En fonction du bénéfice
Le bénéfice est l’indicateur de rentabilité le plus simple et le plus connu. C’est également le seul indicateur faisant l’objet d’un dispositif obligatoire ; la participation des salariés aux résultats de l’exercice. Créée en 1967 par le Général de Gaulle, elle est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés.
La réserve spéciale de participation
Pour rappel, la réserve spéciale de participation (RSP), qui constitue le niveau minimum à partager avec les salariés, est calculée selon une formule très spécifique :
RSP = 1/2 (B – 5%C) x S / VA
Avec B pour le bénéfice fiscal sous déduction de l’IS, C pour les capitaux propres, S pour les salaires au sens de la DSN et VA pour la valeur ajoutée.
Selon cette formule, le bénéfice est reversé sous déduction d’un autofinancement (5% des fonds propres, pour réinvestir) aux salariés en proportion de ce qu’ils participent à la création de la marge de l’entreprise.
Si la philosophie du dispositif semble vertueuse, il souffre néanmoins de plusieurs inconvénients. Il n’intègre que des agrégats financiers et se limite ainsi à la notion de performance financière. Un bénéfice ne résume pas à lui seul l’état de la situation financière de l’entreprise et sa performance. En outre, une entreprise ancienne, ayant beaucoup mis en réserve présentera des capitaux propres élevés, qui même multipliés par 5% peuvent, en déduction du bénéfice, aboutir à un montant négatif et donc à une participation nulle.
Hausse exceptionnelle du bénéfice
Sur ce point, la loi Partage de la valeur n’a apporté que peu de choses. Elle prévoit juste l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d’ouvrir une négociation au plus tard le 30 juin 2024 afin de mettre en place un dispositif de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle de leur bénéfice. Il appartient à l’accord d’entreprise de définir cette notion. Ce dispositif fait écho à la situation de certaines multinationales françaises ayant profité de l’inflation pour réaliser des bénéfices records.
Ça bouge dans les entreprises de moins de 50 salariés
La loi Partage de la valeur promulguée le 29 novembre 2023 fait évoluer les règles pour les entreprises de moins de 50 salariés. Elle prévoit une obligation de mise en place d’un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement ou PPV) pour les entreprises de 11 à 49 salariés lorsque sur 3 exercices consécutifs, le bénéfice net fiscal excède 1% du chiffre d’affaires. Le dispositif s’appliquera pour la première fois en 2025, si le bénéfice net fiscal excède 1% du chiffre d’affaires en 2022, 2023 et 2024.
En outre, la loi Partage de la valeur instaure également une expérimentation pendant 5 ans dans les entreprises de moins de 50 salariés, leur permettant d’instaurer de manière facultative, une participation selon une formule moins favorable que la formule légale.
En fonction d’indicateurs de performance
La notion de performance
Comme évoqué précédemment, la performance d’une entreprise ne peut se résumer à une performance financière. On considère généralement en contrôle de gestion, pour la réalisation de tableaux de bord que la performance dépend des leviers ou facteurs clés de succès suivants :
- la qualité (des produits, des services proposés)
- le respect des délais
- la quantité
- le coût évidemment
- le développement durable.
L’intéressement : une bonne idée…parfois complexe
Dès lors, l’idée est de bâtir un dispositif de partage en fonction d’une combinaison de différents indicateurs. L’intéressement répond évidemment à cet objectif. C’est même le plus ancien des dispositifs puisqu’il existe depuis 1959. Facultatif, il permet aux entreprises de verser une prime d’intéressement aux salariés en fonction de critères de performance. La formule ne doit pas conduire à un versement automatique annuel d’une prime. Sur le papier à nouveau, le dispositif semble positif en matière de partage de la valeur. Dans les faits, il dépend très largement des critères et des formules retenues dans l’accord d’entreprise. Des objectifs trop difficiles à atteindre peuvent conduire à une absence de versement pendant plusieurs années consécutives.
Il appartient ainsi aux délégués syndicaux et aux employeurs de s’entendre sur des niveaux proportionnés à la situation de l’entreprise. Ces accords peuvent être conclus pour une période comprise entre 1 an et 5 ans ce qui laisse la possibilité d’ajuster régulièrement l’accord.
Beaucoup d’accords prévoient le versement d’un pourcentage du résultat courant avant impôt si le taux de rentabilité des capitaux investis atteint un certain pourcentage et que plusieurs indicateurs de qualité (nombre d’accidents du travail, taux de retour produits, etc.) et de progression (taux de hausse du chiffre d’affaires par exemple) atteignent un certain niveau. Des accords trop complexes rendent ainsi la négociation assez compliquée pour les signataires et nécessitent l’analyse pour chaque critère des données passées et la définition de différents scénarios (optimistes, pessimistes et intermédiaires).
Un dispositif poussé par le Gouvernement
Pourtant, la loi Pacte du 22 mai 2019 a rendu le dispositif encore plus favorable. Les entreprises de moins de 250 salariés sont exonérées de forfait social sur les primes d’intéressement versées. Le décret n°2023-98 du 14 février 2023 simplifie en outre la mise en place des accords d’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés. La démarche peut s’effectuer entièrement en ligne à partir du site : https://www.mon-interessement.urssaf.fr/. On rappelle que la loi du 16 août 2022 permet désormais aux employeurs de moins de 50 salariés de mettre en place l’intéressement de manière unilatérale.
En fonction de la valeur de l’entreprise
La nouvelle PPVE
L’augmentation de la valeur de l’entreprise comme nouvel indicateur de partage avec les salariés. C’est l’une des grandes nouveautés de la loi Partage de la valeur. La prime de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE) peut désormais être mise en place de manière facultative par les entreprises. Le versement de cette prime est conditionné à une augmentation sur 3 ans de la valeur de l’entreprise.
Tout l’enjeu résidera dans l’accord d’entreprise dans la définition d’un taux de variation de cette valorisation sur 3 ans, appliqué à un montant de référence, également à négocier. Le montant pourra être modulé en fonction de la rémunération du salarié, de son niveau de qualification ou de la durée de travail.
La loi Partage de la valeur précise clairement la notion de valorisation pour les entreprises cotées (capitalisation boursière moyenne sur les 30 derniers jours de bourse précédant chacune des deux dates de début et de fin de la période de 3 ans), mais laisse aux entreprises non cotées le soin de définir par accord une formule de valorisation. La loi précise qu’elle pourra s’appuyer sur des comparaisons avec d’autres entreprises du même secteur. En l’absence de formule prévue ou si cette dernière est impossible à appliquer, la valorisation de l’entreprise sera égale au montant de l’actif net réévalué selon le bilan le plus récent.
Le dispositif bénéficie d’un cadre fiscal et social attractif :
- Exonération de cotisations sociales pour les primes versées en 2026, 2027 et 2028 (primes néanmoins soumises à CSG, CRDS et à une contribution patronale spécifique de 20%).
- Exonération d’impôt sur le revenu lorsque ces sommes sont placées sur un plan d’épargne salariale.
Intérêt du nouveau dispositif
L’intérêt principal du dispositif réside dans sa vision à moyen/long terme. Il ne se base pas sur un bénéfice ou une marge qui peuvent varier d’une année sur l’autre, mais sur la hausse de la valeur de l’entreprise. Elle permet davantage d’aligner les intérêts des salariés sur ceux des actionnaires, à l’image du dispositif des actions gratuites.
L’efficacité du dispositif dépendra surtout de la capacité des syndicats et des entreprises à s’entendre lors de la négociation sur un taux de progression adapté et sur un montant de référence suffisamment attractif.
Votre formation sur ce thème
CAPITALISATION EN ENTREPRISE : ÉPARGNE ET RETRAITE SUPPLÉMENTAIRE
2 jours – En présentiel ou à distance
- Examiner les mécanismes et l’intérêt de la capitalisation aidée par l’entreprise.
- Analyser les innovations et incitations post loi PACTE et loi de PPV.
- Choisir et utiliser des solutions de retraite, PPV, épargne salariale.
- Identifier les avantages fiscaux et sociaux et calculer les plafonds autorisés.
- Apprécier les principes de la gestion financière de la retraite.
En fonction… de la politique de redistribution de l’entreprise
PPV : le système le plus flexible qui soit
Mieux connue sous la dénomination de Prime Macron, la prime de partage de la valeur peut être versée par l’employeur aux salariés, en exonération de cotisations sociales. À la différence des dispositifs évoqués ci-dessus, il n’y a pas besoin de formule complexe. La plupart du temps, il s’agit d’une somme forfaitaire fixe identique pour chaque salarié. L’accord d’entreprise peut cependant la faire varier en fonction de la rémunération des salariés ou du temps de travail.
Cette solution semble la plus simple pour l’employeur avec une flexibilité totale. Elle est parfaitement comprise par les salariés. Dès lors, le plus simple pour l’employeur est d’attendre l’arrêté des comptes, en début d’exercice suivant, de prendre connaissance du bénéfice après imputation des dispositifs de partage déjà existants (participation, intéressement), et de juger s’il souhaite ou non verser un complément sous forme de PPV. Tout dépendra de la situation financière de l’entreprise, des menaces et opportunités qui pèsent sur l’avenir, de l’ambiance de travail, de la qualité du dialogue social et des relations avec les actionnaires (attente de dividendes).
PPV vs hausse des salaires
C’est finalement un dispositif sans stratégie de partage claire, et décidé en fonction des possibilités et du contexte à un moment donné. Elle est loin d’être toujours appréciée par les salariés, même lorsque son montant est élevé. Les salariés, surtout aux revenus modestes, préfèrent le plus souvent une revalorisation des salaires. Mais il n’y a aucune obligation de pérennité de la PPV, contrairement à une hausse des salaires.
Cette comparaison avec la hausse des salaires ne se pose pas avec les autres dispositifs dans la mesure où les formules ou paramètres sont fixés, actés par accord d’entreprise.
PPV : un dispositif qui reste attractif
Le dispositif peut en outre s’avérer généreux. La loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a triplé son plafond par rapport à l’ancien dispositif PEPA (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat). Les sommes versées sont exonérées de cotisations sociales pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 3 SMIC dans la limite de 3.000 € par salarié voire même 6.000 € dans certaines situations (existence d’un accord d’intéressement par exemple).
La loi Partage de la valeur est venue en outre accroître l’attractivité du dispositif :
- L’employeur peut désormais verser 2 PPV au titre d’une même année civile, avec la possibilité de fractionner le paiement en 4 fois.
- L’exonération d’impôt sur le revenu (IR) de ces primes, qui devait prendre fin au 31 décembre 2023 est finalement prorogée jusqu’en 2026, mais seulement pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Pour les autres entreprises, la seule façon de maintenir l’exonération d’IR est de placer les sommes dans un plan d’épargne salariale (PEE, PERECO, etc.)
Comment bâtir une politique salariale
Participation, intéressement, abondement au Plan d’épargne, PPV et désormais PPVE….comment bâtir une politique salariale attractive et compréhensible avec autant de dispositifs existants. C’est tout l’enjeu des prochaines négociations en la matière. Chaque outil peut suivre finalement son propre objectif :
- La participation est obligatoire et se calcule selon une formule légale qui dépend du bénéfice net fiscal
- L’intéressement doit être fixé en cohérence avec les véritables leviers de la performance de l’entreprise (qualité, rentabilité, innovation, progression de productivité, etc.)
- La nouvelle PPVE (prime de partage de la valorisation d’entreprise) devrait avoir sa propre logique sur une base de moyen terme (triennale) et basée sur l’augmentation de la valeur de l’entreprise au sens du marché et des actionnaires
- La PPV pourrait devenir une simple prime de complément en fonction du bénéfice restant après les 3 premiers dispositifs et en fonction de la politique salariale de la direction.
Synthèse
Dispositifs |
Indicateur |
Avantages |
Inconvénients |
Participation |
Bénéfice |
Simple |
Un seul critère purement financier |
Intéressement |
Indicateurs de performance |
Dispositif adapté sur les leviers de performance propre à l’entreprise |
Niveau des paramètres complexes à négocier |
PPV |
Montant forfaitaire |
Très simple |
Aucune stratégie claire de partage de la valeur |
Plan de partage de création de la valeur |
Valorisation de l’entreprise |
Dispositif basé sur la valeur à moyen / long terme |
Niveau des paramètres complexes à négocier |