Partager la publication "Un employeur peut-il imposer des congés sans solde à ses salariés ?"
GERESO vous répond
Question :Marie est RH dans une entreprise industrielle. Elle a plusieurs salariés qui viennent d’arriver et qui n’auront pas acquis assez de congés pour prendre 12 jours ouvrables consécutifs cet été. Elle se demande si elle peut leur imposer des congés sans solde car ils ont toujours pratiqué ainsi mais un nouvel embauché lui dit que c’est illégal. |
Réponse :
Pour répondre à la question de Marie, il faut distinguer 2 situations : si l’entreprise est en fermeture annuelle pour congés payés ou non.
Cas n°1 – Quand l’entreprise est en fermeture annuelle
En cas de fermeture d’entreprise pour congés payés, l’employeur peut imposer au salarié de prendre des congés sans solde si le salarié n’a pas acquis assez de jours de congés payés. Cependant, cette situation doit être encadrée et justifiée par des dispositions spécifiques prévues dans les conventions collectives applicables.
L’article L3141-24 du Code du travail précise que « lorsque la durée des congés pris par le salarié est supérieure à celle des congés payés auxquels il a droit, l’employeur peut accorder des jours de congés sans solde » sachant que l’article L3141-16 du même code permet à l’employeur de fixer la période de prise des congés payés après consultation des représentants du personnel et, à défaut, des salariés. Aussi, avant d’imposer des congés sans solde, l’employeur doit consulter les représentants du personnel. Il doit également informer le salarié de cette décision dans un délai raisonnable.
En conclusion, l’employeur a le droit d’imposer des congés sans solde en cas de fermeture d’entreprise pour congés payés si le salarié n’a pas acquis assez de jours, sous réserve du respect des consultations et notifications prévues par la loi. C’est d’ailleurs ce qui est confirmé par la jurisprudence (voir en ce sens : Cass. soc. 16 mai 2000 – Société CMP Kléber c/ Bondoux ; Cass. soc. 10 décembre 1993 – SA Robert Bosch France c/ Truscello et autre).
Cas n°2 – En l’absence de fermeture d’entreprise
En dehors du cas de fermeture d’entreprise pour congés payés, l’employeur ne peut pas imposer unilatéralement des congés sans solde à un salarié. Les congés sans solde sont normalement pris à la demande du salarié et avec l’accord de l’employeur. L’article L3141-16 du Code du travail prévoit que l’employeur fixe les dates des congés payés en respectant un certain préavis, mais ne mentionne pas la possibilité d’imposer des congés sans solde en dehors de la fermeture de l’entreprise pour congés payés.
L’employeur doit respecter les droits des salariés tels que prévus par le Code du travail et les conventions collectives. Imposer des congés sans solde unilatéralement serait une modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, ce qui est illégal. C’est en ce sens que la Cour de cassation a tranché le sujet à
plusieurs reprises. Ainsi le 16 septembre 2009 (Cass. soc. 16 septembre 2009, n° 08-40.772), la Cour de cassation a jugé qu’une modification des conditions essentielles du contrat de travail, comme l’imposition de congés sans solde, nécessite l’accord du salarié. Imposer des congés sans solde sans cet accord est considéré comme une modification unilatérale du contrat de travail et donc illégale. Elle a redit la même chose le 24 novembre 2010 (Cass. soc. 24 novembre 2010, n° 08-43.777) en rappelant que l’employeur ne peut pas imposer de manière unilatérale des périodes d’absence non rémunérées (congés sans solde) sans l’accord exprès du salarié, car cela constituerait une atteinte aux droits contractuels du salarié.
En résumé, en dehors des cas spécifiques de fermeture d’entreprise pour congés payés, l’employeur ne peut pas imposer des congés sans solde à un salarié sans son accord. Toute tentative d’imposer des congés sans solde sans le consentement du salarié serait considérée comme une modification unilatérale et illégale du contrat de travail.