Partager la publication "Congés bonifiés : des précisions sur la notion de « centre des intérêts moraux et matériels de l’agent »"
Le régime des congés bonifiés permet aux agents publics concernés de bénéficier d’une prise en charge de leurs frais de voyage, pour se rendre sur le lieu de leur centre des intérêts moraux et matériels au titre de leurs congés pour une durée maximale de 31 jours consécutifs. Durant ce congé, les agents voient leur traitement majoré soit par l’indemnité de cherté de vie dans les départements d’outre-mer, soit par un coefficient de majoration dans les collectivités d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie pour prendre, notamment, en compte le coût de la vie dans les collectivités ultramarines.
Chaque versant de la fonction publique voit le régime des congés bonifiés réglementé par un décret particulier (2). Chacun de ces textes a été modifié par le décret n° 2020-851 du 2 juillet 2020, portant réforme des congés bonifiés dans la fonction publique (3).
Les conditions d’attribution des congés bonifiés
Un fonctionnaire titulaire ou un agent contractuel de droit public, bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée (CDI) relevant de la fonction publique de l’État, territoriale ou hospitalière, qui demande l’octroi d’un congé bonifié doit justifier du lieu d’implantation du centre de ses intérêts moraux et matériels. Ainsi, lorsqu’un agent bénéficie d’un tel congé bonifié, celui-ci est pris dans la collectivité où se situe le centre de ses intérêts moraux et matériels.
L’agent demandeur peut apporter la preuve de cette déclaration par tous moyens, en plus des pièces mentionnées dans le tableau ci-après.
L’agent qui demande à bénéficier d’un congé bonifié doit donc justifier du lieu d’implantation du centre de ses intérêts moraux et matériels (CIMM). La localisation du CIMM s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices, à partir de la liste des critères suivante, non exhaustive, conformément à la circulaire du 2 août 2023, précitée, il s’agit :
- du lieu de naissance de l’agent ;
- du lieu de naissance des enfants ;
- du lieu de résidence avant l’entrée dans l’administration ;
- du lieu de résidence des père et mère ou, à défaut, des parents les plus proches (grands-parents, frères, sœurs, enfants) ;
- du lieu de résidence des membres de la famille de l’agent (notamment grands-parents, frères, sœurs, enfants), leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
- le cas échéant, du lieu de sépulture des parents les plus proches ;
- du lieu d’implantation des biens fonciers dont l’agent est propriétaire ou locataire ;
- du lieu où l’agent est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
- de la commune où l’agent s’acquitte de certains impôts, en particulier l’impôt foncier ou l’impôt sur le revenu ;
- du lieu d’inscription de l’agent sur les listes électorales ;
- des études effectuées sur le territoire considéré par l’agent et/ ou ses enfants ;
- des affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé l’affectation actuelle ;
- de la fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
- ou encore de la durée des séjours dans le territoire considéré ;
- de la fréquence des demandes de mutation vers le territoire considéré ;
- ou du bénéfice antérieur d’un congé bonifié.
La circulaire du 2 août 2023, précitée, indique que le CIMM ne peut être déterminé sur la base d’un seul des critères mentionnés ci-dessus, aucun d’eux ne pouvant par ailleurs être individuellement considéré comme obligatoire. En effet, ces critères n’ont pas de caractère exhaustif et n’ont pas nécessairement un caractère cumulatif. Plusieurs d’entre eux qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner, sous le contrôle de la juridiction compétente, selon les circonstances propres à chaque situation (4).
L’agent doit donc démontrer la réalité du CIMM sur la base d’un faisceau d’au moins deux critères.
En outre, le bénéfice antérieur de congés bonifiés peut être invoqué comme un critère complémentaire, mais il ne suffit pas, par lui-même, à qualifier le CIMM (5).
Le juge administratif a, également, ajouté à ces critères celui de la localisation du CIMM du conjoint ou partenaire au sein d’un pacte civil de solidarité (6).
Par ailleurs, l’administration doit procéder à un examen d’ensemble de la situation de l’agent, sans qu’aucun critère déterminé à l’avance ne puisse se voir reconnaître un caractère exclusif. A, ainsi, été jugé illégal le refus du bénéfice d’un congé bonifié à un agent, exclusivement fondé sur le motif que l’intéressé n’a pas effectué sa scolarité sur le territoire d’outre-mer considéré (7).
Enfin, la localisation du CIMM doit être appréciée à la date de la décision prise sur chaque demande (8).
En outre, à titre indicatif, ladite circulaire précise deux nouveaux principes applicables dans la fonction publique de l’État : un principe de portabilité (préservation de la reconnaissance du CIMM en cas de mobilité) et un principe de conservation du bénéfice du CIMM pour chaque nouvelle demande (lorsqu’au moins trois critères dits « irréversibles » ont été reconnus).
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Le principe de conservation du bénéfice du CIMM, sous conditions
Lorsque le CIMM a été reconnu au titre d’au moins trois critères « irréversibles », c’est-à-dire reposant sur des circonstances par nature non susceptibles d’évoluer dans le temps et suffisant de ce fait, dès lors qu’elles sont identifiées, à qualifier une fois pour toutes le lien des intérêts matériels et moraux d’un agent avec une collectivité ou un territoire donné, son bénéfice est conservé pour chaque nouvelle demande concernant la même collectivité ou le même territoire, sans limitation de durée.
Sont, notamment, considérés comme « irréversibles », les critères suivants :
- le lieu de naissance de l’agent ;
- le lieu de naissance des enfants ;
- le lieu de sépulture des parents les plus proches ;
- les études effectuées sur le territoire considéré par l’agent et/ou ses enfants ;
- le lieu de résidence avant l’entrée dans l’administration ;
- le lieu de naissance des ascendants.
Dans les autres cas, lorsque les critères invoqués traduisent des circonstances ou situations qui peuvent fluctuer au cours du temps leur vérification doit pouvoir être effectuée pour de nouvelles demandes au cours de la carrière de l’agent concerné.
Enfin, il appartient à l’agent de déclarer sur l’honneur, à l’occasion d’une nouvelle demande de congé bonifié ou de mobilité, que sa situation est restée inchangée et à l’inverse de produire tous les éléments nouveaux permettant de confirmer la reconnaissance du CIMM. Des vérifications peuvent être effectuée par l’administration afin de s’assurer que les critères sont toujours effectifs.
Critères |
Documents à fournir |
Lieu de naissance |
Photocopie de la carte d’identité justifiant le lieu de naissance ou extrait d’acte de naissance de moins de trois mois ; photocopie du livret de famille |
Lieu de résidence avant l’entrée dans l’administration |
Quittance de loyer, EDF. |
Lieu de résidence des parents proches : père, mère, grands-parents, frères et sœurs, enfants |
Justificatif de domicile ou certificat ou attestation de résidence en original établi(e) par la mairie. |
Scolarité obligatoire |
Certificat de scolarité ou attestation ou copie du diplôme |
Biens fonciers en propriété ou en location au lieu du congé |
Photocopie de l’avis d’imposition de l’administration fiscale (taxe foncière, taxe d’habitation), acte de propriété ou contrat de location… |
Biens matériels et intérêts moraux |
Toutes autres pièces attestant la matérialité du centre des intérêts matériels et moraux. |
Références :
- Circulaire du 2 août 2023, « relative à la mise en œuvre des critères liés aux centres des intérêts matériels et moraux (CIMM) pour la prise en compte des congés bonifiés dans les trois fonctions publiques et pour la mobilité des fonctionnaires de l’État dans les territoires d’outre-mer » (NOR : TFPF2320324C) ;
- Décret n° 78-399 du 20 mars 1978 modifié, relatif à la prise en charge des frais de voyage du congé bonifié accordé aux magistrats, aux fonctionnaires civils de l’État et aux agents publics de l’État recrutés en contrat à durée indéterminée ; décret n° 88-168 du 15 février 1988 modifié, pris pour l’application des dispositions du 1° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifié, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; et décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 modifié, relatif au congé bonifié des fonctionnaires hospitaliers ;
- Lire sur ce blog : « La réforme des congés bonifiés des agents publics ultramarins », publié le 13 juillet 2020 ;
- CE, avis, 7 avril 1981, n° 328510 ; et CE, 22 février 2012, M. Etienne A., requête n° 315612 ;
- CAA Paris, 15 octobre 1996, Mme X., requête n° 95PA02907 ;
- CE, 27 mars 2013, M. A., requête n° 354426 ;
- CAA Paris, 4 novembre 2003, Centre national de la fonction publique territoriale, requête n° 02PA01115 ;
- CE, 30 juin 2010, Mme B., requête n° 304456.