer en contexte de crise, en amont, pendant ou après une crise.
Y a-t-il des entreprises ou des secteurs davantage susceptibles d’être touchés par une crise ?
Il n’existe pas d’entreprise exempte du risque potentiel d’une crise. Toutes sont concernées.
Par contre, il est vrai que certains secteurs, ou plutôt certaines activités seront plus exposées que d’autres par nature. La présence, par exemple, de risques opérationnels ou industriels majeurs, de risques d’impact à l’environnement ou à la mise en danger de la vie d’autrui exposent plus les organisations au risque de crise. Même si aucune entreprise, aucun secteur n’est à l’abri, les entreprises dites « industrielles » ou exposées à un contact tiers marqué et/ou sensible -clients, fournisseurs, consommateur, public, etc.- sont plus particulièrement concernées. Mais il n’y a pas de secteur plus touchés que d’autre, à l’exception peut-être des secteurs pétroliers et automobiles !
Mais ce n’est peut-être pas parce qu’ils subissent plus de crises que les autres, c’est tout simplement parce que ces enjeux nous concernent peut-être plus, ou que la couverture médiatique les expose plus nettement au regard du monde. Les derniers cas Toyota ou BP en témoignent, une nouvelle fois.
Une fois que la crise est là, quels peuvent être les dégâts pour l’organisation ?
Ils peuvent être majeurs, voire remettre en cause la pérennité même de l’organisation en cas de mauvaise gestion de la crise. Les derniers exemples rappellent à chacun que le coût d’une crise peut être immense. L’explosion de la plateforme Deepwater Horizon présente un coût estimé pour BP à plus de 8 milliards de dollars à ce jour !
Les risques image, les risques d’intégrité ou d’atteinte à l’environnement peuvent durablement impacter l’entreprise, quelle que soit son histoire, son dimensionnement ou sa solidité financière. L’enjeu social associé à l’existence d’une crise apparaît essentiel. Ainsi, la dimension « communication » est critique en contexte de crise, compte tenu de ses enjeux. Une seule règle : communiquer, communiquer, et encore communiquer.
Pour finir, quels sont vos conseils pour gérer une crise ?
Anticiper ! Plus que jamais, gérer une crise s’apprend et s’organise en amont. Réalisez une cartographie de vos risques, établissez une cellule de crise, inventoriez les situations susceptibles d’engendrer une crise pour votre entreprise, et préparez-vous à les affronter de manière préventive, à l’appui de plans de continuité d’activité, de mécanismes redondants de décisions ou d’action. En situation de crise, l’heure est à l’action et à la décision, pas à l’analyse. Soyez prêts à décider en permanence, en réduisant le risque de dilution de la décision. D’ailleurs, le terme « crise » ne vient-t-il pas d’un mot grec relatif à « l’art de décider, de trancher face à une alternative » ?
Dernier conseil : ne négligez pas votre maîtrise de la communication interne et externe, essentielle en contexte contraint de crise.
Et je terminerai sur un ton plus léger : n’oublions pas que, malgré tout, et même en cas de crise, comme le disait avec talent Pierre Dac : « Rien n’est jamais perdu quand il reste quelque chose à trouver » !