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Partager la publication "Décret sur les lanceurs d’alerte : les clés sont remises aux administrations tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements"
Prolongement de la liberté d’expression, le droit d’alerte né sous la plume du législateur en 2013 qui consacre – sans toutefois le définir – une première garantie contre toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire « (…) pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » au sein de l’article L1132-3-3 (dans sa rédaction en vigueur) du Code du travail.
À cette première pierre, la loi n° 2016-1691 dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 apporte les véritables fondations à l’édifice. Pourvu d’une définition, et irresponsable pénalement, le lanceur d’alerte se pare en outre d’un statut unifié et dispose d’une procédure de signalement. Consacrée par l’ancien article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portants droits et obligations des fonctionnaires, pareille protection est accordée au fonctionnaire qui alerte.
Palliant le retard pris dans la transposition de la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019 à la visée unificatrice, la France poursuit l’élévation de l’ouvrage en dotant le lanceur d’alerte de garanties supplémentaires par deux lois « Waserman » – loi organique n° 2022-400 et loi ordinaire n° 2022-401 du 21 mars 2022 – déclarées conformes à la Constitution à l’exception d’un cavalier législatif (Décision n° 2022-838 DC et décision n° 2022-839 DC du 17 mars 2022). La définition du lanceur d’alerte s’en trouve assouplie : une absence de contrepartie financière est préférée à la « manière désintéressée » avec laquelle le lanceur devait agir ; est également supprimée la condition selon laquelle le lanceur d’alerte devait avoir « personnellement » connaissance des faits qu’il signalait tout comme le caractère « grave et manifeste » de la violation de la règle, à laquelle est ajoutée « une tentative de dissimulation d’une violation du droit ». Les voies que peut emprunter le lanceur d’alerte sont surtout simplifiées, celui-ci pouvant choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l’autorité compétente, au Défenseur des droits (à qui il incombe d’orienter et de conseiller les lanceurs d’alerte), à la justice ou à un organe européen. La loi renforce enfin les garanties de confidentialité qui entourent un signalement, complète la liste des représailles interdites, et institue des mesures de soutien psychologique et financier.
Le dernier texte – décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 – apporte les finitions à la construction : fixation des modalités suivant lesquelles sont établies les procédures internes de recueil et de traitement des signalements et les procédures adressées aux autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022.
Personnes tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements
- Les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents (les modalités d’appréciation du seuil sont fixées par décret), à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;
- Les administrations de l’État ;
- Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés ;
- Toute autre entité relevant du champ d’application des actes de l’Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l’annexe à la directive (Union Européenne) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
Régime juridique du signalement interne
Instrument juridique
La notice prévoit que chaque entité concernée détermine l’instrument juridique le mieux à même de répondre à l’obligation d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements.
Dans les administrations centrales, les services à compétence nationale et les services déconcentrés relevant des administrations de l’État, la procédure interne de recueil et de traitement des signalements est instaurée par arrêté du ou des ministres compétents, après avis des comités sociaux d’administration.
Les autorités publiques indépendantes d’au moins cinquante agents et les autorités administratives indépendantes établissent quant à elles leur procédure interne dans des conditions et selon des modalités précisées par ces autorités et conformément aux règles qui les régissent, après consultation des instances de dialogue social.
L’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 prévoit en outre que les entités employant moins de deux cent cinquante salariés peuvent mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements. Il en est de même des communes et de leurs établissements publics employant moins de deux cent cinquante agents.
Si ces derniers sont membres d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, ils peuvent confier à celui-ci le recueil et le traitement des signalements internes dans les conditions prévues à l’article L. 452-43-1 du Code général de la fonction publique, quel que soit le nombre de leurs agents.
Canal de réception des signalements
La procédure instaure un canal de réception des signalements qui permet à toute personne d’adresser un signalement par écrit ou par oral, selon ce que prévoit la procédure. Si la procédure prévoit la possibilité d’adresser un signalement par oral, elle précise que ce signalement peut s’effectuer par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur la demande de l’auteur du signalement et selon son choix, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande.
Le canal de réception des signalements permet de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement de faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée.
L’auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de sept jours ouvrés à compter de cette réception.
Traitement du signalement
L’entité vérifie, sauf si le signalement est anonyme, que les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée sont respectées. Elle peut, à cette fin, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.
La procédure prévoit que l’auteur du signalement est informé des raisons pour lesquelles l’entité estime, le cas échéant, que son signalement ne respecte pas ces conditions et précise les suites données à ces signalements.
Elle précise également les suites données aux signalements anonymes.
Lorsque les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée sont respectées, l’entité assure le traitement du signalement.
Elle peut, afin d’évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.
Lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement.
La procédure prévoit que l’entité communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut d’accusé de réception, trois mois à compter de l’expiration d’une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l’objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières.
L’entité procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet. La procédure prévoit que l’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier.
Garanties de la procédure
La procédure garantit l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné.
Elle interdit l’accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés à en connaître en application du I de l’article 5 du présent texte. La procédure prévoit la transmission sans délai aux personnes ou services mentionnés au I de l’article 5 des signalements reçus par d’autres personnes ou services.
Les informations recueillies ne peuvent être communiquées à des tiers que si cette communication est nécessaire pour traiter le signalement et dans le respect des dispositions du I de l’article 9 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée.
Tout signalement effectué oralement est consigné, selon ce que prévoit la procédure. L’auteur du signalement a la possibilité de vérifier, de rectifier et d’approuver la transcription de la conversation ou le procès-verbal par l’apposition de sa signature.
Les enregistrements, transcriptions et procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent.
Toute entité peut prévoir dans sa procédure que le canal de réception des signalements est géré pour son compte en externe par un tiers.
Services compétents pour le recueil et le traitement
La procédure indique la ou les personnes ou le ou les services désignés par l’entité pour recueillir et traiter les signalements.
Le canal de réception des signalements et le traitement de ceux-ci peuvent être gérés par des personnes ou services différents.
Les personnes ou services désignés doivent disposer, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions.
Dans la fonction publique, le référent déontologue peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements.
Information sur cette procédure de signalement interne
La procédure est diffusée par l’entité concernée par tout moyen assurant une publicité suffisante, notamment par voie de notification, affichage ou publication, le cas échéant sur son site internet ou par voie électronique, dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente.
L’entité met également à disposition des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe.
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Régime juridique du signalement externe
Tout lanceur d’alerte peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement :
- à l’une des autorités dont la liste par domaine est établie en annexe au présent décret. Ces autorités établissent une procédure de recueil et de traitement des signalements conformément aux dispositions réglementaires ;
- au Défenseur des droits, qui l’oriente vers la ou les autorités les mieux à même d’en connaître ;
- à l’autorité judiciaire ;
- à une institution, à un organe ou à un organisme de l’Union européenne compétent.
Les clés de l’édifice sont à présent remises aux administrations concernées tenues de mettre en œuvre une procédure interne, sans toutefois que leur action ne soit enserrée dans un délai, ni leur inaction sanctionnée par un texte…