Prime de partage de la valeur : quel avenir pour 2025 ?

La prime de partage de la valeur (PPV), successeur de la "prime Macron", semble aujourd'hui à la croisée des chemins.
Instaurée par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 pour encourager les employeurs à verser une prime à leurs salariés dans un cadre fiscal incitatif, son avenir est désormais questionné par les évolutions législatives prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025).

En effet, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, adopté le 10 février par 49.3, prévoit d'intégrer la PPV dans l'assiette de calcul de la réduction générale des cotisations patronales. Une modification qui pourrait faire changer la stratégie des entreprises en matière de rémunération variable.
Face à cette évolution majeure, les employeurs s'interrogent sur l'avenir de ce dispositif qui avait permis la distribution de 5,3 milliards d'euros de PPV en 2023.

Faut-il maintenir ce mécanisme de prime ? Le remplacer par d'autres outils pour booster le pouvoir d’achat comme l'intéressement ? Comment adapter sa politique salariale dans ce nouveau contexte ? Tour d'horizon des évolutions à venir et des alternatives possibles pour les entreprises !

Prime de partage de la valeur : quel avenir pour 2025 ?
L'évolution de la PPV : entre déclin et nouvelles perspectives pour 2025.

Un dispositif déjà en perte de vitesse depuis 2024

Le dispositif est déjà en perte de vitesse…Au premier trimestre 2024, le montant total des versements de PPV avait atteint seulement 490 millions d’euros, soit une diminution de plus de moitié par rapport au premier trimestre 2023 (1,2 milliard). Cela s’explique par la fin de la défiscalisation de la prime pour la plupart des salariés depuis le 1er janvier 2024.

Fin progressive des avantages fiscaux et sociaux

Jusqu’au 1er janvier 2024, la PPV bénéficiait en effet d’un régime fiscal et social particulièrement attractif. Elle était exonérée de cotisations sociales, y compris de CSG et de CRDS sous certaines conditions. 

Du côté des salariés, elle pouvait également être exonérée d’impôt sur le revenu lorsqu’elle était affectée à un Plan d’Épargne Entreprise (PEE) ou à un Plan d’Épargne Retraite Collectif (PERECO).

Les entreprises étaient également avantagées avec une contribution patronale nulle pour celles de moins de 250 salariés, tandis qu’une contribution de 20% s’appliquait pour les structures de 250 salariés et plus. Mais cette legislation favorable a été légèrement bousculée en 2024.

Les évolutions de la PPV en 2024

En 2024, plusieurs évolutions réglementaires importantes ont été apportées à la Prime de Partage de la Valeur (PPV) en France. La loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 a introduit de nouvelles dispositions visant à assouplir et élargir le dispositif. 

Avec la nouvelle loi,  la PPV pouvait être versée jusqu’à deux fois par an, avec un maximum d’un versement par trimestre. Les exonérations fiscales et sociales ont été maintenues uniquement pour les salariés gagnant moins de trois SMIC dans les entreprises de moins de 50 salariés, avec des plafonds de 3 000 euros ou 6 000 euros selon les cas.

Des modifications réglementaires impactantes en 2025

La nouvelle disposition du PLFSS 2025 marque un tournant. L’intégration de la PPV dans l’assiette de calcul de la réduction générale des cotisations patronales aura un impact direct sur le coût pour les employeurs, particulièrement pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 fois le SMIC. 

Ces salaires sont les plus concernés car c’est sur cette tranche que la réduction générale des cotisations patronales (ou « réduction Fillon ») est la plus importante.

Plus un salaire se rapproche du SMIC, plus l’exonération est élevée, et elle diminue progressivement jusqu’à disparaître à 1,6 SMIC. En intégrant la PPV dans l’assiette de calcul, la base sur laquelle est appliquée l’exonération augmente, réduisant ainsi le montant total des allègements dont bénéficie l’employeur.

Prenons un exemple : 

Pour une PME qui verse une PPV de 800 euros à un salarié rémunéré à 1,2 SMIC (environ 2 160 euros brut) :

  • Avant la réforme : ce versement ne générait aucun coût supplémentaire pour l’employeur
  • Avec la réforme : la PPV diminuera le montant de la réduction des cotisations patronales dont l’employeur bénéficie sur le salaire du salarié concerné. Cette réduction pourrait baisser d’environ 15 à 20% de la prime versée, soit un coût supplémentaire estimé entre 120 et 160 euros pour l’entreprise.

Face à cette augmentation du coût de la PPV, les employeurs devront faire un choix : soit réduire le montant des primes versées aux salariés, soit absorber ce surcoût dans leurs charges.

La position des syndicats sur la Prime de Partage de la Valeur

Les organisations syndicales expriment depuis le début globalement des réserves vis-à-vis de la PPV. Leur principale crainte est que ce dispositif se substitue aux augmentations de salaires.

Cette position a été réaffirmée lors des Assises du social qui se sont tenues le 11 juin, où Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, a clairement rappelé que « Pour remplir son frigo, demander un emprunt immobilier à son banquier, ou lorsqu’on est malade, ce qui compte, c’est le salaire« . 

Si FO a signé l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 qui a été transposé dans la loi, c’est en étant consciente que toute mesure en faveur du pouvoir d’achat constitue un plus pour les salariés. Toutefois, l’organisation maintient que la hausse des salaires, qui génèrent du salaire différé contrairement à la participation, reste LA revendication syndicale prioritaire.

Plus spécifiquement, les syndicats s’inquiètent de la fragilisation du système de protection sociale, la PPV étant défiscalisée et désocialisée. Ils soulignent également le risque d’individualisation de la prime, qui pourrait mettre en concurrence les collaborateurs.

La secrétaire générale de la CFDT exprimait notamment cette préoccupation en soulignant que « le risque c’est que la prime de partage de la valeur cannibalise la participation« . La CFE-CGC, quant à elle, maintient que les salaires doivent rester la priorité absolue, particulièrement en période d’inflation et de perte de pouvoir d’achat.

Face à ce dispositif, les positions syndicales divergent : certains syndicats souhaitent sa suppression pure et simple, tandis que d’autres proposent de la réserver aux entreprises de moins de 50 ou 11 salariés n’ayant pas recours à la participation.

Quelles alternatives à la Prime de Partage de la Valeur ?

Alors, quelles sont les alternatives à la PPV pour pouvoir récompenser justement les salariés à hauteur de leurs efforts, sans grever le budget à cause des charges patronales ?

L’intéressement : une alternative attractive

L’intéressement présente des avantages fiscaux et sociaux qui en font une alternative intéressante à la Prime de Partage de la Valeur. Pour Force Ouvrière, « après le salaire, nous serions plutôt favorables aux plans d’épargne entreprise ou retraite, car on sait où est le capital« , comme l’a souligné Frédéric Souillot lors des Assises du social.

Contrairement à la PPV, ce dispositif permet une exonération totale de cotisations sociales (hors CSG/CRDS). Il offre également un régime fiscal avantageux lorsque les sommes sont placées sur un Plan d’Épargne Entreprise (PEE). 

Pour reprendre l’exemple précédent, un employeur souhaitant verser 800 euros via un dispositif d’intéressement pourrait bénéficier d’un coût net inférieur à celui d’une PPV soumise à la nouvelle législation.

La mise en place de l’intéressement offre une certaine souplesse aux entreprises. Il peut être instauré par accord collectif ou par décision unilatérale après consultation du CSE. La négociation annuelle sur les conditions de travail, prévue par l’article L.2242-17 du Code du travail, constitue un cadre juridique approprié pour traiter ce sujet. Cette flexibilité permet aux entreprises d’adapter le dispositif à leur contexte spécifique.

Renégocier la PPV, un choix stratégique pour l’entreprise

Le passage de la PPV à l’intéressement nécessite une réflexion globale sur la politique de rémunération de l’entreprise.

Au-delà des aspects purement financiers, l’entreprise doit prendre en compte sa taille, ses obligations légales et les attentes des partenaires sociaux. La transition vers l’intéressement peut également s’inscrire dans une démarche plus large de partage de la valeur, permettant d’associer plus étroitement les salariés aux performances de l’entreprise.

Quand et comment renégocier son accord PPV ?

Face aux évolutions réglementaires prévues pour 2025, les entreprises disposant d’un accord PPV doivent anticiper sa renégociation, comme elles l’ont fait pour rénegocier les accords télétravail lorsque cela a été nécessaire. 

La renégociation peut prendre plusieurs formes :

  •  soit par avenant à l’accord existant,
  •  soit par la conclusion d’un nouvel accord.

Dans tous les cas, l’entreprise devra respecter les règles de validité des accords collectifs, notamment le principe majoritaire. Plusieurs aspects juridiques méritent également une attention particulière :

Tout d’abord, les entreprises doivent veiller à la cohérence entre leur accord PPV et les autres dispositifs de rémunération variable existants. La coexistence de plusieurs dispositifs (PPV, intéressement, participation) nécessite une articulation claire pour éviter tout risque de confusion ou de contentieux.

Par ailleurs, les critères d’attribution de la prime doivent être objectifs et non discriminatoires. L’administration et la jurisprudence sont particulièrement vigilantes sur ce point. Les modalités de calcul et de versement doivent être transparentes et facilement compréhensibles par les salariés.

Les étapes clés à respecter pour rénégocier son accord PPV 

 La modification ou la suppression d’un accord PPV nécessite de suivre un processus rigoureux. Voici quelques étapes à ne pas négliger :

  1. Réaliser un diagnostic préalable de l’existant, notamment en évaluant l’impact financier des nouvelles dispositions du PLFSS 2025 sur le coût global de la prime
  2. Informer et consulter le Comité Social et Économique (CSE) sur le projet de modification ou de suppression de l’accord PPV
  3. Engager la négociation avec les organisations syndicales représentatives ou, à défaut, avec les élus du personnel selon les règles applicables dans l’entreprise
  4. Prévoir des mesures transitoires pour assurer une évolution progressive du dispositif, particulièrement si l’entreprise envisage de basculer vers l’intéressement
  5. Communiquer clairement auprès des salariés sur les changements à venir et leurs implications en termes de rémunération

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Bref, quel est l’avenir de la Prime de Partage de la Valeur ?

Les modifications introduites par le PLFSS 2025 marquent clairement une volonté des pouvoirs publics de réorienter les entreprises vers des mécanismes plus pérennes de partage de la valeur.

Pour les entreprises, l’année 2025 s’annonce comme une période charnière qui nécessite d’anticiper plusieurs scenarios. La réduction des avantages fiscaux de la PPV invite à repenser globalement la stratégie de rémunération, en privilégiant potentiellement des dispositifs comme l’intéressement ou la participation. 

Cette transition doit toutefois être menée avec prudence pour préserver le pouvoir d’achat des salariés et maintenir un climat social serein.

Trois axes prioritaires se dégagent pour aborder cette transformation :

  • Premièrement, privilégier une approche progressive dans la modification des dispositifs existants. Les entreprises ont tout intérêt à planifier une période de transition permettant aux salariés de s’adapter aux nouveaux mécanismes de rémunération variable.
  • Deuxièmement, renforcer le dialogue social autour de ces évolutions. La réussite de cette transformation dépendra largement de la qualité de la concertation avec les partenaires sociaux et de la transparence des nouvelles règles mises en place.
  • Enfin, adopter une vision à long terme du partage de la valeur. Au-delà des aspects purement financiers, les entreprises doivent repenser leurs dispositifs de rémunération variable comme des outils d’engagement et de fidélisation des salariés.

Dans ce contexte, 2025 pourrait marquer non pas la fin de la PPV, mais plutôt sa transformation vers un dispositif plus intégré dans une politique globale de rémunération. 

Les entreprises qui sauront anticiper ces changements et adapter leurs pratiques en conséquence seront les mieux positionnées pour maintenir leur attractivité tout en maîtrisant leurs coûts salariaux.

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