Sanctionner un agent public, un parcours en trois étapes !

Pour sanctionner un agent public, il convient dans un premier temps d’identifier les faits et de les qualifier, c’est-à-dire de les faire correspondre à un manquement à une obligation. Ensuite, il reviendra à l’autorité investie du pouvoir de nomination en fonction de l’impact sur l’image ou le fonctionne­ment du service du manquement d’opter pour une sanction disciplinaire.

Sanctionner un agent public, un parcours en trois étapes !
Sanctionner un agent public : trois étapes clés, de l’identification au choix de la sanction.

Première étape, identifier les faits :

Un rapport du directeur de la direction des services numériques portant sur le temps de communication interne des agents en poste au centre d’appel a révélé que l’agent simulait de travailler. Il résultait de ce rap­port un nombre élevé et anormal d’appels internes, ces appels entre agents affectés au centre d’appel avaient pour effet de rendre leurs lignes indispo­nibles empêchant ainsi les utilisateurs d’accéder au support technique.

Motivée, peut-être, par l’atteinte de son objectif in­dividuel basé sur le temps de communication de chaque agent en poste, l’agent mis en cause avait simulé 18 % de son temps de travail, représentant un total de 377 heures.

Le juge administratif confirme que ces faits sont matériellement établis.

Deuxième étape, qualifier les faits :

Les faits identi­fiés précédemment constituent un manquement à l’obligation de servir et se trouve contraires au bon fonctionnement du service. En effet, maintenir les lignes occupées a eu un impact sur la capacité de la direction des services numériques à dépanner les utilisateurs, a augmenté le taux d’abandon des uti­lisateurs confrontés à une sonnerie sans réponses et a réduit le taux de satisfaction de ces usagers.

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 POUVOIR DISCIPLINAIRE DANS LA FONCTION PUBLIQUE 

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  • Qualifier une faute disciplinaire.
  • Fixer des objectifs pour construire des plans d’actions.
  • Se repérer dans les régimes disciplinaires (stagiaires, titulaires, contractuels) en respectant l’échelle des sanctions.
  • Appliquer les différentes sanctions applicables.
  • Suivre les étapes de la procédure disciplinaire : de la constitution du dossier individuel à la prise de sanction.
  • Gérer les possibles recours contre la décision de sanction.

Troisième étape, choisir une sanction proportionnée :

Sanctionner, oui, mais toujours avec justesse. La troi­sième étape consiste à choisir une sanction propor­tionnée à ces manquements. La liste des sanctions disciplinaires est exhaustive, mais il existe une échelle des sanctions de la moins sévère (l’avertissement) à la plus sévère (la révocation).

Comment déterminer une sanction proportionnée ? Par rapport à la gravité des fautes commises, le com­portement général de l’agent, le caractère répétitif des manquements reprochés, la nature des fonctions exercées par l’agent et des responsabilités, l’attente portée au fonctionnement du service à l’image de l’établissement public ou de la collectivité, la manière de servir de l’agent et l’absence de passé disciplinaire. Dès lors, l’admi­nistration doit apprécier au cas par cas la situation posée.

En l’espèce, l’administration s’est fondée sur la nature de ces faits, leur caractère répété sur une pé­riode de plusieurs mois et des conséquences importantes que l’attitude de l’agent a pu avoir sur le bon fonctionnement du service. Dès lors, le juge adminis­tratif confirme que la faute repro­chée à la requérante justifie que lui soit infligée une sanction dis­ciplinaire du troisième groupe.

Concernant la proportionnalité de la sanction, il est intéressant ici de noter que ces manquements aient été également constatés pour trois collègues de l’agent, qui se sont vu infliger une sanc­tion moins sévère à savoir une ex­clusion temporaire de fonctions assortie d’un sursis.

Pour le juge, cette sanction plus sévère est justifiée par le fait qu’elle a, contrairement à ses collègues, refusé de reconnaître sa faute jusqu’au conseil de dis­cipline et que la durée des faits reprochés, au vu du nombre de jours de travail simulés ou de la période fautive retenue, est moins importante pour deux des trois agents sanctionnés.

Dès lors, il rejette le recours de l’agent qui n’est pas fondé à sou­tenir que la sanction d’exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d’un an, non assortie d’un sursis, qui a été prise à son encontre, serait disproportionnée.

Plus récemment, la Cour admi­nistrative de Paris s’est égale­ment prononcée en matière dis­ciplinaire dans un arrêt rendu le 27 février 2025, n° 23PA05321.

Il était reproché ici à l’agent d’avoir fait preuve d’un compor­tement déloyal en retirant volon­tairement et de manière réitérée son chef de service des destina­taires de courriels professionnels, en déposant une demande de congés, pour une durée de trois semaines, par message électro­nique le soir du dernier jour ou­vré précédant le début de cette période de trois semaines et en étant partie en congé sans avoir de réponse à cette demande.

Il lui est également reproché d’avoir fait preuve de négligence professionnelle, en manifestant une attitude contraire à son sta­tut de cadre de catégorie A, en ne s’intégrant pas au projet de service de manière récurrente depuis sa prise de fonction, et en méconnaissant son obliga­tion de rendre compte à ses su­périeurs hiérarchiques des mis­sions qu’elle avait effectuées concernant la comptabilité ana­lytique 2020 et la fiabilisation du nombre de mètres carrés dont disposait la direction de la sécu­rité de proximité et de l’agglo­mération parisienne, en refusant d’établir un rapport circonstancié concernant son approche dans la gestion d’un courriel frauduleux et en refusant de compléter un fichier sur la comptabilité analy­tique sur la partie véhicule.

Il est aussi relevé qu’elle a man­qué à son devoir d’obéissance hiérarchique en poursuivant une mission qui n’a pas été sollicitée par ses supérieurs, en ignorant les nouveaux objectifs fixés par son chef de service, en ne tenant pas compte des rappels à l’ordre de sa hiérarchie et en adoptant un comportement inadapté en­vers ses supérieurs.

Concernant le choix de la sanc­tion, l’administration a pronon­cé un blâme, le juge a considéré cette sanction comme n’étant pas disproportionnée aux man­quements constatés même si la carrière de l’agent est marquée par de bons états de service.

Par cet arrêt, la Cour administra­tive d’appel de Paris traite aussi de la nouvelle garantie reconnue aux agents publics dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Si, par une décision n°2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution le deu­xième alinéa de l’article L. 532-4 du Code général de la fonction publique considérant que les dis­positions ne prévoient pas que le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire, le Conseil d’État est venu atténuer cette décision par deux points.

Dans son arrêt du 19 décembre 2024, 490157, il rappelle dans un premier temps que dans le cas où un agent n’a pas été informé du droit qu’il a de se taire, cette irrégularité est susceptible d’en­traîner l’annulation de la sanction uniquement si la sanction infli­gée repose de manière détermi­nante sur des propos tenus alors que l’intéressé n’avait pas été in­formé de ce droit.

De plus, il considère que le droit de se taire ne s’applique pas aux échanges ordinaires dans le cadre de l’exercice du pouvoir hiérarchique ni aux enquêtes ad­ministratives diligentées par l’au­torité hiérarchique. C’est ce même considérant de principe qui est repris ici par la Cour administrative d’appel de Paris : « De telles exigences impliquent que l’agent public faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les man­quements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement infor­mé du droit qu’il a de se taire. À ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l’autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disci­plinaire à l’encontre d’un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d’une enquête admi­nistrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l’in­former du droit qu’il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s’applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l’exercice du pouvoir hiérarchique ni aux enquêtes et inspections diligentées par l’au­torité hiérarchique et par les ser­vices d’inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des man­quements commis par un agent. »

 

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