Partager la publication "Charte du cotisant contrôlé : le millésime 2024 est arrivé !"
L’importance des chartes et donc… de la Charte du cotisant contrôlé
On sait l’importante des Chartes dans notre système juridique (charte du contribuable, charte de l’environnement, charte du patient hospitalisé…). Pour reprendre la définition du terme « charte », il s’agit de « l’ensemble de règles et principes fondamentaux d’une institution ». Les organismes de recouvrement de sécurité sociale n’échappent pas à cette tendance. En effet, les URSSAF éditent régulièrement une « Charte du cotisant contrôlé » qui informe les entreprises sur leurs droits et obligations lors du contrôle ; elle présente, de façon synthétique, les modalités de déroulement d’un contrôle ainsi que les droits et les garanties dont bénéficie le cotisant tout au long de cette procédure ».
Toutefois, en matière de contrôle URSSAF, le Charte du cotisant représente plus qu’un affichage. En effet, l’article R243-59 I al 5 du Code de la sécurité sociale précise que l’avis de contrôle envoyé par l’URSSAF « fait état de l’existence d’un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du présent code. Il précise l’adresse électronique où ce document approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l’agriculture, est consultable et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande. Les dispositions contenues dans la charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle ». En d’autres termes, les dispositions contenues dans ce document peuvent être utilisés à l’encontre des organismes de recouvrement.
Cette charte du cotisant contrôlé est actualisée régulièrement en fonction des évolutions législatives et réglementaires. Sa dernière mise à jour datait de 2022.
Certes, le document ne contient pas, de manière générale, de dispositions novatrices. Il ne fait que synthétiser les règles de procédure applicables. Cependant la pratique montre que la Charte peut parfois anticiper des modifications de règles applicables. En ce sens, une lecture attentive de ce document avant un contrôle est recommandée.
Dans son cru 2024, plusieurs dispositions nouvelles ont été introduites dans la Charte
Les nouveautés de la Charte du cotisant contrôlé 2024
Beaucoup de dispositions de répétition
Certes, le document ne fait souvent qu’ânonner les dispositions du Code de la sécurité sociale et principalement de l’article R243-59 qui fixe les règles en matière de contrôle. Mais comment pourrait-il procéder autrement ?
Cependant, le diable se nichant dans les détails, il convient de procéder à une lecture plus approfondie de ce texte.
Ainsi, on constate que la charte est applicable pour la première fois aux cotisants relevant du régime agricole (aujourd’hui la procédure de contrôle MSA est devenue identique à celle menée par l’URSSAF : décret n° 2019-1182 du 14 novembre 2019)
Qui plus est, la charte intègre les modifications légales ou réglementaires intervenues depuis 2022. Il en est ainsi :
- de la proposition d’un entretien par l’agent de contrôle au cours duquel celui-ci présente le résultat de ses analyses, sauf en matière de travail dissimulé (CSS art R243-59 II al 6). Pour le contrôle sur pièces (s’agissant des entreprises occupant moins de 11 salariés : CSS art R243-59-3), la charte précise que l’entretien de fin de contrôle se tient par téléphone.
- de la réduction du délai de remboursement maximal lorsque le contrôle aboutit à une restitution. Il est désormais d’un mois au lieu de quatre mois auparavant (décret n° 2023-262 du 12 avril 2023)
- de l’allongement du délai de prévenance du contrôle de 15 à 30 jours (CSS art R243-59 I al 1)
- de la fin de l’expérimentation qui consistait à limiter la durée globale des contrôles de toutes les administrations dans les entreprises de moins de 250 salariés sur deux régions depuis le 1er décembre 2018 (loi n° 2018-727 du 10 août 2018)
- de la limitation à 3 mois de la durée du contrôle dans les entreprises de moins de 20 salariés et ce, que le contrôle s’effectue sur place ou sur pièces (CSS art L 243-13 dans sa version issue de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022).
- des modalités de réalisation des investigations sur support dématérialisé, notamment l’information et le droit de refus du cotisant, après que les précédentes mentions aient été annulées par le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat. 1ère et 4ème chambres réunies. 17 février 2023. n° 464155) (article R243-59-1 dans sa version issue du décret n° 2023-262 du 12 avril 2023)
- de l’absence de mise en conformité : en effet, s’il est constaté que l’employeur ne s’est pas mis en conformité avec les observations notifiées par l’URSSAF lors d’un précédent contrôle, il s’expose à une majoration de 10 % du montant du redressement. Cette majoration s’applique dès lors que les observations non respectées ont été notifiées moins de 6 ans avant la date de notification des nouvelles observations constatant le manquement aux mêmes obligations. Depuis le décret n° 2023-262 du 12 avril 2023, il est prévu que ce délai de 6 ans court, selon le cas, à compter soit de la date de la mise en demeure, soit de la date de réception des observations ne conduisant pas à redressement, mais appelant la personne contrôlée à une mise en conformité en vue des périodes postérieures aux exercices contrôlé
- de la majoration complémentaire qui ne sera pas due pour la période comprise entre la date de la fin de la période contradictoire et celle de l’envoi de la mise en demeure, dès lors que cet envoi est réalisé plus de 2 mois après la fin de la période contradictoire. Toutefois, tout principe connaît son lot d’exceptions. Cet arrêt ne sera pas accordé si la personne contrôlée fait l’objet d’une pénalité ou d’une majoration prévue en cas d’absence de mise en conformité (CSS art L243-7-6), de travail dissimulé (CSS art L243-7-7), d’abus de droit (CSS art L243-7-2) ou d’obstacle à contrôle (CSS art L243-12-1) au titre de la période contrôlée (décret n° 2023-262 du 12 avril 2023). Il s’agit ici d’une disposition logique qui entend ne pas faire subir au cotisant le retard de l’organisme de recouvrement dans sa notification de mise en demeure.
Qui plus est, la charte insiste sur l’importance de la mention, dans la lettre d’observations, de la liste des documents consultés pour pouvoir attester lors d’un contrôle ultérieur qu’un point a été vérifié par le passé et se prévaloir donc d’une décision implicite d’accord (CSS art R243-59-7). Le document rappelle qu’il est possible de demander à l’agent de contrôle d’amender la liste des documents vérifiés
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Deux dispositions sujettes à discussion
La première constitue une nouveauté puisqu’elle prévoit que le document indique qu’il revient au cotisant de désigner, en amont ou dès le démarrage du contrôle, des interlocuteurs (salariés de l’entreprise ou personnes mandatées) qui auront la capacité de transmettre les données utiles à l’agent chargé du contrôle pour l’exercice de ses missions. Cette affirmation fait suite à la jurisprudence qui considère qu’est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis par des salariés qui n’avaient pas le pouvoir d’engager l’entreprise : Cass civ.2°. 28 septembre 2023. pourvoi n° 21-21633 – Cass civ. 2°. 11 juillet 2013. pourvoi n° 12-17939 et 12-17940, Angers. Chambre sociale. 12 janvier 2016. RG n° 13/02416 – 13/02414). Ceci étant, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit une telle obligation pour le cotisant qui pourrait donc refuser une telle désignation.
La deuxième a trait à la modification de la procédure d’abus de droit. En effet, la Charte dispose : « au cours de cette phase [contradictoire], vous avez la faculté de vous faire assister par le conseil de votre choix. Avant l’expiration du délai initial de 30 jours, et à l’exclusion des situations où est mise en œuvre la procédure d’abus de droit ou en cas de constat des infractions de travail illégal, vous pouvez demander une prolongation de 30 jours de la durée de la période contradictoire. À défaut de réponse de l’organisme de recouvrement, la prolongation du délai est considérée comme acceptée. En l’absence de réponse de votre part à la lettre d’observations, la période contradictoire prend fin à l’issue du délai de 30 jours ou à l’issue des 60 jours si vous avez demandé et obtenu sa prolongation ». Or, le problème est que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, JO du 27 décembre 2023), prévoit l’inverse en matière d’abus de droit (article 5) suite à la suppression de l’impossibilité de demander une prolongation de la période contradictoire en cas de mise en œuvre de la procédure d’abus de droit. L’arrêté n’est donc pas conforme au décret. L’association Le Cercle Lafay a d’ores et déjà introduit un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler ce paragraphe de la Charte
Nous aurons donc l’occasion de reparler de cette Charte !