Allocations chômage : sous quelles conditions un agent public y a-t-il droit ?

L’article L. 5424-1 du code du travail prévoit que :

« Ont droit à une allocation d'assurance, lorsque leur privation d'emploi est involontaire ou assimilée à une privation involontaire ou en cas de cessation d'un commun accord de leur relation de travail avec leur employeur, et lorsqu'ils satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure, dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 [ du code du travail] :

  1. Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ;
  2. Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l’État et ceux mentionnés au 4° ainsi que les agents non statutaires des groupements d'intérêt public ; (…) ».

Sont donc concernés : les fonctionnaires titulaires et stagiaires, ainsi que les agents contractuels de droit public, qu’ils aient bénéficié d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée.

Les conditions d’indemnisation sont les mêmes que celle qui bénéficient aux salariés de droit privé. Ces conditions sont précisées par le décret n° 2020-741 du 16 juin 2020, relatif au régime particulier d'assurance chômage applicable à certains agents publics et salariés du secteur public. Ce texte vient en complément du décret n° 2019-797 du 26 juillet 201,9 relatif au régime d'assurance chômage.

Sous quelles conditions un agent public a-t-il droit aux allocations chômage ?
Sous quelles conditions un agent public a-t-il droit aux allocations chômage ?

Qui verse les allocations chômage ?

S’agissant des fonctionnaires (qu’ils soient titulaires ou stagiaires), ce sont les administrations elles-mêmes qui doivent effectuer le versement, sur la base des dispositions applicables aux salariés de droit privé.

En ce qui concerne les agents contractuels de droit public, soit les administrations décident d’adhérer à l’Assedic et dans ce cas, à l’instar des entreprises privées, elles cotissent et leurs agents contractuels, en cas, de privation involontaire d’emploi sont indemnisés par les agents Pôle Emploi directement.

Soit, ces administrations adoptent un régime d’auto-assurance et dans ce cas elles indemnisent elles-mêmes leurs agents contractuels, de la même façon que pour les fonctionnaires involontairement privés d’emplois.

Quels sont les cas de perte involontaire d’emploi ?

L’article 2 du décret du 16 juin 2020, précité, dresse la liste des cas dans lesquels un agent public est considéré comme ayant été involontairement privé d’emploi par son administration.

En premier lieu, sont considérés comme ayant été involontairement privés d’emploi, les agents radiés d’office des cadres ou licenciés pour tout motif.

Cependant,sont expressément exclus de cette définition, par l’article 2, précité :

  • les agents radiés ou licenciés pour abandon de poste ;
  • ainsi, que, dans la fonction publique territoriale, les fonctionnaires optant pour la perte de la qualité de fonctionnaire, consécutivement à une fin de détachement sur emploi fonctionnel (1).

Sont donc considérées par la jurisprudence, comme une perte involontaire d’emploi, les situations suivantes :

  • la révocation ou la mise à la retraite d’office pour motif disciplinaire (2) ;
  • la radiation des cadres consécutivement à la perte d’une condition générale d’accès à la fonction publique, les droits civiques, notamment (3) ;
  • le licenciement d’un agent contractuel rendu obligatoire par le fait qu’il ne remplissait plus les conditions exigées pour occuper son emploi (4) ;
  • plus récemment : la mise à la retraite d’office pour invalidité (5) ; toutefois, lorsque l’agent sollicite lui-même son admission à la retraite anticipée pour invalidité, la condition de perte involontaire d’emploi n’est pas remplie.

S’agissant des agents contractuels de droit public, sont considérés comme involontairement privés d’emploi, les agents :

  • dont le contrat est arrivé à son terme et n’est pas renouvelé à l’initiative de l’employeur ;
  • ou dont le contrat a pris fin durant ou au terme de la période d’essai à l’initiative de l’employeur public.

Sont également considérés comme involontairement privés d’emploi, par l’article 2 du décret du 16 juin 2020, précité :

  • les fonctionnaires placés d’office, pour raison de santé, en disponibilité non indemnisée ou les agents contractuels placés en congé non rémunéré à l’expiration des droits à congés maladie ;
  • les agents publics dont la relation de travail avec l’employeur a été suspendue, lorsqu’ils sont placés ou maintenus en disponibilité ou en congé non rémunéré en cas d’impossibilité pour cet employeur de les réintégrer ou de les réemployer, faute d’emploi vacant.
    Dans ce dernier cas, les agents qui n’ont pas sollicité leur réintégration ou leur réemploi dans les délais prescrits ne sont toutefois considérés comme ayant été involontairement privés d’emploi qu’à l’expiration d’un délai de même durée courant à compter de la date à laquelle ils présentent leur demande de réintégration ou de réemploi.

Sous réserve de confirmation du juge, certaines précisions apportées antérieurement par la jurisprudence administrative en la matière pourraient continuer à s’appliquer.

Notamment, la privation involontaire d’emploi est établie, même si l’agent sollicite sa réintégration avant le terme initialement prévu de la période de disponibilité (6).

Par ailleurs, le fonctionnaire qui, inapte physiquement à l’exercice de ses fonctions, est placé d’office en disponibilité faute de pouvoir être reclassé dans un autre emploi correspondant à des fonctions pour lesquelles il a été reconnu apte, est considéré comme involontairement privé d’emploi (7).

Les cas de démission pour motif légitime

En principe, la démission d’un agent ne peut conduire au versement d’allocations chômage. En effet, c’est l’agent qui prend l’initiative de rompre le lien avec l’administration.

En application des dispositions de l’article 3 du décret du 16 juin 2020, précité, les agents ayant démissionné pour un motif considéré comme légitime, au sens du règlement d’assurance chômage, sont assimilés aux personnels involontairement privés d’emploi.

Par renvoi de l’article 3 du décret du 16 juin 2020, précité, les cas de démission légitime sont limitativement prévus à l’article 2 du paragraphe 2, de l’annexe A du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019, précité. Ainsi, les motifs de démission suivants constituent une perte involontaire d’emploi :

  1. la démission pour suivre les ascendants ou la personne qui exerce l’autorité parentale, lorsque l’agent est âgé de moins de 18 ans ;
  2. la démission de l’agent d’au moins 18 ans, placé sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, pour suivre son parent désigné mandataire spécial, curateur ou tuteur ;
  3. la démission pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi, salarié ou non. Le nouvel emploi peut notamment être occupé à la suite d’une mutation au sein d’une entreprise, résulter d’un changement d’employeur décidé par l’intéressé ou correspondre à l’entrée dans une nouvelle entreprise par un travailleur qui était antérieurement privé d’activité. A cet égard, le juge administratif a considéré que le caractère légitime de la démission peut être apprécié en fonction du motif du changement de résidence et de la distance entre l’emploi quitté et le nouveau domicile. Le fait de suivre le concubin peut également constituer un motif de privation involontaire d’emploi, en cas de concubinage « notoire » et durable (8) ;
  4. la démission intervenue à la suite d’un mariage ou de la conclusion d’un pacte civil de solidarité (Pacs) ayant entraîné un changement de résidence, à condition que moins de deux mois s’écoulent entre la date de la démission ou de la fin du contrat et la date du mariage ou du Pacs et quel que soit l’ordre dans lequel sont survenus ces deux événements ;
  5. la démission pour suivre son enfant handicapé admis dans une structure d’accueil dont l’éloignement entraîne un changement de résidence ;
  6. la rupture à l’initiative du salarié d’un contrat d’insertion par l’activité pour exercer un nouvel emploi ou pour suivre une action de formation ;
  7. la rupture à l’initiative du salarié d’un contrat unique d’insertion – contrat initiative emploi à durée déterminée ou d’un contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi pour exercer un emploi sous contrat de travail à durée déterminée d’au moins six mois ou sous contrat de travail à durée indéterminée ou pour suivre une action de formation qualifiante ;
  8. la démission intervenue pour cause de non-paiement des salaires pour des périodes de travail effectuées, à condition que l’intéressé justifie d’une ordonnance de référé lui allouant une provision de sommes correspondant à des arriérés de salaires ;
  9. la démission intervenue à la suite d’un acte susceptible d’être délictueux dont le salarié déclare avoir été victime à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République ;
  10. la démission intervenue pour cause de changement de résidence justifié par une situation où l’agent est victime de violences conjugales et pour laquelle il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République ;
  11. La rupture volontaire du contrat de travail d’une personne qui reprend une activité après un licenciement, une rupture conventionnelle ou une fin de contrat à durée déterminée, n’ayant pas donné lieu à une inscription comme demandeur d’emploi, lorsque cette rupture volontaire intervient au cours ou au terme d’une période n’excédant pas 65 jours travaillés ;
  12. la rupture volontaire d’un contrat de travail, par un agent justifiant d’une période d’emploi totalisant trois années d’affiliation continue au régime d’assurance chômage (ou de lien avec un employeur public en auto-assurance), en vue de reprendre une activité salariée à durée indéterminée, concrétisée par une embauche effective, à laquelle l’employeur met fin avant l’expiration d’un délai de 65 jours travaillés ;
  13. la cessation du contrat de travail d’un salarié résultant de la mise en œuvre d’une clause de résiliation automatique d’un contrat de travail dit de couple ou indivisible, lorsque le salarié quitte son emploi du fait du licenciement, d’une rupture conventionnelle, d’une rupture d’un commun accord du contrat de travail ou de la mise à la retraite de son conjoint par l’employeur ;
  14. La démission du salarié motivée par l’une des circonstances mentionnée à l’article L. 7112-5 du code du travail à condition qu’il y ait eu versement effectif de l’indemnité prévue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 de ce code ;
  15. la démission pour conclure un contrat de service civique, un contrat de volontariat de solidarité internationale (le contrat de volontariat de solidarité internationale doit être d’une durée continue minimale d’un an). L’interruption de la mission avant l’expiration de la durée minimale d’engagement ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de cette disposition ;
  16. la démission d’un salarié qui a quitté son emploi et n’a pas été admis au bénéfice de l’allocation, pour créer ou reprendre une entreprise dont l’activité a donné lieu aux formalités de publicité requises par la loi, et dont l’activité cesse pour des raisons indépendantes de la volonté du créateur ou du repreneur ;
  17. la démission d’un assistant maternel qui fait suite au refus de l’employeur de faire vacciner son enfant.

A noter que dans les cas, c’est à l’administration, sous le contrôle du juge, qu’il revient d’apprécier la légitimité du motif (voir note 8).

Les cas de refus du renouvellement de contrat par l’agent

En application des dispositions de l’article 3 du décret du 16 juin 2020, précité, sont assimilés à des agents involontairement privés d’emploi les agents ayant refusé le renouvellement de leur contrat pour un motif légitime lié :

  • soit à des considérations d’ordre personnel ;
  • soit à une modification substantielle du contrat non justifiée par l’employeur.

Constituent, par exemple, « des considérations d’ordre personnel », conférant un motif légitime au refus de renouvellement la nécessité pour l’agent d’assurer seule, en raison de la séparation récente d’avec son conjoint, la garde de ses deux jeunes enfants et de son emménagement dans un nouveau domicile distant d’une vingtaine de kilomètres de son lieu de travail (9).
Toutefois, le motif de refus de renouvellement avancé par l’agent, fondé sur sa volonté de s’investir dans un projet associatif, puis sur ses difficultés psychologiques à poursuivre son activité professionnelle en raison de sa situation familiale, ne peut être considéré comme un motif légitime permettant d’assimiler ce refus à une perte involontaire d’emploi (10).

Par ailleurs, constituent des modifications substantielles du contrat conférant un motif légitime au refus de renouvellement par l’agent :

  • une réduction de la durée du contrat de travail (11) ;
  • ou encore, une baisse significative de rémunération (12)

Cependant, un agent contractuel qui refuse une proposition d’emploi d’adjoint d’animation, alors même que cet emploi impliquait une modification substantielle de son contrat, ne justifie pas d’un motif légitime lui permettant d’être considéré comme involontairement privé d’emploi, dès lors qu’elle avait elle-même préalablement candidaté sur cet emploi avant de le refuser au motif qu’il n’offrait pas de perspectives de titularisation (13).

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Le cas de la rupture conventionnelle

Cette modalité de cessation définitive des fonctions a instituée au 1er janvier 2020 (elle est pérenne pour les agents contractuels à durée indéterminée et à titre expérimental pour les fonctionnaires titulaires, jusqu’au 31 décembre 2025).

Les agents ayant convenu d’une telle rupture peuvent bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi dans les conditions prévues par le régime de l’assurance chômage (14).

Références :

  1. Article L. 544-4 du CGFP ;
  2. CE, 9 octobre 1992, Ville de Marseille c/ M. B., requête n° 96359 ;
  3. CE, 21 juin 2006, Commune de La-Faute-sur-Mer, requête n° 269880 ;
  4. CE, 7 février 1994, ministre de l’Education nationale c/ M. X., requête n° 126841 ;
  5. CE, 30 mars 2023, Mme A., requête n° 460907 ;
  6. CE, 14 octobre 2005, Hôpitaux de Saint-Denis, requête n° 248705 ;
  7. Réponse à la question écrite n° 44375, publiée au JOAN du 10 juillet 2000 ;
  8. CE, 25 septembre 1996, Mlle L., requête n° 135197 ;
  9. CE, 2 avril 2021, Mme B., requête n° 428312 ;
  10. CE, 9 novembre 2022, Centre hospitalier universitaire de Poitiers, requête n° 453076 ;
  11. CE, 13 janvier 2003, CCAS de Puyravault, requête n° 229251 ;
  12. CE, 28 octobre 1994, M. Bougon, requête n° 110838 ;
  13. CAA Lyon, 9 juillet 2020, Mme G., requête n° 19LY03633 ;
  14. Article 72-IV de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, dite de transformation de la fonction publique.

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