Partager la publication "Gestion du retour d’un salarié en burn-out : 7 erreurs à ne pas commettre !"
Qu’est-ce que le burn-out ?
Le syndrome d’épuisement professionnel, également dénommé burn-out ne fait pas l’objet d’une définition unique et reconnue par l’ensemble des spécialistes. On peut citer néanmoins l’Organisation Mondiale de la Santé qui définit l’épuisement professionnel ou burn-out comme « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail » ou encore le psychologue du travail Wilmar Schaufeli qui traduit le burn-out « comme un épuisement physique, émotionnel et mental résultant d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel ».
Pourquoi le burn-out est-il de plus en plus courant ?
Le terme « burn-out » est entré dans le vocabulaire courant, il est encore tabou chez certaines personnes. Cependant, il permet à d’autres d’exprimer un moment down de leur vie (sans forcément qu’il soit lié à une cause professionnelle).
Les spécialistes en psychologie expliquent l’augmentation de ce processus par la succession des crises depuis la pandémie Covid.
Cependant restons prudent sur les chiffres ! Nous ne retrouvons pas les mêmes données selon les sources.
Selon une enquête de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), 34% des salariés français seraient en burn-out, dont 13% en burn-out qualifié de « sévère », soit plus de 2,5 millions de personnes.
Mais pour l’Institut de veille sanitaire, 480 000 personnes en France seraient en détresse psychologique au travail et, parmi celles-ci, le burn-out en concernerait 7%, soit 30 000 personnes sur le territoire français.
A notre échelle, selon les points communs des récits entendus lors de nos accompagnements à la reprise du travail, trois notions sur la fréquence peuvent aider sa compréhension :
1. Le burn-out est l’aboutissement d’un long processus d’effort.
En effet des semaines, voire de nombreux mois de stress sont souvent décrits avant la description du phénomène typique du burn-out : l’impossibilité physique d’aller au travail. Cette incapacité est souvent décrite avec ces mots « je n’arrivais plus à me lever le matin… mon corps était sans jus… » ou comme nous le décrit Michel, « J’étais en plein Comex, je me suis levé pour prendre la parole devant mes collègues et je me suis effondré… J’ai repris connaissance 48 heures après mon hospitalisation ».
De nombreux actifs sont sur le chemin de l’épuisement du travail. Heureusement, pour beaucoup d’entre eux, ils n’iront pas jusqu’au bout de la spirale et du paroxysme de la rupture grâce à la prescription d’un arrêt de travail par un médecin.
2.Les traits de personnalité sont des éléments prédictifs du cercle vicieux de l’épuisement professionnel.
Les bénéficiaires de nos accompagnements au retour au travail après un arrêt longue durée pour épuisement professionnel ont des traits de caractère communs. Ils sont organisés, logiques, et très impliqués dans leur travail. Souvent motivés par le travail bien fait, ils se sentent aussi coupables de ne pas le mener à terme.
De ce fait, ils sont reconnus comme des personne compétentes.
Dans des contextes difficiles ils répondent souvent présents.
Marie témoigne « J’étais le seule à savoir faire ces tâches, c’est très spécifique … quand je suis en congés, une collègue me remplace sur 30% de l’activité…. Et je récupère tout le reste à mon retour. C’est pour cela que je ne prends jamais plus de 10 jours de congés à la suite… ».
3. Le contexte professionnel est le troisième élément influençant la prévalence du burn-out.
Il y a quelques années, certaines professions étaient plus touchées. C’est le cas notamment des métiers demandant un engagement permanent ; le personnel médico-social est d’ailleurs à l’origine du terme « burn-out » ( initié par le personnel des centres de soin en addictologie). Citons aussi les agriculteurs exploitants, les cadres, les professeurs…
Aujourd’hui, les professionnels des ressources humaines et les managers de proximité se révèlent eux-aussi particulièrement concernés : 63% pour les premiers et 38 % des managers se trouvent en situation de burn-out en 2022, d’après le 9ème baromètre du Cabinet empreinte Humaine et opinionWay d’octobre dernier.
Ils sont au cœur de la gestion de la détresse psychologique des salariés. Ils subissent les changements incessants et les enjeux associés. Les conséquences des différentes crises successives (sanitaire, d’approvisionnement, l’inflation, la crise énergétique…) s’ajoutent à leur détresse psychologique.
Le re-onboarding du salarié après un burn-out
Réussir le retour au travail d’un salarié absent à cause d’un épuisement dû au travail nécessite des précautions, voici erreurs à ne pas commettre :
1. Garder un lien avec le collaborateur
Pour d’autres motifs d’arrêts, nous conseillons de garder le lien au maximum avec le salarié absent car c’est un élément clef pour faciliter ensuite son retour au poste de travail. Cependant, c’est l’inverse dans la situation de l’épuisement professionnel : il faut prendre acte que la personne n’arrive plus à « décrocher » de son travail. D’ailleurs les médecins vont lui ordonner de couper toutes les relations avec le volet professionnel : cette prescription fait partie du traitement du burn-out.
Certains patients peuvent avoir du mal à s’y tenir, et nous observons alors que le processus de guérison est plus long dans ces cas-là.
Ainsi, pour anticiper le retour dans un bon climat, il faut accepter de ne plus donner aucune information sur le travail, comme dans une situation « sevrage ».
Hélène se rappelle : « Au début de mon arrêt, je disais à mes collègues de reporter tous mes rendez-vous de 15 jours. …puis encore 15 jours…. Je ne me reconnaissais pas, je faisais que 2 choses : je dormais et je répondais à mes mails, sans m’en souvenir… »
2. Le faire revenir vite
Quelle durée d’arrêt est normale pour un épuisement professionnel ?
Du côté de l’absent comme de son employeur chacun aimerait connaître la durée de l’absence. L’aléa de santé est une « tuile » dans un quotidien où l’imprévu a peu de place. En cas d’arrêt de travail soudain, nous cherchons tous à prévoir la suite, nous voulons vite retrouver la situation « comme avant ».
« On a besoin de toi… », « c’est la panade sans toi…» « On ne sait pas comment faire avec ce dossier »
Pour autant, dans cette situation de burn-out, il faut prévoir un arrêt de longue durée.
Même si les premiers arrêts sont de 15 jours ou de 3 semaines, l’épuisé est souvent dans le déni de son état et il croit qu’un repos de courte durée va suffire à recharger les batteries et à redémarrer. Pourtant, les différentes enquêtes sur le burn-out estiment la durée de l’arrêt entre 12 et 18 mois. De notre côté, en quatre ans d’expérience d’accompagnement du retour au travail après un épuisement professionnel nous observons une moyenne de durée d’absence de 14 mois.
Donc patience, d’autant qu’il s’agit de personnes très attachées à leur travail.
3. Penser que la cause n’est pas que professionnelle
« Le médecin lui a dit je vous arrête, les symptômes décrits sont ceux d’un épuisement professionnel » ; très fréquemment cette phrase est complétée par « mais il n’y a pas que le travail, à priori au niveau personnel … »
Bien évidemment lorsque la relation à l’activité professionnelle provoque émotionnellement, psychologiquement et physiquement des troubles, ces derniers vont aussi perturber la situation personnelle et impacter le phénomène de cercle vicieux. Pour autant, l’origine reste professionnelle.
Est-ce à cause du terme professionnel accolé à épuisement et de la responsabilité légale de protection de la santé des collaborateurs par l’employeur que lorsqu’un.e collaborateut.trice envoie un arrêt de travail, l’entreprise cherche à se défendre avec des motifs de la vie privée ?
Il faut pourtant acter l’origine professionnelle du syndrome pour mieux le soigner et prévenir le risque d’une rechute.
4. Ne pas reconnaître ses torts
Aucun salarié épuisé et aucun employeur n’ont intérêt à provoquer cet arrêt pour épuisement. Cependant le salarié comme l’employeur sont responsables de ne pas avoir dit ou de ne pas avoir entendu les difficultés / efforts vécus sur du long terme.
Un exemple : quand Marie dit à son manager « là, je n’en peux plus, je compte les jours avant mes vacances », il lui répond « tu veux que je te soulage, et que je délègue un ou deux dossiers au petit nouveau…» Elle lui rétorque «Non je préfère les terminer , ça va le faire. »
Dans ce dialogue, on voit bien la co-responsabilité du processus.
Nous pensons qu’il est intéressant de faire la distinction entre l’intention et la responsabilité. Car il y a rarement de mauvaises intentions ; en revanche, il y a une co-responsabilité.
5. Ne rien changer à l’organisation ou à la responsabilité du travail
« Les mêmes causes produisent les mêmes effets »
Si rien ne change (même charge de travail, même organisation et process de tâches, …) la reprise est vouée à une rechute. Il est observé que la moitié des personnes ayant souffert d’un burn-out craignent de rechuter. A raison, puisqu’une personne sur quatre fait effectivement une rechute après avoir été réintégrée (enquête de l’Antwerp Management School – AMS et Mesura, Belgique 2022). D’ailleurs, le remplacement et/ou le travail dispatché entre collègues pendant l’absence peut permettre de se rendre compte de la charge de travail de la personne ou d’une optimisation possible de l’organisation.
Par exemple, dans une des situations accompagnées de retour au travail après un épuisement professionnel, nous avons appris que la personne absente avait été remplacée par 2 ETP (équivalent temps plein) : le supérieur hiérarchique avait pris conscience de la différence existante entre les tâches prescrites et les tâches réalisées.
6. Imaginer qu’à la reprise la personne sera la même qu’avant
Un arrêt de longue durée comme celui d’un épuisement professionnel provoque des changements. La personne suit souvent une psychothérapie durant l’arrêt maladie pour comprendre les mécanismes mis en place qui l’ont entraîné vers le cercle vicieux du sur-engagement. Certains vont effectuer un bilan de compétences afin de mieux se connaître et de redéfinir une trajectoire professionnelle.
Ce développement personnel et le travail réflexif sur l’avenir au travail peut engendrer aussi quelque fois une envie de changer de poste de travail.
Et dans le cas d’un burn-out sévère, des séquelles cognitives peuvent empêcher le reprise des missions initiales.
Nous préconisons pour réussir le retour au travail, un changement permettant un équilibre vie professionnelle et vie personnelle.
Il est donc important de prendre acte de ces changements et d’en tenir compte.
7. Challenger les résultats individuels
Les salariés qui ont traversé un burn-out ont un point commun : ils voient leur rapport au travail se modifier. L’équilibre ambition/moyen se détériore. Ils s’engagent dans une nouvelle quête de temps « qualitatif » individuel. L’organisation qui ne cesse de courir toujours plus vite ne les intéresse plus.
Pourtant, en dépit ou par crainte de ne plus être accepté après son arrêt maladie, le salarié se remet spontanément une pression face aux demandes formulées par sa hiérarchie. Donc poser au retour une contrainte de résultats ou de minutage serait une maladresse qui risque d’entraîner une rechute : dans cette phase de reprise du travail et donc de reconstruction de l’identité professionnelle, ressentir du stress au travail, c’est immédiatement porter à nouveau atteinte à la santé mentale et physique.
D’une manière générale, de nombreuses entreprises ont compris que le stress coûtait cher. Le stress chronique a des impacts sur l’ambiance au travail et sur le turnover. De plus en plus d’entreprises investissent dans la prévention pour éviter le risque de subir les conséquences d’un épuisement professionnel et la perte de talents qui en découlent.
Pour conserver ses talents, il faut éviter de les heurter. Choisir un interlocuteur indépendant de l’entreprise, neutre et impartial est la meilleure solution pour accompagner salariés et managers, et, ainsi, réussir le re-onboarding après un burn-out.