Point de vue : à propos de l’information à France Travail lorsque le salarié en CDD ou en Intérim refuse un CDI aux mêmes conditions

La loi « Marché du travail » (n° 2022-1598) du 21 décembre 2022 a inséré un nouvel article dans le Code du travail (L1243-11-1) prévoyant que lorsque l’employeur propose à un salarié en CDD, un CDI aux mêmes conditions et que ce dernier refuse la proposition qui lui est faite alors l’employeur doit informer France Travail.

Cependant il aura fallu plus d’un an pour voir l’entrée en vigueur de ce texte, faute de décret d’application. C’est à présent chose faite (décret n° 2023-1307 du 28 décembre 2023 et arrêté du 3 janvier 2024).

Point de vue : à propos de l’information à France Travail lorsque le salarié en CDD ou en Intérim refuse un CDI aux mêmes conditions
Loi "Marché du travail" : mise en place d'une nouvelle plateforme en ligne afin de dissuader de choisir la précarité plutôt que l'emploi.

Une plateforme pour déclarer les refus de CDI

En pratique, l’employeur qui proposerait un CDI aux mêmes conditions après un contrat précaire à un salarié qui refuserait ce dernier, se voit désormais dans l’obligation d’informer France Travail.

La méthode d’information retenue aurait pu être la création d’un code DSN du type « fin du CDD ou CTT – Refus de CDI aux mêmes conditions » mais le législateur en a décidé autrement.

C’est donc une nouvelle plateforme déclarative qui a vu le jour https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail sur laquelle l’employeur doit s’enregistrer et remplir un questionnaire de 4 pages. Il faudra compter une dizaine de minutes de remplissage.

Un objectif assumé : accompagner ceux qui en ont besoin et non ceux qui « profitent » des allocations

L’objectif de ce nouveau décret est assumé : dissuader les bénéficiaires des allocations qui pourraient travailler mais qui choisissent d’être précaires.

L’objectif repose tant sur une logique économique que sur une idée de justice sociale : l’accompagnement de l’Etat doit se concentrer sur ceux qui en ont besoin et non ceux qui profitent de la situation.

Dans un sondage publié par l’Institut Montaigne, il apparaît que plus d’un Français sur deux estime qu’il contribue davantage au système qu’il n’en bénéficie.

Cela signifie concrètement que la majorité des Français ne comprennent pas la redistribution faite des impôts qu’ils paient. Ce point est accentué par les communications médiatiques relayant le cas de fraudeurs se ventant de profiter du système, accentuant davantage les crispations.

L’objectif de France Travail (nouveau nom de Pôle Emploi) est clair également : son rôle est d’indemniser les pertes involontaires d’emploi. C’est même l’article 1er du règlement d’assurance chômage : « le régime d’assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé « allocation d’aide au retour à l’emploi », pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d’emploi ».

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Un texte qui risque de ne pas faire l’unanimité

Pourtant, lorsqu’on interroge les employeurs sur cette mesure, la plupart se montrent sceptiques.

En premier lieu car cela leur génère une charge de travail supplémentaire alors que leur mission initiale est de créer de la richesse et de l’emploi, pas de traquer les fraudeurs.

Ils ont également le sentiment d’un déport de responsabilité. En second lieu parce que les salariés qui refusent un CDI ne sont pas tous des fraudeurs. Certains ont accepté un CDD en attendant de trouver un emploi dans leur branche professionnelle et ce texte revient à pénaliser indirectement des gens qui auraient accepté de travailler, même temporairement, plutôt que de rester sans emploi.

D’autres employeurs pointent également du doigt le risque d’augmentation des contentieux. Si le salarié se voit privé de ressources, il risque d’être tenté de lui reprocher des manquements pour obtenir une indemnisation en justice.

Et, même si le contentieux n’aboutit pas, le temps perdu et les frais d’avocats ne seront jamais récupérés.

Enfin, c’est un aspect plus pratique qui guide la réflexion des employeurs sur le fond : s’ils constatent qu’un salarié précaire est peu motivé et qu’il préfère « profiter » des allocations France Travail, ils ne lui proposeront pas de CDI, en conséquence de quoi, le salarié en question pourra continuer à bénéficier de ses allocations sans être inquiété.

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