Panorama des saisies sur salaires : définition, obligations à charge des employeurs et dernières nouveautés

A titre liminaire et en l’état du droit positif, on peut distinguer par commodité trois types de saisie : la saisie sur salaire, la cession sur salaire et le paiement direct de la pension alimentaire.

La saisie sur salaire est une procédure par laquelle un créancier demande à l’employeur de son débiteur de prélever directement la dette sur la rémunération de ce dernier.

Panorama des saisies sur salaires : définition, obligations à charge des employeurs et dernières nouveautés
Levée de voile sur les saisies sur salaires : entre complexité et nouvelles perspectives.

Il y a deux formes de saisie sur salaire, chacune nécessitant une gestion différente dans le traitement de la paie :

  • la saisie sur rémunération : dans ce cas, le créancier (ex : banque) sollicite le tribunal pour mettre en place une procédure de saisie sur rémunération en cas de non-paiement de la dette par le salarié. Le montant prélevé est ensuite envoyé au greffe du tribunal, qui reverse le montant dû par le salarié au créancier ;
  • la saisie administrative à tiers détenteur : cette forme de saisie sur salaire concerne les dettes publiques (ex : dettes fiscales ; amendes impayées ; frais hospitaliers ; etc.) et ne passe pas par le tribunal car le montant saisi est directement versé au comptable public.

Simple dans son principe, la saisie sur salaire est relativement complexe dans ses modalités d’application et ne peut faire abstraction des montants non saisissables. Elle fait peser de lourdes charges sur l’employeur.

Depuis plusieurs années, le droit des saisies est devenu plus favorable aux créanciers, notamment d’une pension alimentaire, et la procédure a été simplifiée dans ce cas, en particulier avec l’intervention des « Caisses d’allocations familiales » [CAF].

L’on verra enfin les changements qui seront apportés par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 « d’orientation et de programmation du ministère de la Justice [pour la période] 2023-2027 ».

1. La définition de la saisie sur salaire

Les textes relatifs aux saisies sur salaire sont prévus aux articles L. 3252-1 et suivants du Code du travail.

L’article L. 3252-1 pose les fondements : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient le montant et la nature de sa rémunération, la forme et la nature de son contrat. »

L’article L. 3252-2 tempère immédiatement ce principe en apportant des limites à ce qui peut faire l’objet d’une saisie : « Sous réserve des dispositions relatives aux pensions alimentaires prévues à l’article L. 3252-5, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d’un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les conditions dans lesquelles ces seuils et correctifs sont révisés en fonction de l’évolution des circonstances économiques ».

L’on trouve le pendant dans la partie réglementaire du Code du travail à l’article R. 3252-5 pour ce qui est de la somme laissée dans tous les cas à la disposition du salarié.

Les règles concernant la « fraction insaisissable » ont été modifiées par la loi de finances n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ainsi que par l’ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017.

Cette ordonnance a précisé que les normes régissant la « fraction insaisissable » – où il est tenu compte du « montant de la rémunération », de ses « accessoires », ainsi que de la « valeur des avantages en nature », après « déduction des cotisations et contributions sociales obligatoires et de la retenue à la source » – s’appliquent « aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019 ».

Il en va de même pour la « fraction insaisissable » égale au montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262-2 du Code de l’action sociale et des familles, article qui pose le principe de l’attribution du « Revenu de solidarité active » [RSA].

La fraction non saisissable est de 607,75 euros depuis le 1er avril 2023 pour une personne vivant seule et sans personne à charge.

Ce montant est révisé annuellement au 1er avril (Décret n° 2023-340 du 4 mai 2023 « portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active »).

2. La procédure de saisie

Un créancier est défini comme une personne – physique ou morale – qui peut faire constater sa créance (ex : le paiement d’une somme d’argent) et se prévaloir d’un titre exécutoire lui permettant d’obtenir le recouvrement forcé de celle-ci.

La créance doit être liquide et exigible (v. pour de plus amples développements, le « Code des procédures civiles d’exécution » et tout ce qui concerne les rapports entre créancier et débiteur, ainsi que les procédures d’injonction de payer, qui sont des domaines extrêmement vastes et complexes). Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui des pensions alimentaires non payées, mais il existe bien d’autres cas de figure différents.

En principe, il appartient au créancier de saisir le tribunal territorialement compétent eu égard au domicile du débiteur.

Cette saisine est opérée par le biais d’une « requête » qui contient une copie du titre exécutoire conférant au créancier le droit de recouvrer la somme qu’il exige.

La requête mentionne les informations suivantes :

  • l’identité et des informations sur le créancier ;
  • le nom (ou la dénomination s’il s’agit d’une personne morale) et la domiciliation de la personne contre laquelle la demande est formée ;
  • l’objet de la demande ;
  • le nom et l’adresse de l’employeur du débiteur ;
  • le décompte des montants réclamés, ainsi que des intérêts et des frais ;
  • des précisions sur les sommes saisies.

Cette requête est formée sur papier libre ou bien sur un formulaire CERFA (n° 15708).

Une procédure de conciliation existe, où le juge tente, par exemple, de prévoir des paiements partiels ou d’accorder des délais de paiement.

Lorsqu’un accord est fixé, un procès-verbal en consigne les modalités, ce qui évitera la saisie.

Si un accord n’est pas trouvé, un procès-verbal de non-conciliation est rédigé et il est statué sur le contentieux dans la foulée ou bien lors d’une audience ultérieure. Un acte de saisie est établi. On distingue selon que l’acte de saisie est exécutoire ou non.

Dans le cas où il l’est, le greffier du tribunal envoie un acte de saisie par lettre recommandée avec avis de réception à l’employeur du débiteur et en avise le débiteur par lettre simple.

Cet acte de saisie est envoyé dans les huit jours qui suivent la notification du jugement aux parties.

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3. Les obligations pesant sur les employeurs

L’objectif de la saisie sur salaire – également appelée saisie sur rémunération – est que l’employeur rembourse directement une partie de la dette du salarié en prélevant une fraction du salaire à la source.

L’employeur doit :

  • être informé par lettre recommandée avec avis de réception [LRAR] de l’acte de saisie puis, dans les quinze jours, informer en retour le tribunal de la nature du lien contractuel qui le lie au salarié (ex : CDI, CDD, intérim…), ainsi que des autres saisies en cours concernant ce salarié ;
  • accomplir ces formalités sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 10.000 euros, sachant qu’il peut aussi se voir aussi infliger des dommages et intérêts ;
  • notifier, dans un délai de huit jours, le tribunal de toute circonstance ou changement pouvant suspendre la saisie (ex : congé-maladie) ;
  • payer mensuellement la somme requise au greffe du tribunal ;
  • répondre au tribunal, mais non au créancier lui-même, sauf dans le cas d’une pension alimentaire, où un huissier (devenu « commissaire de justice ») peut s’adresser directement à l’entreprise ;
  • régler les sommes à la place du salarié (et être considéré comme personnellement débiteur) si les montants ne sont pas prélevés.

La rémunération du salarié peut être saisie pour une part seulement, car l’on ne tient pas compte des montants alloués à titre de remboursement de frais exposés par le travailleur et des allocations ou indemnités pour charges de famille.

Le ministère de la justice dispose d’un simulateur qui permet de calculer cela : https://www.justice.fr/simulateurs/saisies-remunerations/bareme

En tout état de cause, ainsi que cela a été vu précédemment, le montant correspondant au RSA ne peut pas être saisi.

En cas de pluralité d’employeurs, le greffe du tribunal détermine les retenues incombant à chacun.

 

A noter :

Pour les salariés démunis financièrement ou traversant un cap difficile, le Code du travail leur permet de demander à leur employeur un « acompte sur son salaire » (id est : sur le mois suivant), mais la disposition demeure méconnue et peu usitée.

Document sans nom

4. Les changements issus de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 « d’orientation et de programmation du ministère de la Justice [pour la période] 2023-2027 »

Publiée au « Journal officiel » du 21 novembre 2023, la loi prévoit notamment des dispositions sur les saisies qui entreront en vigueur au plus tard le 1er juillet 2025.

L’article 47 de la loi indique que l’objectif est d’harmoniser la procédure de saisie des rémunérations avec les autres procédures de saisie en la déjudiciarisant pour la rendre plus attractive, plus rapide et plus simple.

A cette fin, l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice est modifiée. Ainsi, la mise en œuvre de la saisie ne sera plus de la compétence du tribunal judiciaire mais des commissaires de justice (id est : profession née en 2022 de la fusion des fonctions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire).

Les dispositions relatives à la saisie sur salaire, ainsi que celles sur la cession des rémunérations, qui figurent aujourd’hui dans le Code du travail, sont transférées dans le Code des procédures civiles d’exécution (art. L. 212-1 et s.).

En revanche, les dispositions relatives à la protection du salaire, en particulier les fractions saisissables ou insaisissables, demeurent dans le Code du travail (art. L. 3251-1 et s.).

La loi crée un registre numérique des saisies des rémunérations mis en place par la « Chambre nationale des commissaires de justice » [CNCJ].

Ce traitement de données recensera les informations nécessaires à l’identification des commissaires de justice répartiteurs, des débiteurs saisis, des créanciers saisissants et des employeurs tiers saisis.

La nouvelle procédure sera initiée par le créancier auprès du commissaire de justice :

  • dans un premier temps, le commissaire de justice délivrera un commandement de payer, adressé au salarié débiteur, qui disposera alors d’un délai d’un mois pour payer la somme due, conclure un accord avec le créancier sur les modalités de paiement, ou contester la mesure devant le juge de l’exécution avec un effet suspensif ;
  • au-delà de ce délai, la mesure pourra encore être contestée, mais sans effet suspensif.

Ce commandement de payer sera inscrit au registre numérique des saisies des rémunérations.

Un mois minimum et trois mois maximum après le commandement de payer, le commissaire de justice adressera à l’employeur un procès-verbal de saisie.

Si le procès-verbal est signifié hors délai, le commandement sera caduc.

Le procès-verbal sera également inscrit au registre numérique des saisies des rémunérations.

L’employeur devra déclarer au commissaire de justice les informations suivantes :

  • situation de droit existant entre lui-même et le salarié débiteur ;
  • montant de la rémunération versée au débiteur ;
  • autres procédures de cession, saisie, saisie administrative à tiers détenteur ou paiement direct des pensions alimentaires en cours d’exécution.

L’employeur devra ensuite procéder au calcul de la retenue sur salaire selon des modalités qui restent inchangées.

Les sommes seront versées « mensuellement » au commissaire de justice répartiteur.

Ce commissaire de justice, désigné et formé par la « Chambre nationale des commissaires de justice », sera chargé de reverser les sommes au créancier saisissant et de répartir les fonds en cas de pluralité de créanciers.

Si l’employeur « s’abstient sans motif légitime » de déclarer les informations requises, ou s’il « fait une déclaration mensongère », il « peut être condamné par le juge, à la demande du créancier saisissant ou intervenant, au paiement d’une amende civile » d’un montant maximum de 10.000 euros et s’expose à devoir payer des dommages-intérêts.

S’il ne procède pas aux versements prévus, il peut être condamné au paiement des retenues qui auraient dû être opérées.

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