Partager la publication "Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, que dit le texte ?"
Alors que la situation était proche de l’équilibre en 2019, la crise sanitaire et la politique du « quoi qu’il en coûte » a aggravé considérablement les déficits des régimes de sécurité sociale. Si la situation s’est améliorée à partir de 2021 grâce à la reprise économique, la situation reste préoccupante.
Le texte comprend une série de mesures visant à assurer la soutenabilité de notre système de protection sociale tout en cherchant des solutions pour améliorer/renforcer la couverture des assurés. Il poursuit ainsi deux objectifs :
- Assurer la pérennité du modèle social, en poursuivant la transformation du système et en continuant de garantir sa résilience et sa soutenabilité ;
- Continuer la modernisation du modèle de protection sociale au service de la santé, des retraites, et de la solidarité.
Malgré une nette amélioration, les déficits devraient repartir à la hausse dès 2024
Après un épisode « Covid » compliqué, la reprise économique a généré un écart positif entre l’évolution des produits et celle des charges, cumulée à une réduction des dépenses « exceptionnelles » pour faire face à l’épidémie.
En 2023, la progression s’est confirmée malgré un contexte moins favorable lié cette fois à la guerre en Ukraine et des mesures nouvelles de revalorisation salariales et de prestations sociales qui ont pesé sur les dépenses. La dynamique s’est confirmée en 2023 avec un déficit qui se réduit à nouveau pour atteindre -8,8 Mds€ (contre -39,7 Mds€ en 2020).
Les dernières projections sur 2024 semblent indiquer que cela ne devrait pas durer, avec une nouvelle dégradation du solde financier du au ralentissement de la masse salariale et du rendement des impôts et taxes affectées à la sécurité sociale. La contractation de l’économie devrait se poursuivre et continuer de creuser le déficit, qui atteindrait -17,5 Mds€ à horizon 2027.
L’essentiel du déficit sera porté par les branches maladie et vieillesse :
Pour la branche maladie le déficit (-9.5 Mds€ pour 2023 ; -9.8 pour 2027) est logiquement porté par le poids des dépenses pérennes post Covid ainsi que la dynamique du versement des indemnités journalières maladie qui n’a jamais retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire.
Pour la branche vieillesse, la situation est plus surprenante. Malgré le déploiement progressif de la réforme des retraites censée permettre un retour à l’équilibre du système de retraite d’ici 2030, les projections traduisent une forte hausse du déficit de la branche vieillesse : de -1.9 Mds € en 2023) à -13.6 Mds en 2027, porté pour partie par les effets démographiques du vieillissement (augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite) et par de moindres recettes qu’anticipé.
Les autres branches parviennent globalement à maîtriser leurs dépenses et conserver un solde positif :
La toute récente branche autonomie devrait conclure l’exercice 2023 déficitaire à -1,1 milliard d’euros à la suite d’une augmentation des dépenses (essentiellement des revalorisations salariales concédées pour le secteur), mais elle renouerait dès 2024 avec les excédents (+1,3 Md€) grâce au bénéficie d’une fraction de CSG augmentée de 0,15 point supplémentaire de la part de la CADES. Les mesures annoncées de création de 50 000 postes en EHPAD notamment pèseront sur les dépenses ramenant ainsi la branche tout juste à l’équilibre à horizon 2027.
La branche accident du travail/maladie professionnelle devrait rester excédentaire à moyen terme (+1,7 Md€ en 2023 ; +1,1 Md€ en 2027) malgré une baisse du niveau des cotisations au profit de la branche vieillesse et une augmentation des dépenses liées à la prévention et réparation de l’usure professionnelle à la suite de la dernière réforme des retraites.
Enfin, la branche famille est et devrait restée également excédentaire malgré le transfert à sa charge de la part du congé maternité postnatal depuis la branche maladie et diverses mesures axées vers la petite enfance. De +1 Md€ en 2023 le résultat de la branche devrait s’établir à +1,7 Md€ en 2027.
Présentation des principales mesures du texte, plutôt axées sur la santé et les solidarités collectives
Prévention et accès aux soins
Pour faire face aux ruptures d’approvisionnement, le texte prévoit la généralisation de la délivrance à l’unité des médicaments par les pharmaciens d’officine.
Il sera également possible désormais de limiter ou interdire la prescription en téléconsultation de certains médicaments concernés, en particulier les antibiotiques.
Le rôle des pharmaciens est renforcé sur certaines pathologies (angines, cystites) : ils seront autorisés à dispenser sans ordonnance des antibiotiques après la réalisation d’un test pour confirmer l’origine bactérienne de la maladie.
Il ne sera désormais plus possible de délivrer un arrêt maladie pour une durée supérieure à 3 jours en téléconsultation, ni de faire renouveler l’arrêt à deux exceptions près :
- Les prescriptions réalisées par le médecin traitant ;
- Et si le patient justifie d’une impossibilité d’obtenir une consultation en présentiel.
Par ailleurs le texte prévoit de renforcer les capacités de contrôle de l’Assurance maladie et des employeurs. Le cas échéant il sera possible d’accentuer les sanctions en cas d’arrêt de travail qui ne serait pas, ou plus, médicalement justifié : suspendu automatiquement du versement des indemnités dès lors que le rapport du médecin contrôleur, mandaté par l’employeur, conclut au caractère injustifié d’un arrêt maladie. Les assurés concernés disposeront d’un recours devant le service médical.
Les protections menstruelles réutilisables seront désormais remboursées pour les assurées de moins de 26 ans et pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S) sans limite d’âge.
La prise en charge se répartira comme suit : 60 % par l’Assurance maladie, le reste par les organismes complémentaires. Les bénéficiaires de la C2S seront pris en charge à 100 %.
Cela fait aussi écho avec les récentes propositions de loi sur le sujet.
De nombreux bénéficiaires de minima sociaux qui pourraient bénéficier de la C2S (gratuite ou payante selon les ressources) ne recourent pas à ce dispositif souvent par manque d’information.
Il est proposé d’instaurer une présomption de droit à la C2S pour les bénéficiaires de plusieurs prestations :
- L’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
- L’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ;
- L’allocation de solidarité spécifique (ASS) ;
- Et l’allocation du contrat d’engagement jeune (ACEJ).
Dans la continuité des mesures exceptionnelles mises en place en 2022, le texte prévoit le financement de mesures permettant d’améliorer la rémunération du personnel médical et non médical (indemnités de garde, nuit, week-end, etc.).
Prise en charge de la perte d’autonomie
Le projet de loi prévoit la création de 25 000 nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), ainsi que le financement d’une augmentation du nombre de professionnels exerçant en EHPAD (objectif 50 000 ETP supplémentaires d’ici 2030, 6 000 dès 2024).
Afin de poursuivre le « virage domiciliaire » entamé en 2021, les personnes âgées bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pourront se voir proposer jusqu’à deux heures de soutien supplémentaire à domicile consacrées à la création de lien social, afin de lutter contre l’isolement, mieux prévenir la perte d’autonomie et repérer les fragilités.
A noter qu’en parallèle de l’examen du PLFSS 2024, Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, et Fadila Khattabi, ministre déléguée aux Personnes handicapées, ont présenté une nouvelle stratégie nationale de mobilisation et de soutien 2023-2027 pour les aidants.
Renforcer la politique du handicap
Le texte prévoit la création d’un service de repérage, de diagnostic et d’accompagnement précoce pour toutes les situations de handicap. Il serait destiné à tous les enfants de moins de 6 ans, quels que soient leurs handicaps ou suspicions de handicaps, en créant un parcours de bilan, de diagnostic et d’intervention afin de permettre une meilleure prise en charge et un renforcement de la coordination entre les structures existantes dans le domaine.
Tirer les conséquences des dernières réforme retraite et assurance chômage
- Suppression du transfert de recouvrement des cotisations par l’AGIRC-ARRCO vers les URSSAF, une demande forte des partenaires sociaux qui souhaitaient conserve leur autonomie de gestion sur le régime de retraite complémentaire des salariés du secteur privé.
- Mise en œuvre de la suppression progressive des régimes spéciaux prévue par la loi du 4 avril 2023 et création d’un « tuyau budgétaire » permettant par la voie d’une convention négociée avec les partenaires sociaux de mettre en œuvre une contribution de l’AGIR-ARRCO « au titre de la solidarité financière du système de retraite » afin de transférer au Régime général une partie des gains engendrés par le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
- Mise en place d’une compensation partielle des exonérations de cotisations-chômage sur les bas salaires pour récupérer une partie des excédents générés par l’assurance chômage à la suite des différentes réformes conduites depuis 2018. Cette compensation pourrait atteindre 2 Mds€, affectés ensuite au financement des politiques du marché de l’emploi.
Votre formation sur ce thème
ACTUALITÉS PRESTATIONS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
1 jour – En présentiel ou à distance
- Analyser les dernières modifications intervenues dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
- Évaluer les incidences de ces modifications sur ses pratiques RH.
- Analyser les changements sur les différentes indemnités journalières : maladie, temps partiel thérapeutique, maternité, accident du travail.
- Répondre aux questions des salariés sur leurs droits aux indemnités journalières.
Lutter contre la fraude fiscale
- Constant d’une sous-déclaration importante notamment au niveau des travailleurs indépendants qui entraîne à la fois un manque à gagner pour la Sécurité sociale et un impact sur les droits sociaux des assurés.
Le texte prévoit plusieurs mesures de lutte contre la fraude dont :
- Améliorer le circuit de paiement des cotisations des travailleurs de plateformes ;
- Création d’un guichet de régularisation à destination des micro-entrepreneurs ;
- Possibilité pour l’Assurance maladie de réclamer à un professionnel de santé coupable de fraude le remboursement, en plus des sommes qui lui ont été versées par la caisse, des cotisations sociales qu’elle a payées directement à l’URSSAF pour son compte.
Pour aller plus loin : https://presse.economie.gouv.fr/27092023-dp-projet-de-loi-de-financement-de-la-securite-sociale-pour-2024/