Les défis et opportunités de la rémunération des seniors en France

En France, un senior est généralement défini comme un actif de 50 ans ou plus, une catégorie marquée par des enjeux spécifiques d’employabilité et de rémunération. Historiquement, un salarié senior représentait un collaborateur expérimenté, porteur de savoir-faire à transmettre. Aujourd’hui, ce terme englobe à la fois des actifs encore en poste et des personnes en situation de dépendance, souvent localisé en EHPAD, ce qui pose une question sémantique et sociale.

Les défis et opportunités de la rémunération des seniors en France
Les seniors, une richesse sous-valorisée dans un marché du travail en pleine mutation : comment repenser leur rémunération ?

Avec le vieillissement démographique et les réformes des retraites repoussant l’âge de départ, la population active des 50-64 ans augmente. En 2022, leur taux d’activité atteignait 69,7 %, mais cette dynamique masque une disparité : 80,5 % pour les 55-59 ans contre seulement 38,9 % pour les 60-64 ans. Les seniors représentent environ 30 % de la population active, constituant une ressource précieuse de main d’œuvre, souvent sous-valorisée en raison de préjugés liés à l’âge, malgré des pénuries dans certains secteurs.

Des défis structurels persistants

Les entreprises continuent encore d’adopter des politiques de sortie anticipée pour alléger les coûts salariaux (effet Noria). De leur côté, les salariés, confrontés à l’usure professionnelle, à des perspectives limitées d’évolution ou de revalorisation salariale, aspirent souvent à un départ précoce. Ce phénomène contraste avec la nécessité de prolonger la vie active pour des raisons économiques et malgré un message politique fort.

Deux enjeux majeurs se posent :

  1. Motiver les seniors à rester dans l’emploi : lutter contre l’usure professionnelle, revaloriser leurs compétences et maintenir leur motivation.
  2. Sensibiliser les entreprises aux opportunités : reconnaître les bénéfices d’une main-d’œuvre expérimentée en termes de performance, transmission de savoir et diversité des compétences.

Une évolution règlementaire globale insuffisante

Depuis la fin des années 1990, les politiques publiques encouragent le maintien des seniors dans l’emploi pour pallier les déficits des retraites au travers de contrats exonérés, d’aides spécifiques à l’embauche ou à la reconversion. Toutefois, les récentes réformes peinent à répondre aux défis structurels et sociaux rencontrés par cette population, malgré des accords sociaux récents (Nouveau Pacte de la vie au travail – 2024).

Les enjeux de la rémunération des seniors

Nous venons de voir que pour valoriser ce groupe de collaborateurs, les seniors, la question de la rémunération est cruciale tant au niveau motivationnel pour les salariés que financier, pour l’entreprise. Il faut l’étudier au travers de 4 dimensions clés :

  • L’enjeu de la discrimination salariale : une perception fréquente de salaires « trop élevés » freine l’embauche, la mobilité et la reconnaissance monétaires des seniors.
  • Le parcours de carrière limité : peu de promotions ou revalorisations en fin de carrière.
  • L’accès restreint à la formation continue : un frein à l’adaptation des compétences alors que c’est un des points les plus reprochés.
  • Les coûts financiers pour les entreprises : augmentation des cotisations sociales, réforme des retraites, impact sur l’épargne salariale et l’intéressement.

En transposant ce constat sur la rémunération globale, on peut retenir quatre points de tension : le salaire, les primes individuelles, la carrière et la reconnaissance, comme montré par le schéma ci-dessous, extrait de la conférence sur le même sujet.

 

Une idée reçue : des rémunérations systématiquement élevées ?

Premier constat étonnant, l’idée que la rémunération des seniors serait systématiquement élevée est rarement vérifiée dans les chiffres en tenant compte de poste équivalent et compétences égales.

Une étude de la DARES (2022) révèle que les seniors bénéficient généralement de salaires plus élevés au début de leur phase « senior » grâce à leur expérience et ancienneté. Toutefois, leur rémunération tend à stagner, voire diminuer avec le temps, phénomène qui s’accentue pour les niveaux ouvriers / agents de maîtrise. Ainsi, 40 % des seniors n’ont pas connu d’augmentation salariale depuis 5 ans, contre seulement 25 % pour les moins de 40 ans.

Cette stagnation résulte principalement d’une gestion de carrière ralentie ou arrêtée qui ne valorise pas l’évolution des compétences, de la perception par les entreprises d’un coût salarial élevé lié aux seniors. « Le serpent se mord la queue ! »

Le rôle des conventions collectives : un équilibre entre protections et limites

Les conventions collectives jouent un rôle central dans la rémunération et les conditions de travail des salariés seniors. Elles offrent des avantages significatifs pour la population senior, notamment des primes d’ancienneté, des jours de congés supplémentaires, ou une sécurité de l’emploi renforcée. Ces dispositifs valorisent l’expérience et garantissent une stabilité professionnelle importante. Toutefois, les grilles salariales définies dans ces conventions atteignent souvent des plafonds avec le temps. Cette rigidité freine l’évolution des salaires, même pour les seniors performants et engagés. Toutefois, malgré ces limites, les syndicats jouent dans certaines branches un rôle important pour revaloriser les conditions salariales des seniors autrement comme l’exemple du secteur métallurgie, la CFDT a négocié un accord en 2021 pour instaurer des primes exceptionnelles aux salariés de plus de 55 ans afin de valoriser l’expérience et la transmission des compétences.

Des écarts de rémunération entre les classes d’âge pas toujours dans le sens « attendu »

Les disparités salariales entre seniors et jeunes actifs peuvent être à l’inverse de ce que l’on croit. Selon un rapport de l’INSEE (2021), les travailleurs âgés de 55 ans et plus perçoivent des salaires en moyenne 10 % à 15 % inférieurs à ceux des plus jeunes ayant des qualifications équivalentes. Selon cette étude, les écarts seraient dus à : des préjugés sur la productivité et l’adaptabilité des seniors, des politiques salariales qui ne reconnaissent pas la valeur ajoutée de leur expérience, la mise en place de l’effet Noria, où le départ des seniors est compensé par l’embauche de « jeunes talents », entraînant une réduction des coûts (voir plus loin pour l’évolution de cet effet) mais aussi la précarisation d’une population senior qui se retrouve sans emploi et pas encore à la retraite.

Les pratiques de rémunération des seniors : un sujet peu documenté

On constate un manque de transparence et de données, une remise en question possible de l’impact de l’effet Noria et une prise de conscience inégale.

Concernant le manque de transparence et de données, plusieurs difficultés majeures sont apparues :

  1. Un manque de benchmarks équitables : la valorisation financière de l’expérience est souvent ignorée. Pourquoi ? Parce que les entreprises peinent à attribuer une valeur monétaire aux compétences acquises avec l’expérience, ce qui rend les comparaisons peu fiables.
  2. Une pénurie de données fiables : le sujet reste opaque et ne suscite pas un intérêt suffisant. La directive européenne sur la transparence salariale pourrait améliorer la situation, mais l’absence de vote sur un index senior limite l’avancement de ce sujet dans les négociations sociales.

Pour l’effet de Noria, qui consiste à remplacer les seniors par de jeunes recrues pour réaliser des économies, bien que ce soit une pratique historiquement répandue, on est en droit aujourd’hui de se demander si cela est toujours pertinent ?

  • Dans certains secteurs en tension, cette approche perd en efficacité. Les difficultés de recrutement et l’inflation des métiers en pénurie posent la question de l’économique faite et de l’intérêt de faire partir les seniors.
  • Avec l’impact croissant de l’IA sur le contenu des postes, le marché du travail évolue. Les compétences techniques tendent à s’effacer au profit des soft skills (comme l’adaptabilité, la communication et l’expérience managériale pour les postes d’encadrement). Les seniors, forts de leur expérience, ne sont-ils pas alors mieux armés pour répondre à ces nouvelles exigences ?

Une prise de conscience inégale

Les grands groupes semblent avoir amorcé une réflexion et des actions concrètes pour mieux intégrer et valoriser les seniors. Mais qu’en est-il des autres entreprises ? Voici une question clé pour évaluer votre politique salariale actuelle : « Si un salarié de plus de 50 ans, motivé, performant et toujours engagé dans sa montée en compétences, se distingue par d’excellents résultats, comment reconnaissez-vous sa contribution, monétairement et non monétairement ? » Si oui, il peut être intéressant de regarder les contextes.

Pour identifier les éventuelles disparités dans vos pratiques salariales, deux axes d’analyse peuvent être explorés :

  • La fréquence des augmentations individuelles : combien de seniors en bénéficient par rapport aux autres tranches d’âge ? Dans l’idéal, il faudrait le faire pour des performance et compétences égales ce qui peut réduire la faisabilité de l’exercice.
  • Le montant des augmentations : existe-t-il un écart notable dans les revalorisations salariales attribuées en fonction de l’âge, notamment en cas de performance équivalente ?

La faible documentation sur la rémunération des seniors révèle un manque de transparence qui freine une gestion équitable et stratégique de cette population.

Alors, faut-il repenser leurs rémunérations globales ? Comment reconnaître et valoriser la contribution des seniors pour répondre aux défis de demain ?

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Valoriser les seniors : Une réflexion nécessaire par « proximité de la retraite »

Pour répondre à ces deux questions, les entreprises doivent adopter une gestion proactive des seniors mais il est essentiel de segmenter la problématique non par l’âge des seniors, mais par leur proximité de départ à la retraite. Cela permettrait d’adapter les politiques de rémunération et d’évolution professionnelle ainsi que la politique RH envers les seniors pour répondre au mieux aux attentes des salariés et assurer les transmissions de compétences.

J’ai consolidé les actions possibles observées aujourd’hui dans les entreprises dans le schéma ci-dessous.

Conclusion

Les seniors ne devraient plus être vus une charge coûteuse et inadaptée, mais comme une opportunité notamment pour répondre au désir d’une société pour plus de diversité et d’inclusion. Alors que certains pays, comme le Japon, valorisent leur expertise en les intégrant dans des rôles de mentorat ou de conseil, ou que des entreprises scandinaves favorisent la flexibilité des horaires et des postes pour prolonger leur activité, la France gagnerait à trouver son modèle. Repenser les politiques salariales et les parcours professionnels des seniors, c’est non seulement reconnaître leur richesse d’expérience, mais aussi répondre aux besoins d’un marché du travail en pleine mutation. Car, comme dans un marathon, ce sont souvent les derniers kilomètres qui révèlent les ressources les plus précieuses.

 

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