Faut-il en finir avec le concept de Génération au Travail ?

Les attentes des candidats sont souvent abordées à l’aune du concept générationnel. Les Millénials, la génération Z, sont des prismes d’analyses qui permettent d’expliquer facilement certains facteurs de motivation au travail et leurs évolutions.

Le concept de génération est un outil utilisé pour mesurer les points communs partagés par une cohorte née à une période donnée. Mais tout le monde n’est pas d’accord sur son usage dans la gestion des Ressources Humaines, en particulier pour la compréhension des attentes au travail.

Faut-il en finir avec le concept de Génération au Travail ?
Les différentes générations n'ont pas les mêmes attentes professionnelles et ont parfois des difficultés à cohabiter.

Qu’est-ce que le concept de génération au travail ?

La typologie des générations a été suggérée par W. Strauss et N. Howe. Les chercheurs ont utilisé, dès les années 1990, des données démographiques et historiques pour identifier les générations sur le marché du travail en Amérique du Nord. Leur modèle est constitué de personnes issues de quatre générations qui sont encore présentes sur le marché du travail :

  • la génération silencieuse ou les vétérans,
  • les « baby-boomers », la treizième génération ou la génération X,
  • la génération Y qui regroupe les enfants des « baby-boomers » (Millenial Generation) 
  • la génération Z qui a moins de 27 ans.

Les trois principales approches de la génération au travail

Ces générations au travail sont analysées à travers différents angles d’attaque. Parmi les principaux modèles utilisés par les chercheurs :

L’approche par les parcours de vie

Une première approche sociologique part des parcours de vie. Elle consiste à définir les générations avant tout en fonction de l’âge et de l’ancienneté. La génération se définit par l’accumulation d’un certain capital lié à l’expérience. Il peut alors s’agir de transmettre des acquis ou des compétences, de bénéficier d’un réseau de relations, de maîtriser les rouages d’une organisation ou les ficelles d’un métier.

L’approche par les cohortes

La théorie des cohortes définit les générations par l’appartenance à une cohorte à laquelle sont associées des caractéristiques spécifiques qui sont le fruit d’une histoire commune ou d’effets de contexte. Par exemple, les jeunes peuvent ainsi être porteurs de valeurs propres au monde dans lequel ils ont grandi, et qui les éloignent de l’engagement syndical traditionnel.

La théorie du contrat psychologique

Ce modèle explique que le contexte économique conduit les travailleurs à développer des comportements spécifiques sur le marché du travail, ce qui les amène à mieux s’adapter aux évolutions des organisations du travail. En période de rareté de l’emploi, les comportements sur le marché du travail et les facteurs de motivation ne sont pas les mêmes qu’en période de croissance et de pénurie de main d’œuvre. Autrement dit, selon la pyramide de Maslow, plus les besoins de base (sécurité) sont comblés, plus les générations attendent du travail qu’il leur apporte du sens et de la satisfaction personnelle.

Des attentes spécifiques selon la génération ?

En matière d’attentes professionnelles, les différentes générations ont tendance à avoir des préférences distinctes. Comme le souligne cet article de Pôle emploi, et pléthore de documentation sur le sujet, on peut distinguer :

La génération X

La génération X concerne les personnes nées entre 1965 et 1980. Elle a grandi à une époque marquée par l’incertitude économique, la mondialisation et les progrès technologiques rapides. Leurs attentes au travail sont donc très différentes de celles des autres générations. Les membres de la génération X sont animés par le désir de faire la différence sur leur lieu de travail et ils privilégient la flexibilité, la créativité, le travail d’équipe et la collaboration par rapport au travail traditionnel. Ils sont attentifs à la réussite et à la rémunération.

La génération Y

La génération Y, ou génération du millénaire (née entre 1980 et 1994), a des attentes sensiblement différentes de celles des générations précédentes en ce qui concerne la vie professionnelle. Ayant grandi à une époque de changements rapides et de progrès technologiques, ces jeunes professionnels ont une approche plus individualiste de leur carrière. Ils recherchent un travail intéressant qui leur permette de s’exprimer et d’utiliser leur créativité, ainsi qu’un emploi qui leur permette de générer du sens et de contribuer au développement de l’entreprise.

Mais derrière ses caractéristiques communes, on trouve plusieurs spécificités. Dans son article sur la génération Y, Parlons RH relaye l’étude Manpowergroup réalisée et publiée en juin 2017, qui fait émerger plusieurs identités parmi les membres de la génération Y. L’enquête dresse quatre grands portraits pour se rapprocher au plus près de la réalité : les fragilisés, les pragmatiques, les exigeants et les flexibles.

La génération Z

Elle regroupe les salariés nés dans les années 1990. Cette cohorte est plus sensible à la quête de sens et de reconnaissance au travail et cherche à exercer un métier utile. La génération Z est la génération la plus diversifiée et la plus sensible au numérique qui entre aujourd’hui sur le marché du travail. Elle a grandi dans un monde où la technologie fait partie intégrante de la vie quotidienne, ce qui l’a habituée à être constamment connecté. La génération Z a donc développé certaines attentes en matière d’environnement de travail, notamment en ce qui concerne la collaboration, la flexibilité et le retour d’information.

Cependant, là aussi il y a de la diversité. A l’encontre des discours sur la recherche de flexibilité de la génération Z, la tribune sur les attentes des jeunes non diplômés publiée par Nicolas Roux, chercheur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) et Julie Couronné, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), souligne  que les jeunes non diplômés restent, quant à eux, très attachés à la sécurité et à l’emploi salarié.

Frédéric Devaux, dans son article Ce que pensent les alternants, montre que les attentes ne sont pas les mêmes selon le contrat psychologique qui lie l’employeur et le salarié. Dans le cadre d’une alternance, les attentes des jeunes ne peuvent pas être comparées à celle d’un jeune diplômé car les conditions d’embauche ne sont pas les mêmes et celles-ci influent sur la motivation au travail. Les apprentis acceptent le fait que leur employeur ait des exigences en termes d’implication, à condition que la transaction leur soit favorable à long terme, c’est-à-dire qu’ils aient de la visibilité sur les possibilités d’embauche après le contrat.

L’auteur conclut qu’« au lieu de considérer les attitudes des différentes générations, et en particulier des plus jeunes, comme une donnée exogène sur laquelle l’entreprise n’a pas de prise, il s’agit d’un enjeu managérial qui relève de la responsabilité de l’organisation. »

Les différences de génération reflètent des difficultés de cohabitation

En effet, les différences de générations sont souvent pointées du doigt sans chercher à creuser les origines des difficultés. Dans cet article de Tania Saba sur les introuvables différences des valeurs de générations au travail (2017), la chercheuse explique que le concept de génération a pris de l’ampleur pour expliquer les difficultés de cohabitation entre des travailleurs issus de plusieurs générations sur les lieux du travail. 

En fait, le cycle de carrière, moins linéaire, entraîne une cohabitation d’une durée plus longue entre les générations qui se croisent plus souvent. Les plus âgés tardent à quitter le marché du travail ou y reviennent pour occuper des emplois de transition, quand les jeunes multiplient les allers-retours entre les organisations.

Jérémy Rosanvallon, dans son article sur les générations au travail : des cultures différentes ou un collectif qui se méconnaît ?, note que les groupes générationnels sont surtout des constructions sociales qui se forgent au sein de l’entreprise

La construction d’un collectif passe d’abord par une expérience commune, même asynchrone. Au contraire, à partir d’un élément objectif qui distingue l’expérience (par exemple : les « jeunes » ne sont pas passés par les mêmes écoles), les anciens déduisent un écart culturel fort. Et vice versa. Ainsi, plutôt que de constater les différences générationnelles, il est plus utile pour les services RH de mettre en œuvre des expériences intergénérationnelles communes pour renforcer les liens.

Comment favoriser les liens intergénérationnels en entreprise ?

Construire des liens intergénérationnels forts sur le lieu de travail peut être très bénéfique pour toute organisation. Une main-d’œuvre diversifiée favorise la créativité et l’innovation, tout en offrant un éventail de perspectives et de compétences. Voici quelques conseils pour dépasser le constat des différences entre les générations sur le lieu de travail.

Encourager le mentorat 

Un programme formel de mentorat peut être un moyen efficace de réunir des employés de différentes générations. Les jeunes ont ainsi accès aux connaissances et à l’expérience de leurs collègues plus expérimentés, tandis que les salariés plus âgés ont la possibilité de transmettre leur savoir-faire.

Rendre le travail plus flexible 

Les générations de salariés ont des besoins différents en fonction de leur moment de vie. Les entreprises peuvent répondre à ces besoins, par exemple en proposant des horaires plus souples et des possibilités de travail à distance, afin que les salariés de tous âges puissent concilier leurs engagements professionnels et personnels.

Promouvoir la transversalité 

Les équipes qui réunissent des employés de différentes générations sont susceptibles d’être plus créatives et innovantes que celles composées uniquement de collaborateurs d’une seule tranche d’âge. En encourageant la collaboration intergénérationnelle dans les équipes, les entreprises peuvent favoriser l’échange d’idées entre les générations et faciliter le transfert de connaissances entre collègues.

Tirer parti des réseaux existants 

De nombreuses organisations disposent de réseaux dédiés à la gestion des initiatives intergénérationnelles. Il est important de tirer parti de ces réseaux pour promouvoir la communication et la collaboration entre les différentes générations de salariés. Par exemple, SilverAlliance recense de nombreuses initiatives pour recréer du lien entre les jeunes et les plus âgés, dans ou en dehors de l’entreprise. Parmi elles, le jeu de carte “2 minutes ensemble” permet aux joueurs de devenir plus complices et d’appréhender les différences de perception liées à l’âge et au moment de vie ou de carrière.

Célébrer la diversité 

Chaque génération apporte quelque chose d’unique au lieu de travail, et les organisations devraient célébrer cette diversité en reconnaissant et en valorisant la contribution de tous les employés, quel que soit leur âge. Cela contribuera à créer un environnement de travail plus inclusif, dans lequel la collaboration intergénérationnelle est possible

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  • Éviter les a priori, les préjugés et les généralités.
  • Développer sa capacité à travailler avec des personnes différentes de soi.

Pour conclure

Plutôt que d’opposer les générations, il est plus utile pour les DRH de se pencher sur l’analyse des attentes de collaborateurs selon une approche multifactorielle et de travailler à améliorer les liens intergénérationnels dans l’entreprise. Une approche moins facile à appréhender, mais sans aucun doute plus constructive !

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