Partager la publication "Règles du jeu en matière de rupture du contrat liée à la perte du permis de conduire : encore une nouvelle illustration"

Perte du permis en dehors du temps de travail
Si un salarié perd son permis en dehors de son temps de travail (exemple : infraction commise durant un week-end), l’employeur ne peut en principe pas le sanctionner. Toutefois, il existe des exceptions :
- Si la détention d’un permis valide est une condition essentielle du contrat de travail et que le salarié ne peut plus exécuter ses missions (exemple : chauffeur routier, livreur).
- Si la perte du permis a un impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise.
Dans ces cas, l’employeur peut envisager un licenciement pour motif personnel non disciplinaire, c’est-à-dire pour cause réelle et sérieuse.
Perte du permis pendant le temps de travail
Si l’infraction ayant conduit à la suspension ou au retrait du permis a été commise durant l’exercice des fonctions, alors l’employeur peut envisager une sanction disciplinaire :
- Un avertissement, une mise à pied, voire un licenciement pour faute grave si le comportement du salarié expose l’entreprise à un risque sérieux (exemple : conduite dangereuse récurrente).
- La gravité de la faute est appréciée en fonction de l’ancienneté du salarié, de son comportement antérieur et des conséquences de la perte du permis.
Solutions alternatives au licenciement
Avant de licencier un salarié pour perte de permis, la jurisprudence encourage les employeurs à rechercher des solutions alternatives :
- Affectation temporaire à un poste ne nécessitant pas de conduite.
- Acceptation d’un aménagement proposé par le salarié (covoiturage avec un collègue, véhicule sans permis).
- Mise en place d’un congé sans solde ou d’un congé sans rémunération durant la suspension.
Jurisprudence récente
La Cour de cassation considère que la perte du permis ne constitue pas automatiquement une faute grave justifiant un licenciement immédiat, sauf si le maintien du salarié dans l’entreprise est devenu impossible. L’affaire du technico-commercial illustre cette position : bien que sanctionnable, l’excès de vitesse ne justifiait pas un licenciement pour faute grave, car des solutions alternatives existaient.
Ainsi dans une affaire soumise à la Cour de cassation le 22 janvier 2025, Uun technico-commercial, utilisant quotidiennement un véhicule dans le cadre de ses missions professionnelles, a été contrôlé en excès de vitesse (compris entre 40 et 50 km/h) dans le cadre de ses fonctions et a fait l’objet d’une suspension administrative du permis de conduire pour 3 mois. Après avoir été mis à pied de manière conservatoire, il a été licencié pour faute grave, ce qu’il a contesté.
En effet, conformément à ses obligations contractuelles, le salarié avait immédiatement avisé sa hiérarchie et assumé la responsabilité de ses actes. Il avait par ailleurs proposé à son employeur plusieurs solutions alternatives : louer un véhicule sans permis durant les trois mois de suspension provisoire et en supporter le coût, se faire véhiculer par le collègue qui l’avait assisté lors de l’entretien préalable sachant que les deux salariés pouvaient organiser des journées de tournées communes destinées à visiter des clients communs, solutions qui lui auraient permis d’assurer la continuité de l’activité professionnelle, étant précisé qu’il effectuait ses missions au sein d’un secteur relativement restreint géographiquement (rayon d’environ 50 km) et qu’il n’était pas tenu d’utiliser le véhicule de service dans l’exercice de ses missions et pouvait, selon la lettre d’embauche, utiliser pour ses déplacements un véhicule personnel.
De plus, le salarié exerçait son activité depuis 8 ans, et n’était pas un habitué des excès de vitesse puisqu’il n’avait commis, en l’espace de près de 8 années consacrées à conduire quotidiennement, que ce seul excès de vitesse, son permis de conduire affichant encore 12 points à ce moment.
Enfin, la société ne pouvait se défendre en ventant sa particulière vigilance en matière de prévention des risques routiers alors qu’elle ne justifiait pas avoir sensibilisé particulièrement ses salariés, par le biais notamment de formations à la prévention de la vitesse au volant.
Conclusion de la Cour de cassation : oui, l’excès de vitesse commis par le salarié mérite une sanction compte tenu de sa fonction de technico-commercial itinérant, mais non il ne rend pas impossible son maintien dans l’entreprise durant le préavis et ne peut donc constituer une cause sérieuse de licenciement.
Conclusion
L’employeur doit analyser la situation au cas par cas et justifier le licenciement par des éléments objectifs : nécessité du permis pour le poste, absence d’alternatives raisonnables, gravité des faits commis, solutions alternatives possibles. En l’absence de ces justifications, un licenciement peut être considéré comme abusif.
Cour de cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-20.792