Les successions dans les familles recomposées

Tout ce qui touche à l’héritage est délicat à traiter tant s’y mêlent, dans un cocktail parfois explosif, la peine, la souffrance, le manque de l’être disparu, les questionnements sur un parcours de vie souvent sinueux et mal vécu par les proches qui ont été délaissés, la jalousie quant aux différentes fréquentations… et – comme si cela ne suffisait pas – les questions pécuniaires qui sont par nature porteuses de tensions.

L’on connaît également la relation très forte des français par rapport à la pierre et à l’immobilier en général. Or, il est fréquent qu’une succession contienne, entre autres, un (ou plusieurs) bien(s) immobilier(s) – appartement ou maison – ce qui ravive les tiraillements quant aux questions de propriété.

 

Cet article a été publié il y a 1 an, 9 mois.
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Les successions dans les familles recomposées
Dès lors, si les successions classiques sont déjà difficiles à supporter et à gérer, les successions concernant les familles recomposées le sont encore davantage.

Il convient encore de mentionner ce qu’on appelle les « meubles meublants » (mobilier, tableaux, argenterie…) qui sont également source d’attachements durables et de litiges autour de leur possession éventuelle.

Il faut, en effet, composer avec le passé du défunt et revisiter, qu’on le veuille ou non, l’historique des amours multiples de celui ou celle que l’on aurait voulu garder pour soi et que l’on a été forcé de partager.

Définition des familles recomposées, intervention du notaire et repères statistiques

A titre liminaire, il convient de préciser ce qu’on entend par « famille recomposée ».

Il s’agit de tout couple de personnes adultes, en union libre ou mariés, qui vit avec au moins un enfant issu d’une union précédente de l’un des deux adultes.

L’on rappellera également qu’une fois désigné par les proches du défunt, le notaire doit accomplir un certain nombre de missions essentielles, qui incluent notamment :

  • l’identification précise de tous les héritiers du défunt ;
  • le fait de savoir si un testament a été rédigé ;
  • la liste des donations effectuées par le défunt de son vivant ;
  • l’établissement des actes permettant aux héritiers de justifier de leurs droits sur l’héritage ;
  • la réalisation d’un bilan complet du patrimoine du défunt (actifs et dettes) ;
  • la rédaction de la déclaration de succession ;
  • le calcul du montant des droits de succession ;
  • le partage de la succession.

Pour autant, l’intervention du notaire n’est obligatoire que dans les cas suivants :

  • lorsque le patrimoine du défunt comporte un bien immobilier (cf. établissement d’une attestation de propriété immobilière) ;
  • lorsque le montant de la succession est égal ou supérieur à 5.000 euros ;
  • lorsqu’il existe un testament ;
  • lorsqu’il existe une donation entre époux.

Pour mieux cerner l’importance du sujet sur un plan statistique, l’on relève que l’INSEE évaluait, en 2019, à 800.000 le nombre de familles recomposées en France, ce qui n’est pas mince.

Cela représente un million et demi d’enfants (de moins de dix-huit ans) résidant dans les familles recomposées.

Au sein des 9 % de familles françaises qui sont des familles recomposées, l’on estime que :

  • 44 % des couples vivent en union libre ;
  • 43 % des couples sont mariés ;
  • et 13 % sont PACSés.

Enfin, les familles recomposées sont plus nombreuses à avoir des enfants à domicile (2,4 enfants contre 1,9 en moyenne) et 38 % sont des familles nombreuses avec trois enfants ou plus au domicile (contre 21 % pour l’ensemble des familles).

Au vu de ce qui précède, il n’est donc pas surprenant que le cadre juridique des successions dans ces familles présente certaines particularités.

Similitudes et différences du régime des successions dans les familles recomposées

A l’instar des successions classiques, les enfants restent les héritiers prioritaires, dans le cadre de ce qu’on appelle la « réserve héréditaire ».

L’article 913 du Code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2021, est limpide.

Le fait que les enfants soient issus de différentes unions n’a pas d’impact sur ce point.

Ainsi, comme dans le droit commun, la réserve dépend du nombre d’enfants qu’a eus le défunt :

  • 50 % du patrimoine si l’enfant est fils unique ;
  • deux tiers du patrimoine s’il y a deux enfants ;
  • trois quarts du patrimoine s’il y a trois enfants ou plus.

Dès lors, les demi-sœurs et les demi-frères héritent indistinctement de leur parent commun.

Le fait que le défunt ait divorcé, se soit remarié, ou se soit installé en concubinage après son divorce, ne modifie par cette égalité de traitement entre ses divers enfants.

Très mécaniquement et très simplement, la part d’héritage dépend du nombre d’enfants.

L’article 730 du Code civil rappelle que « la preuve de la qualité d’héritier s’établit par tous moyens ».

L’on précisera que le principe d’égalité entre héritiers vaut quelle que soit la date d’acquisition des biens entrant dans le patrimoine du défunt.

A contrario, et de façon là aussi très logique, les enfants du conjoint survivant, et qui ne sont pas les enfants du défunt n’ont, en principe, droit à rien.

Bien entendu, le défunt dispose de ce qu’on appelle la « quotité disponible » pour léguer à ses beaux-enfants une partie de son patrimoine.

L’article 912 du Code civil définit les notions de « quotité disponible » et de « réserve héréditaire » :

« La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.

La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. »

L’essentiel est que la « quotité disponible » n’empiète pas sur la « réserve héréditaire ».

Cependant, cette transmission présente un inconvénient fiscal majeur, en ce sens que cette quotité disponible est imposée, au niveau des droits de succession, à hauteur de 60 %.

Ce taux très élevé est le même que si le défunt (beau-père ou belle-mère) donnait une part de son patrimoine à une personne avec qui il n’aurait aucun lien de parenté.

Solution à la problématique fiscale des beaux-enfants

La situation fiscale très désavantageuse des beaux-enfants peut cependant être résolue de manière aisée.

Il s’agit de l’adoption simple.

L’adoption simple se démarque de l’adoption plénière car elle ne supprime pas la filiation d’origine.

En ce sens, les liens de l’enfant adopté avec sa famille biologique sont maintenus mais il s’y ajoute une nouvelle parenté.

De ce fait, l’héritage est possible des deux côtés : des parents biologiques et des parents adoptifs.

Non seulement, l’enfant adopté dans ces conditions se retrouve en parfaite égalité avec les autres enfants mais les droits de succession sont identiques.

Cela se pratique à la condition :

  • que l’adoptant soit le nouveau conjoint du père ou de la mère ;
  • ou bien que l’adoptant ait élevé l’enfant pendant cinq années au moins durant sa minorité ou bien dix ans au moins durant sa minorité et sa majorité.

Le conjoint survivant eu égard aux enfants nés d’une précédente union

Dans l’hypothèse où le défunt s’était remarié et avait eu des enfants d’une première union, le nouveau conjoint a droit à un quart de l’héritage.

Lorsque le nouveau conjoint décède, il est important d’attirer l’attention sur le fait que ce sont ses propres enfants qui vont hériter de lui et ce qu’ils soient nés de l’union avec le défunt ou d’une autre union.

En conséquence, les enfants issus de la première union n’auront droit à rien.

La solution réside alors dans la rédaction d’un testament privant le nouveau conjoint de sa part d’héritage.

Sans aller jusqu’à cette extrémité, il est loisible de ne lui attribuer que l’usufruit, ce qui lui garantira un maintien dans les lieux ou bien les revenus procurés par ces biens, sans léser pour autant les enfants issus du premier lit.

La réunion de la nue-propriété et de l’usufruit interviendra au décès du nouveau conjoint survivant.

Il y a un avantage fiscal à cela : l’absence de droits de succession à payer par les enfants sur cet usufruit.

Toutefois, il faut savoir que ce schéma prive les héritiers du nouveau conjoint de toute part dans le patrimoine du défunt.

Cependant, l’optique peut également être de protéger le nouveau conjoint et de considérer avec davantage de distance les enfants issus de la première union.

Vu sous cet angle, l’acte le plus protecteur consiste à épouser le nouveau conjoint.

Cette protection va également bénéficier aux enfants du foyer avec lesquels le défunt ne partage aucun lien de parenté directe.

Connue sous le vocable de « conjoint survivant », le sort du mari ou de la femme qui survit au défunt est protégé car, en cas d’absence de contrat de mariage, la moitié des biens du couple marié lui reviennent nécessairement.

La donation au dernier vivant : un instrument conçu pour le protéger

Cette solution est préconisée pour préparer au mieux la situation de l’époux survivant après le décès de son conjoint.

Le contrat permet à l’époux survivant de recevoir la totalité ou une partie du patrimoine.

Cela présente deux avantages ;

  • la donation ne prend effet qu’à compter du décès de l’un des conjoints. Il n’y a aucune indivision, ce qui laisse les conjoints libres de gérer leur patrimoine comme bon leur semble ;
  • l’usufruit est garanti sur la totalité du patrimoine ou 25 % de la pleine propriété et 75 % du patrimoine en usufruit, et ce même s’il y a des enfants issus d’une première union.

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  • Protéger son conjoint.
  • Optimiser fiscalement la transmission de son patrimoine.

Récapitulatif des principales recommandations

Au final, les instruments à utiliser lorsque l’on est une famille recomposée sont assez nombreux :

  • il est pertinent de protéger la nouvelle union grâce au mariage ;
  • il est fortement recommandé de rédiger un testament ;
  • il est conseillé d’adopter les enfants du nouveau conjoint (adoption simple) ;
  • il est judicieux d’effectuer une donation au dernier vivant.

On ajoutera également d’autres instruments en fonction des situations :

  • consentir un legs graduel ;
  • organiser une donation-partage conjonctive ou une donation-partage tout court.

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