Directive Européenne sur la transparence des rémunérations : les changements à venir dans nos pratiques RH

Le 10 mai 2023, l'Union Européenne a adopté une directive majeure relative à la transparence des rémunérations, visant à renforcer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Cette directive s’inscrit dans la continuité des dispositions déjà existantes en France, mais elle impose de nouvelles obligations aux employeurs.

Cet article analyse les principaux apports de la directive européenne et les changements qu’elle induit pour les pratiques RH, tout en comparant avec les règles et la jurisprudence déjà en vigueur en France.

Directive Européenne sur la transparence des rémunérations : les changements à venir dans nos pratiques RH
Les nouvelles obligations de transparence salariale renforcent l'égalité entre les sexes dans les pratiques RH européennes.

Les objectifs de la directive européenne

La directive européenne sur la transparence des rémunérations vise à garantir l’égalité salariale pour un travail de valeur égale.

Ses principales dispositions sont :

  • l’obligation de transparence avant l’embauche : les employeurs devront fournir des informations sur la rémunération initiale ou l’échelle de salaires dans les offres d’emploi ou avant l’entretien d’embauche. Les « salaires selon profil » seront donc proscrits ;
  • l’interdiction de demander des informations sur les rémunérations passées : les employeurs ne pourront plus demander aux candidats des informations sur leurs rémunérations antérieures. Le salaire proposé par le futur employeur devra intrinsèquement dépendre du poste et non plus de la capacité à négocier du candidat ;
  • la transparence des écarts de rémunération : les entreprises de plus de 100 salariés devront communiquer annuellement sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes ;
  • le droit à l’information des salariés : chaque salarié aura le droit de demander des informations sur les critères utilisés pour définir sa rémunération et celle des collègues réalisant des tâches équivalentes ;
  • les réparations pour discriminations salariales : en cas d’inégalité salariale constatée, la directive prévoit une indemnisation à 100 % des pertes subies.

Les nouvelles obligations RH en matière de transparence des rémunérations

La France dispose déjà d’un cadre législatif solide en matière d’égalité salariale, mais la directive européenne apporte des nouveautés qui impacteront les pratiques RH.

La communication sur le niveau de rémunération dans les offres d’emploi

Par exemple, la législation n’impose pas explicitement aux employeurs de communiquer les niveaux de rémunération dans les offres d’emploi. Cependant, la pratique est encouragée, notamment dans les conventions collectives.

La directive introduit une obligation plus stricte, nécessitant une transparence sur les fourchettes salariales avant l’embauche, ce qui modifiera les pratiques de recrutement.

L’interdiction de demander des informations sur les rémunérations passées

De même, la directive interdit formellement la demande d’informations sur les rémunérations passées, une pratique pourtant courante en France. Cette mesure vise à éviter que les écarts de rémunération ne se perpétuent au fil de la carrière, notamment pour les femmes.

La Cour de cassation, dans plusieurs arrêts, a déjà condamné des pratiques discriminatoires liées à la fixation de salaires sur la base de données non objectives (Cass. soc. 17 octobre 2018, n° 17-14.392), mais cette nouvelle règle obligera les employeurs à réviser leur approche en entretien.

La publication d’un rapport sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes

En matière de transparence des écarts de rémunération, la France est déjà un bon élève puisque les entreprises de plus de 50 salariés sont déjà tenues de publier un index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, incluant un indicateur sur les écarts de rémunération (article L. 1142-8 du Code du travail).

Cependant, la directive renforce cette obligation pour les entreprises de plus de 100 salariés, qui devront communiquer des rapports annuels plus détaillés sur ces écarts. L’obligation de transparence s’en trouve élargie, incitant les entreprises à une meilleure gestion de l’égalité salariale.

Le droit d’accès des salariés aux informations salariales

L’une des grandes nouveautés se situe dans le droit d’accès des salariés aux informations concernant leur rémunération et celles de leurs collègues, dans le cadre d’un travail de valeur égale.

Ce droit, bien que déjà présent en France (article L. 3221-2 du Code du travail), est souvent limité dans son application pratique. La directive renforce ce droit et impose des critères de transparence clairs pour les entreprises, ce qui pourra générer un changement dans les politiques de gestion salariale.

Néanmoins, ce droit à l’information des salariés sur les rémunérations de leurs collègues, tel qu’énoncé dans la directive européenne sur la transparence des rémunérations, ne permet pas aux salariés de demander directement la communication des fiches de paie individuelles de leurs collègues.

La directive prévoit plutôt que les salariés ont le droit de demander des informations sur les critères de rémunération et les niveaux de rémunération pour des emplois de même valeur.

Cela signifie que l’employeur doit fournir des informations globales sur les niveaux de rémunération (salaire moyen ou fourchette salariale) des salariés occupant des postes comparables, sans divulguer d’informations personnelles ou confidentielles comme les fiches de paie.

Ce nouveau droit d’information concerne donc la transparence salariale globale, sans compromettre la protection des données personnelles des salariés. Les services RH devront fournir des statistiques ou des données agrégées sur les rémunérations des différents groupes de salariés, mais sans révéler de détails individuels​.

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La réparation intégrale des inégalités salariales

La seconde nouveauté est la réparation intégrale des inégalités salariales. Bien que la France ait déjà prévu des mécanismes de réparation en cas de discrimination salariale, et que la Cour de cassation ait plusieurs fois confirmé que la violation du principe d’égalité de rémunération entre hommes et femmes donnait droit à des dommages et intérêts (Cass. soc., 6 avril 2011, n° 09-71.063), la directive va plus loin en imposant une indemnisation complète des pertes salariales, ce qui pourrait avoir un impact financier plus important pour les entreprises fautives.

Au final, un objectif de justice salariale

La directive européenne impose ainsi aux services RH une révision en profondeur de certaines pratiques qui devront adapter les annonces d’emplois, réviser parfois leurs process d’embauche et gérer au plus près leurs écarts salariaux, par le biais d’audits internes ou externes, pour assurer au mieux la transparence salariale et être prêtes à justifier les écarts de rémunération, sous peine de sanctions.

L’objectif de la directive est clair : assurer une égalité salariale plus juste et plus transparente, avec un cadre réglementaire renforcé.

 

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