Partager la publication "Le COREP (Common solvency ratio REPorting), un garant de la stabilité financière qui passe par la supervision bancaire des risques prudentiels"
COREP : les enjeux initiaux
Afin d’assurer le risque systémique macroéconomique, les régulateurs exigent une surveillance accrue du risque systémique bancaire qui passe par un reporting régulier de ratios et de limites de bilan des banques : ratio de fonds propres, niveaux des gaps de taux et de liquidité pour encadrer le risque de transformation.
Les crises successives n’ont fait que renforcer les niveaux des exigences des ratios et des fréquences des contrôles au travers de la construction de textes fondateurs (CRBF 97-02, Bâle 1-2-3, CRD, BCBS239, …) qui encadrent les risques dits prudentiels.
A cela, s’est ajouté une harmonisation technique tant européenne et qu’internationale souhaitée et souhaitable pour une meilleure comparaison et suivi : des formats avec le Xbrl, des contenus de valeurs par des taxonomies standardisées et une sécurisation des transmissions au travers de plateformes dédiées et de signatures électroniques.
Une couverture très large des risques
Fortement corrélé aux états FINREP dédiés aux reportings comptables consolidés basés sur les normes IFRS, le périmètre COREP alimente le régulateur de données sur le minimum exigé en fonds propres selon les différentes expositions, des informations sur la situation financière globale de l’établissement, des éléments « grands risques » (large exposure), ainsi que des ratios de liquidité et d’effet de levier.
Ce périmètre COREP est donc composé synthétiquement de 3 typologies de risque bâlois : risque de crédit, risque de marché et risque opérationnel, répartis exhaustivement à travers :
- Le calcul des fonds propres prudentiels (RWA)
- Le ratio de solvabilité
- Les limites de grands risques
- Les ratios de liquidité LCR et NSFR
- Le ratio de levier
Des ratios majeurs
Le RWA, pour Risk-weighted asset, est un ratio majeur calculé aussi bien sur la partie crédit que sur la partie ALM correspondant aux fonds propres prudentiels minimaux nécessaires par tranches d’exposition d’actifs pondérées du risque de défaut. Les aspects de notations, de segmentation et d’éligibilité sur les actifs et la clientèle sont sans cesse remis en question pour la recherche d’optimisation et d’une meilleure rentabilité des fonds propres.
Le LCR, pour Liquidity Coverage Ratio, est un ratio de court terme sur la liquidité à horizon de 30 jours qui exige des banques de détenir un stock d’actifs suffisant, liquide et sans risque garantissant les flux nets décaissés stressés sur un mois. Ce ratio oblige donc les banques à constituer une réserve d’actifs liquides et différenciés pour éviter le risque d’une homogénéisation des valeurs.
Le NSFR, pour Net Stable Funding Ratio est un ratio structurel de liquidité à long terme composé des ressources stables à un an et des besoins de financement sur la même période, ayant pour objectif d’équilibrer l’activité de transformation des banques. Un exercice difficile d’équilibre qui amène bien souvent à la contraction de la production et de la rentabilité : le PNB lié à cette marge de transformation, se trouve pénalisé par des taux de rendement des crédits indexés sur des taux longs terme très faible, face à des ressources empruntées sur des taux courts terme plus chers pour les banques.
Reporting COREP : un caractère de plus en plus contraignant et prédictif
Depuis 2014, pour améliorer la solvabilité des banques, la volonté du régulateur est de faire appliquer des pondérations plus lourdes sur les modèles standards de défaut, selon la classe d’actif et l’exposition des encours douteux, mais laisse néanmoins une porte d’optimisation aux banques si elles arrivent à construire et faire valider sur la durée (3 à 5 ans d’historique) des modèles prédictifs plus performants. Les stress-tests deviennent incontournables pour éprouver ces modèles dans la durée, notamment depuis 2017 avec le guide ICAAP (Internal Capital Adequacy Assessment Process) et la mise en place du MREL (Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities).
Des tests de projections pour :
- Eprouver les stress tests internes de la banque et les facteurs externes identifiés,
- Ajuster les scénarii dits « catastrophes » d’un retournement de marché.
Par ailleurs, pour rendre ces modèles standards ou avancés plus efficients et davantage prédictifs, des notions de « Non-Performing Exposures » (NPE) et de « Forbearance Exposures» (Forbone) ont été précisés afin de mettre en avant les opérations pouvant amener à masquer ou retarder l’apparition du risque de défaut. Ces notions impactent désormais directement les niveaux de provisionnement bancaires en les rendant plus prudents et rendent plus fort le caractère prédictif du défaut. Il faudra s’intéresser aussi de plus en plus à la question de l’Intelligence Artificielle au cœur des modèles prédictifs de défauts des banques afin de détecter les signaux faibles avant-coureurs de l’entrée en défaut.
Pour la liquidité, les banques auront besoins de données cash-flows (in/out) à 30 jours, 1 an et 3 ans. Avec ILAAP (Internal Liquidity Adequacy Assessment Process), le Stresss testing aura également pour objet d’éprouver les modèles et d’ajuster le besoin de liquidité sur la durée
COREP : de nouvelles pratiques de gestion
Les fonds propres perçus comme solides et la liquidité abondante d’antan avec des taux de transformation élevés sont devenues au fil de la baisse des taux et des exigences réglementaires des denrées rares.
Aujourd’hui ces denrées sont devenues si rares qu’elles deviennent re-facturables en interne : des ressources dites « contraintes » au même titre que les besoins en financement classiques des activités des banques.
Il est donc clair que ces exigences bâloises « pilotent » littéralement la production nouvelle des banques. Celles-ci doivent désormais composer à flux tendu entre : des objectifs commerciaux nécessaires à leur bon développement, mais qui sont très vite contraints, voire limités, dans leurs actions et dans leurs volumes d’affaire par le pilotage de ces ratios associés à chaque produit ou segmentation client.
Chaque trimestre (voire mensuellement) c’est une course à l’arbitrage à laquelle nous assistons : que cela soit pour la solvabilité ou pour la liquidité, ces ratios sont désormais suivis de près par toutes les équipes de Direction et le Front office via des tableaux de bord élaborés et projetés sur l’avenir. Ils remettent en question les niveaux de provisions, l’augmentation ou la réduction des engagements et le niveau de fonds propres de la banque qui nécessitera ou non un appel aux actionnaires.
Certaines banques vont ainsi jusqu’à re-facturer en interne le coût des fonds propres et/ou le coût de la liquidité qui viennent en déduction directe du PNB de la Business Line qui cherchera à augmenter sa production. Ces ressources contraintes sont devenues des enjeux majeurs de l’allocation des budgets dans les banques.
Conclusion
Mais de cela rien n’est possible si vous ne maitrisez pas vos datas. Le nouveau rôle du CDO, renforcé par BCBS239, est donc au cœur de cette transformation de la gestion bancaire, puisqu’il sera garant de la qualité et de l’exhaustivité de la chaîne de production de ces ratios.
Cette chaîne étant composée, construite, et calculée avec des golden sources irréprochables. Une transition vers la fiabilisation et le Big Data indissociables pour permettre à chaque banque d’optimiser ses ratios et à terme sa rentabilité.
Lionel ANDREU |