Réforme des retraites : détail du projet de loi

Le 10 janvier dernier, la Première ministre Elisabeth Borne présentait le projet de réforme des retraites élaboré par le Gouvernement après plusieurs mois de concertation avec les partenaires sociaux et les groupes politiques. Placée sous le signe de la « justice, de l’équilibre financier et du progrès », la réforme doit non seulement permettre de préserver l’avenir des régimes de retraite par répartition, mais également rendre le système plus juste et plus équitable.

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Réforme des retraites : détail du projet de loi
Réforme des retraites : que prévoit le projet de loi ?

Nous vous détaillons ci-dessous le contenu du texte qui a été déposé pour examen à l’Assemblée nationale le 23 janvier dernier. Intégré dans une loi « financière » (projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif), l’examen du texte fait l’objet d’une procédure accélérée pour une adoption définitive d’ici fin mars. Les débats en chambre risquent d’être animés, puisque plus de 7 000 amendements au texte ont d’ores et déjà été déposés par les groupes politiques, dont près de 6 000 rien que pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). La mobilisation se fait également dans la rue, avec une première journée de manifestation inter-syndicale le 19 janvier qui a rassemblé plus d’1 million de français. Pour le moment le Gouvernement tient sa ligne et semble déterminer à aller au bout du processus parlementaire.

Une réforme qui doit assurer l’équilibre du système de retraite

Se basant sur les projections financières du Conseil d’orientation des retraites, qui anticipe une dégradation du solde financier des régimes de retraite de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros par an d’ici 2030, le Gouvernement a souhaité prendre des mesures permettant d’améliorer le rendement du système avec comme objectif affiché d’assurer strictement l’équilibre financier à horizon 2030.

Trois leviers pouvaient être mobilisés pour réaliser les économies nécessaires : augmenter le niveau des cotisations (une option rejetée immédiatement car contraire à l’engagement du Président de la République de ne pas augmenter les charges qui pèsent sur travail), baisser le niveau des pensions (option également rejetée pour des raisons politiques évidentes) ou augmenter la quantité de travail. C’est ce dernier levier qui a donc été retenu, avec deux mesures complémentaires applicables dès le 1er septembre prochain :

  • Un report progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, à raison de 3 mois supplémentaires par génération. La mesure sera donc pleinement effective en 2030 ;
  • Une accélération du calendrier de la réforme Touraine [1] à raison d’1 trimestre de retraite par génération pour atteindre les 43 annuités de cotisations requises, soit 172 trimestres, dès 2027.

A noter que l’âge d’obtention du taux plein automatique, fixé à 67 ans actuellement, ne sera pas modifié afin de ne pas pénaliser ceux qui ont des carrières « hachés », et en particulier les femmes.

Une réforme qui tient compte des spécificités de certaines carrières

L’augmentation de la quantité de travail ne peut être uniforme, elle doit évidemment tenir compte des typologies de carrière et de l’état de santé des assurés. Un carreleur n’a pas les mêmes conditions de travail qu’un cadre dans le secteur tertiaire par exemple. Idem pour un travailleur handicapé par

rapport à une personne valide. Le système de retraite a mis en place des mécanismes permettant de « corriger » ces inégalités de fait, qui sont maintenus voire renforcés par la nouvelle réforme.

S’agissant du dispositif « carrières longues » tout d’abord, la réforme prévoit une refonte du dispositif avec la mise en place d’un système en 3 « paliers » :

  • Départ anticipé possible dès 58 pour ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans sous condition d’avoir acquis 176 trimestres ;
  • Départ anticipé à partir de 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans sous condition d’avoir acquis également 176 trimestres ;
  • Départ anticipé à partir de 62 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans sous condition d’avoir acquis la durée d’assurance requise pour le taux plein, soit 172 trimestres.

Une nouveauté : la prise en compte de périodes de cessation ou de réduction de l’activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant (type congé parental) ou d’une personne malade (aidants familiaux) pour le calcul du nombre total de trimestres cotisés requis ouvrant droit au départ anticipé « carrières longues ».

Les dispositifs dérogatoires liés à l’état de santé sont par ailleurs préservés : retraite pour invalidité ou inaptitude (à partir de 62 ans), retraite au titre des travailleurs handicapés (à partir de 55 ans) ou encore pour les travailleurs de l’amiante (dès 50 ans).

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Une réforme pour mieux protéger les plus « fragiles »

Il s’agit tout d’abord de mieux prendre en compte les situations d’usure professionnelle :

  • Le compte professionnel de prévention (autrement appelé C2P), qui permet de prévenir et réparer l’usure professionnelle en attribuant des points aux salariés exposés à l’un des six facteurs de risques identifiés [1], sera renforcé : abaissement des seuils d’exposition, augmentation du rendement des points et création d’un nouvel usage, le congé de reconversion (en plus des usages existants à savoir financer une formation, un passage à temps partiel ou un départ anticipé à la retraite).
  • Une liste de métiers exposés à des troubles musculosquelettiques (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques) sera élaborée. Elle permettra l’accès à un double dispositif : création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure au travail permettant de financer des plans de prévention au niveau de chaque branche professionnelle, mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés exposés pouvant déboucher sur une reconnaissance de l’inaptitude avec départ anticipé à 62 ans.
  • Le dispositif de départ anticipé dès 60 ans au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (dispositif « Woerth-Bertrand » 2010) sera assoupli : la condition de durée d’exposition à des facteurs de pénibilité est réduite de 17 ans à 5 ans, la condition selon laquelle un accident du travail doit occasionner une lésion identique à celles susceptible d’être indemnisées au titre d’une maladie professionnelle est supprimée.

Les « petites retraites » doivent être améliorées afin de permettre aux retraités qui ont une carrière complète de percevoir au moins 85 % du SMIC, un objectif de longue date. Le minimum de pension sera augmenté en conséquence. Son montant sera désormais indexé sur l’évolution du SMIC au moment du départ en retraite. Une fois accordée, la pension de retraite sera indexée sur l’inflation chaque année, pour ne pas créer de différenciation avec les autres retraités.

S’agissant de l’emploi des seniors, le texte prévoit principalement deux mesures :

  • La création d’un index senior sur le modèle de l’index égalité professionnelle visant à mesurer les efforts fournis par les entreprises en matière d’emploi des seniors, avec une application dès 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés (2024 pour les entreprises de 300 salariés et plus), et un mécanisme de sanction indexé sur les performances en cas de non publication des résultats.
  • Le renforcement des mécanismes de transition emploi retraite. La retraite progressive sera élargie aux fonctionnaires et les conditions d’accès en seront assouplies (demande de temps partiel accordée automatique sauf incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise). Le rendement du cumul emploi retraite sera amélioré, puisque désormais les cotisations retraite versées au titre de l’activité reprise permettront d’acquérir de nouveaux droits à pension.

Enfin, plusieurs mesures nouvelles sont prévues afin de corriger les inégalités de carrière. On pourra notamment citer l’élargissement du champ des bénéficiaires de trimestres accordés aux aidants familiaux, et la réintégration de trimestres « oubliés » pour les bénéficiaires des ex-TUC (travaux d’utilité collective).

Une réforme qui s’applique quel que soit le statut, public ou privé

La suppression des « régimes spéciaux » de retraite, qui bénéficient de règles de calcul et de départ en retraite spécifiques, était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron dès son premier mandat. C’est donc assez logiquement que le projet de texte prévoit une mesure de ce type : les principaux « régimes spéciaux » restants, notamment le régime des industries électriques et gazières (IEG) et le régime de la RATP, devront fermer progressivement selon le principe de la « clause du grand père ». Les nouveaux embauchés à compter de 2023 seront directement affiliés au régime des salariés pour le risque vieillesse. Ceux déjà en poste restent affiliés à leur régime statutaire.

L’augmentation de la quantité de travail sera applicable dans la Fonction publique, à l’exception des fonctionnaires dits en « catégories actives » [1] et des militaires, qui conserveront un droit à partir plus tôt compte tenu de leurs sujétions particulières de service public et d’exposition aux risques professionnels.

Au-delà de l’augmentation de la quantité de travail, qui concentre l’essentiel des oppositions au texte, certaines mesures ont créé la polémique ces dernières semaines. En effet le nouveau dispositif « carrières longues » (cf. supra) est perçu comme négatif par une bonne partie de l’opinion, avec un nombre de trimestres requis pour partir avant 16 ou 18 ans (176 trimestres) jugé trop important. Par ailleurs la mesure d’âge pourrait pénaliser avant tout les populations aux carrières « hachées », et notamment les femmes. Des modifications pourraient donc être apportées au texte, le cas échéant.


Références :

[1] Loi du 20 janvier 2014. Le texte prévoyait notamment l’augmentation progressive de la durée d’assurance requise pour le taux plein de 41,5 à 43 annuités d’ici à 2035, à raison de 3 trimestres par génération.

[2] Les activités exercées en milieu hyperbare (hautes pressions), les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif.

[3] Un emploi public de catégorie active est un emploi qui présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Sous condition d’avoir travailler un certain nombre d’années dans un emploi de ce type, le fonctionnaire pourra bénéficier de conditions de départ en retraite plus favorables.

 

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