Réforme des retraites : les principales mesures du texte définitif

Après des débats parlementaires très compliqués et plusieurs rebondissements, la Première ministre Elisabeth Borne a dû finalement se résoudre à faire adopter le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 via la procédure dite du « 49-3 » en référence à l’article de la Constitution qui prévoit la possibilité « d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale » sur le vote de certains textes.

Après le rejet des motions de censure déposées en réaction par les oppositions, le texte est considéré comme définitivement adopté sous réserve de l’avis du Conseil constitutionnel.

Le texte final de la loi a bien évolué depuis la présentation du projet initial le 10 janvier dernier. Un certain nombre d’amendements ont été intégrés lors de l’examen du texte en chambres par les parlementaires et avec l’accord du Gouvernement, qui conservait l’espoir de se constituer une majorité solide pour le vote à venir.

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Réforme des retraites : les principales mesures du texte définitif
Quelles sont les principales mesures de la réforme des retraites ?

Age de la retraite : de nouvelles mesures en faveur des carrières longues et des mères de famille

Sans surprise la mesure phare, le recul de l’âge légal à 64 ans, est bien prévue. Cependant, les polémiques qui ont alimenté le débat public ces dernières semaines sur les inégalités réelles ou supposées engendrées par la réforme, en particulier pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et/ou qui ont des carrières « hachées » (notamment les femmes), ont conduit les parlementaires a demandé l’aménagement du texte sur plusieurs points.

Assouplissement du départ anticipé au titre des « carrières longues »

Le texte initial prévoyait déjà une refonte du dispositif avec la mise en place d’un système en trois « paliers » de départ à 58, 60 et 62 ans sous condition d’avoir acquis un certain nombre de trimestres et de justifier d’un début d’activité précoce, respectivement avant 16, 18 et 20 ans.

Le nouveau dispositif, qui se voulait plus favorable que la règle existante, a été vivement critiqué. Premièrement, il conditionnait les départs les plus précoces (58 et 60 ans) à 44 annuités de cotisations, soit un an de plus que la durée requise pour le taux plein, ce qui était considéré par beaucoup comme injuste. Deuxièmement il entraînait des « effets de bord » qui pénalisaient ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans. En effet, dans cette version de la réforme le salarié qui commençait à travailler à 20 ans pouvait en principe atteindre le taux plein dès 63 ans. Or il ne pouvait pas liquider sa retraite avant l’âge légal (64 ans).

Face à cette polémique, le Gouvernement a accepté d’intégrer deux aménagements à son dispositif :

  • Création d’un 4e palier « carrière longue » avant 21 ans permettant de partir en retraite de manière anticipée à 63 ans.
  • Plafonnement du nombre d’annuités de cotisation requises au taux plein (43 ans) pour toutes les « carrières longues ».

Création d’une surcote « mère de famille »

Considérant que la réforme prenait insuffisamment en compte leurs problématiques, les sénateurs ont souhaité qu’un dispositif soit proposé « en vue de compenser la charge supportée par les mères de famille, pour qui le cumul d’une activité professionnelle et de l’éducation des enfants s’avère souvent difficile »[1].

La mesure vise à permettre aux assurés qui ont obtenu des trimestres de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation d’un enfant, et qui réunissent à 63 ans les conditions du taux plein, de s’ouvrir des droits à surcote sans devoir attendre l’âge légal de 64 ans.

Emploi des seniors : des mesures pour soutenir l’emploi des seniors

Le texte initial de la réforme des retraites prévoyait déjà plusieurs mesures en ce sens (création d’un index senior visant à mesurer les efforts fournis par les entreprises en matière d’emploi des seniors, et aménagement des dispositifs existants de transition emploi retraite : cumul emploi-retraite et retraite progressive).

Deux nouvelles mesures ont été intégrées depuis :

La création d’un « contrat fin de carrière »

La loi prévoit la création d’un CDI spécifique pour favoriser le retour à l’emploi des seniors, avec des conditions plus avantageuses que le CDI « classique ». Il cible les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans. Pour inciter les entreprises à les recruter, leur rémunération sera exonérée de cotisations familiales sur les 12 premiers mois du contrat.

Par ailleurs les nouveaux embauchés pourront être mis à la retraite d’office par l’employeur avant 70 ans, qui est la règle de droit commun, dès lors qu’ils peuvent liquider leur pension à taux plein. Lors de la mise à la retraite, les employeurs n’auront pas à s’acquitter de la contribution patronale spécifique prévue pour ce type de rupture (50 % du montant).

Les modalités de mise en œuvre de ce « CDI senior » pourront être discutées entre les partenaires sociaux dans le cadre d’une négociation dédiée. La déclinaison de ces modalités (activités concernées, contreparties, rémunérations) sera ensuite renvoyée à des accords de branche.

L’harmonisation du régime social de la rupture conventionnelle et de l’indemnité de mise à la retraite

Actuellement les charges patronales sont très différentes d’une indemnité à l’autre : 20 % de forfait social sur les ruptures conventionnelles, 50 % de contribution spécifique sur les mises à la retraite. Au-delà d’un plafond, les sommes sont soumises à cotisations et contributions comme un salaire[2].

Dans son rapport[3], la commission des affaires sociales du Sénat a salué une mesure qui vise « à favoriser le maintien en emploi des seniors jusqu’à ce qu’ils puissent liquider leurs droits à la retraite, plutôt que d’inciter les employeurs à conclure une rupture conventionnelle avec le salarié senior [moins coûteuse], au risque qu’il bascule dans le chômage avant de pouvoir prendre sa retraite ».

Par ailleurs les recettes supplémentaires générées par cette harmonisation seront affectées à la branche vieillesse pour financer les retraites.

Prise en compte de l’usure au travail : peu de changements par rapport au texte initial

Le texte final comprend bien les mesures visant à renforcer le compte prévention pénibilité (C2P) et à améliorer la prise en charge des salariés exposés à des troubles musculosquelettiques (TMS) :

  • Le rendement du C2P est amélioré : déplafonnement du compte, modulation du nombre de points acquis en cas de poly-exposition, abaissement du seuil d’exposition pour 2 des 6 facteurs de risques pris en compte (travail de nuit et travail en équipes successives).
  • Une nouvelle possibilité d’utilisation du compte est créée : la prise en charge d’un projet de reconversion professionnelle (en plus des autres usages existants).
  • Création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) qui fait financer par la branche accident du travail/maladie professionnelle « des actions de sensibilisation, de prévention, de formation, de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques « ergonomiques[4] » » (manutentions manuelles de charges, postures pénibles et vibrations mécaniques).
  • A noter également la création d’un fonds similaire dans la Fonction publique orienté sur la prévention de l’usure professionnelle dans le secteur de la santé.

Les dispositifs de départs anticipés pour « raisons médicales » ont été décorrélés du relèvement de l’âge légal de départ en retraite :

  • Maintien de l’âge actuel pour les mécanismes de retraite pour invalidité ou inaptitude (à partir de 62 ans), au titre des travailleurs handicapés (à partir de 55 ans) ou encore pour les travailleurs de l’amiante (dès 50 ans).
  • Le dispositif de départ anticipé dès 60 ans au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (dispositif « Woerth-Bertrand » 2010) devait être assoupli notamment sur la condition de durée d’exposition (de 17 à 5 ans) avec cependant un âge de départ relevé à 62 ans. Il est finalement maintenu à 60 ans dans le texte final.

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 ACTUALITÉS RETRAITE 

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  • Analyser les incidences d’une réforme paramétrique au niveau de l’entreprise, notamment sur la gestion des carrières.
  • Définir l’âge et le nombre de trimestres par génération.
  • Différencier les différentes validations de trimestres au régime général et de points en AGIRC-ARRCO.
  • Distinguer les nouvelles conditions de départ anticipés (carrière longue, handicap, incapacité permanente) et de retraite progressive
  • Mesurer l’impact de la réforme AGIRC-ARRCO sur les montants de retraite

Bouclage financier de la réforme : confirmation d’une mise à contribution de la branche ATMP pour assurer l’équilibre du système de retraite en 2030

Selon les projections du Gouvernement le déficit projeté du système de retraite avant réforme était évalué à 13,5 milliards d’euros en 2030. L’augmentation de la quantité de travail devrait rapporter un peu moins de 18 milliards d’euros, mais les mesures d’accompagnement prévues par la loi, comprises entre 5 et 6 milliards d’euros, ne permettront pas de remplir l’objectif de remettre le système à l’équilibre.

Le Gouvernement a donc décidé d’intégrer dans la loi de financement rectificative des transferts de recettes de la branche ATMP, excédentaire, vers la branche vieillesse. In fine ces transferts devraient représenter 1,5 milliards d’euros par an d’ici 2026.

Même avec ces transferts, la perspective d’un retour à l’équilibre semble très optimiste, notamment car le Gouvernement se base sur une hypothèse de retour rapide au plein emploi, qui dans le contexte apparaît loin d’être acquise…


Références :

  1. Rapport du 28 février 2023 fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi, disponible sur www.senat.fr
  2. A noter que les charges patronales sur le salaire tournent actuellement autour de 30 % (avec des variations selon le statut, le secteur d’activité, l’entreprise etc.)
  3. Voir 1
  4. Voir 1 et 2

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