Actualité sociale : les grands chantiers sociaux en cours et à venir

La réforme des retraites, adoptée dans des conditions difficiles, a considérablement dégradé le climat politique et porté un sérieux coup d’arrêt au dialogue social. Les relations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, en particulier les organisations syndicales, sont passées de « froides » à franchement « glaciales ». Même constat du côté de l’Assemblée, où la majorité présidentielle est sérieusement bousculée par une opposition très active.

Désireux de reprendre la main et de mettre « derrière lui » le dossier retraite, le Président Emmanuel Macron multiplie les initiatives. Il a ainsi annoncé dans une allocution le 17 avril dernier l’ouverture de trois grands chantiers sur les thèmes de la justice, du progrès (éducation, santé) et du travail. Sur ce dernier thème, a été exprimée une volonté « de retrouver du sens dans son travail, d’en améliorer les conditions, d’avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie ».

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Actualité sociale : les grands chantiers sociaux en cours et à venir
Dans les prochains mois, le Gouvernement va travailler sur trois grands chantiers sur les thèmes de la justice, du progrès (éducation, santé) et du travail.

C’est dans cette optique qu’Elisabeth Borne a présenté le 26 avril sa feuille de route sur le travail et l’emploi. L’objectif est d’aboutir dans les prochains mois sur plusieurs réformes structurantes, pour certaines déjà bien engagées (la création de France Travail, nouveau service public de l’emploi, ou encore la réforme des lycées professionnels). Il est également question de construire un « agenda social pour un nouveau pacte de la vie au travail » avec les partenaires sociaux. Au programme :  l’amélioration des revenus des salariés, des carrières et des reconversions, du compte épargne temps, des conditions de travail, de la pénibilité, ou encore le sujet de l’emploi des seniors avec la probable réintroduction des fameuses mesures prévues par le texte sur les retraites mais censurées par le Conseil constitutionnel (index senior et CDI « fin de carrière »).

Ce qui est déjà acté : la transposition des accords nationaux interprofessionnels sur le partage de la valeur et sur la branche Accidents du travail/maladies professionnelles (ATMP)

Le Gouvernement s’est engagé à transposer « fidèlement » dans la loi les accords nationaux interprofessionnels (ANI) qui seront négociés par les partenaires sociaux.

Ce sera le cas avant l’été pour l’ANI sur le partage de la valeur. A en effet été conclu en février dernier (l’ensemble des organisations patronales et syndicales, à l’exception de la CGT, ont été signataires) un accord visant à renforcer le partage de la valeur au sein des entreprises et à améliorer l’association des salariés aux performances de l’entreprise. Il doit notamment permettre :

  • D’étendre la participation, aujourd’hui obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, aux entreprises de 11 à 50 salariés ;
  • De prévoir un meilleur partage des bénéfices exceptionnels lors de la négociation des accords de participation et/ou d’intéressement dans les entreprises de plus de 50 salariés ;
  • De faciliter l’utilisation de la prime de partage de la valeur (assouplir les modalités de versement/placement, prolongement du régime fiscal plus favorable pour les PME etc.) ;
  • De promouvoir une épargne « verte, solidaire et responsable » etc.

S’agissant d’un texte faisant globalement consensus, le projet de loi devrait être adopté sans trop de difficulté par le Parlement.

Un autre ANI vient d’être finalisé sur l’usure au travail. Il attrait au fonctionnement et à l’activité, les missions de la branche ATMP.

Plusieurs constats ont été faits par les partenaires sociaux :

  • Sur le fonctionnement de la branche, qui n’est finalement pas une branche de sécurité sociale à proprement parlé mais une « émanation » de la branche maladie ce qui entraîne des difficultés de gouvernance et d’organisation.
  • Sur ses missions, l’investissement mis sur la prévention des risques professionnels apparaît aux yeux des partenaires sociaux très réduit au regard des enjeux (2 % du budget y est consacré). Le déploiement des actions est par ailleurs rendu difficile par des difficultés de coordination et de communication sur les dispositifs existants. Le sujet de la réparation des ATMP était également sur la table, plusieurs difficultés ayant été identifiées : sous-évaluation des barèmes d’indemnisation, sous-déclarations présumée des sinistres, manque d’information des victimes etc.

En résulte les mesures suivantes :

  • Faire de la branche ATMP une « véritable » branche de sécurité sociale, autonome, avec la mise en place d’un conseil d’administration paritaire qui renforce la capacité de pilotage et de contrôle des organisations syndicales et patronales.
  • Le renforcement de la prévention des risques constitue la pierre angulaire de l’accord, avec le déblocage de fonds supplémentaires (100 millions d’euros par an) et un renforcement des moyens matériels et humains à disposition de la branche. Cela s’ajoute aux mesures prévues par la réforme des retraites pour mieux prendre en compte la pénibilité au travail avec en particulier le renforcement du compte pénibilité (C2P) et la création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) doté d’un milliard d’euros sur la durée du quinquennat (soit 200 millions d’euros par an). Ces mesures seront financées intégralement par la branche ATMP via un transfert de cotisations en faveur de la branche vieillesse.
  • Les dispositifs de réparation et de prise en charge des pathologies seront élargis et rendus plus accessibles (meilleure évaluation du taux d’incapacité permanente requis pour faire reconnaitre une maladie professionnelle, baisse du taux d’accès à la prestation complémentaire pour tierce personne, ou encore renforcement du « 100 % santé »).

A noter, une ouverture sur la possible généralisation de la couverture prévoyance en entreprise à tous les salariés : l’accord prévoit le lancement d’un diagnostic sur le sujet.

Ce que le Gouvernement souhaite mettre en place :

En marge des discussions sur la réforme des retraites, Olivier Dussopt annonçait dès le mois de mars la préparation d’un projet de loi « plein emploi » avec comme objectif de ramener le taux de chômage sous la barre des 5 % d’ici à 2027. Il intervient dans la continuité des travaux engagés depuis plusieurs mois en vue de la création d’un nouveau réseau du service public de l’emploi, « France Travail ». Il constituera la « porte d’entrée » pour l’ensemble des personnes en recherche d’emploi, en réunissant dans un même ensemble tout l’écosystème de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’insertion afin de favoriser les passerelles et mieux répondre aux enjeux sur le territoire. Toute personne privée d’emploi – chômeur, bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA), personnes en situation de handicap ou jeune – devra être orientée vers le réseau.

Le dispositif du RSA sera également rénové par le texte sur les « droits et devoirs du bénéficiaire ». L’exposé des motifs du projet de texte précise qu’il s’agit notamment de rénover le régime de sanctions « en permettant, en cas de manquement à ses obligations (recherche active d’emploi, assiduité aux actions de formation, accompagnement, insertion etc.) de suspendre le versement du revenu de solidarité active … avant une éventuelle décision de suppression ou de radiation ».

Autre réforme annoncée, celle des lycées professionnels. Après plusieurs mois de travaux, plusieurs mesures fortes se sont dégagées dans le cadre d’un plan d’investissement d’1 milliard d’euros par an pour financier notamment :

  • La gratification de stages sur l’ensemble de la scolarité d’un lycéen (jusqu’à 2100 €)
  • La création d’une année de terminale « à la carte » pour s’adapter au projet de chaque élève
  • Des dispositifs de prévention du décrochage scolaire
  • La création de nouveaux parcours de formations « d’avenir »
  • Le renforcement des liens entre le lycée et les entreprises
  • La valorisation de l’engagement des enseignants (jusqu’à 7 500 € bruts par an adossés à de nouvelles missions)

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Ce qu’il reste à construire : l’agenda social des prochains mois

Il s’agit donc pour Emmanuel Macron et sa Première ministre de « bâtir le pacte de la vie au travail ». Sept thèmes de travail ont été proposés aux partenaires sociaux : revenus des salariés, reconversions/formation/réinsertion, usure professionnelle, emploi des seniors, conditions de travail, compte épargne-temps universel ou encore indemnisation chômage. Ils ont jusqu’à la fin de l’année pour s’entendre sur des propositions afin dans les intégrer dans une future loi « Travail » qui sera présentée début 2024. Pour cela, ils pourront s’inspirer des conclusions des assises au travail, déclinaison du Conseil national de la refondation lancé en septembre 2022 par Emmanuel Macron pour réfléchir aux nouveaux rapports au travail, à son avenir et à son sens.

Si l’ensemble des organisations syndicales et patronales semblent s’accorder sur la pertinence des thèmes proposés, notamment sur le sujet de l’emploi des seniors qui n’a pas pu être correctement traité dans le cadre de la réforme des retraites, il n’est pas certain qu’ils arrivent à s’entendre sur des mesures concrètes. Plusieurs organisations syndicales ont d’ores et déjà indiqué qu’elles réclameraient une « mise à contribution des entreprises ». Pas certain que cela convienne au patronat…

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