Réforme des retraites : acte 1, emploi des seniors et prévention de l’usure professionnelle

La réforme des retraites, véritable « serpent de mer » depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017, redevient un sujet brûlant alors que le pic de la crise économique et sanitaire qui a bousculé l’agenda politique depuis mars 2020 semble derrière nous.

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Réforme des retraites : retour vers le futur, comment améliorer l’employabilité des séniors et mieux prendre en compte l’usure au travail ?

Finies les ambitions de réforme systémique avec la création d’un système universel de retraite par points, jugé trop complexe et trop anxiogène. Abandonnée également l’idée d’une réforme purement « financière » qui se bornerait à des mesures paramétriques censées résorber le déficit structurel des retraites.

Pour être pleinement efficace et acceptable par les parties prenantes, en particulier des organisations syndicales de salariés (très hostiles au projet), le Gouvernement a décidé de ne pas traiter le sujet uniquement sous l’angle de l’augmentation de la quantité de travail et d’un éventuel recul de l’âge de la retraite. La future réforme devra également tenir compte des enjeux d’emploi et de reconversion des séniors, d’équité et d’usure au travail.

Après avoir un temps envisagé de « passer en force » par la loi de financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement a finalement décidé de privilégier le dialogue : une concertation pilotée par le ministre du Travail Olivier Dussopt a été lancée début octobre avec les organisations syndicales et patronales représentatives, à l’issue de laquelle le Gouvernement fera des arbitrages et présentera un projet de loi dédié en vue d’une mise en œuvre au début de l’été prochain.

Après avoir resitué le contexte et les enjeux, nous évoquerons les premières pistes mises sur la table par le Gouvernement.

Le système de retraite devra faire face à court terme à un déficit structurel durable

L’analyse réalisée par le Conseil d’orientation des retraites sur la situation et les perspectives du système de retraite dans son dernier rapport publié le 15 septembre dernier ne laisse guère de place aux doutes : si la situation s’est redressée en 2021 (excédent de 900 millions d’euros) après plusieurs années de déficits, et devrait encore s’améliorer en 2022 (+ 3,2 milliards d’euros), ce bon résultat traduit surtout un phénomène conjoncturel lié au rebond d’activité après la crise sanitaire.

Sans réforme, la situation devrait en effet se dégrader à nouveau dès 2023 et sur une longue période. A moyen terme, le déficit devrait atteindre une dizaine de milliards d’euros en 2027, et même une vingtaine de milliards d’ici 2032, quelles que soient les hypothèses économiques ou démographiques utilisées.

Cela s’explique non pas par une augmentation du niveau de dépenses de retraite, qui devrait rester globalement stable même s’il a atteint 345 milliards d’euros en 2021 (23,4 % de l’ensemble des dépenses publiques) soit près de 15 % de la richesse produite par le pays, mais par une diminution des recettes. Outre une faible croissance économique, cela s’expliquerait également par les mesures d’économie réalisées sur la masse salariale de la fonction publique.

La problématique n’est pas uniquement financière, il y a également un sujet d’équité intra et intergénérationnel. À législation constante, le taux de remplacement (ratio entre le niveau de salaire et le niveau de pension) devrait diminuer sensiblement, passant de 50 % en 2020 à 31 % en 2070, avec en conséquence une baisse du niveau de vie relatif des retraités. Les modalités actuelles de calcul de la retraite sont par ailleurs génératrices d’inégalités entre les secteurs d’activité (privé, fonction publique, régimes spéciaux) ou encore entre les sexes qui doivent être traitées.

Fort de ces constats, le Gouvernement a donc (re)confirmé son intention de réformer le système. Il s’agit de prendre une ou des mesures paramétriques afin d’assurer la pérennité financière du système, tout en intégrant des mesures « sociales » ambitieuses.

La concertation est séquencée autour de 3 « cycles » pour une conclusion d’ici la fin de l’année :

  • « Emploi des séniors et prévention de l’usure professionnelle » (en cours)
  • « Equité et justice sociale » (à compter du 7 novembre)
  • « Equilibre du système des retraites » (à compter du 28 novembre)

Lancement du cycle 1 de la concertation « Emploi des seniors et prévention de l’usure professionnelle »

Ce 1er cycle de concertation a été décomposé en sous-thématiques par le Gouvernement :

  • Freins au maintien et au retour en emploi des seniors
  • Dispositifs de transition entre l’activité et la retraite
  • Prévention de l’usure professionnelle tout au long de la carrière
  • Départs anticipés
  • Accès à la formation des seniors, incitations au retour en emploi et lutte contre les discriminations liées à l’âge

Sur la meilleure prise en compte de l’usure professionnelle

Il s’agit d’un des sujets les plus sensibles, car très complexe, de cette concertation. L’ensemble des organisations syndicales ont fait de la pénibilité au travail un enjeu prioritaire qui conditionnera tout soutien éventuel (mais peu probable) à une mesure d’âge.

Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé son intention de « renforcer » le mécanisme du compte professionnel de prévention (C2P) pour mieux prendre en compte l’évolution des risques professionnels dans le secteur privé. Pour mémoire son fonctionnement repose sur le cumul de points par les salariés en fonction de leur exposition à une liste de risques, utilisables sous différentes formes et dans des conditions précises : formation professionnelle, passage à temps partiel sans perte de rémunération et anticipation du départ en retraite.

Une réflexion est en cours afin de supprimer le plafond d’acquisition de points (100 maximum actuellement) et permettre à ceux exposés simultanément à plusieurs risques d’accumuler davantage de points. Les droits pourraient par ailleurs être ouverts pour le bénéfice d’un congé de reconversion longue durée, sans plus de précisions à ce stade.

Si la réintégration dans le C2P des 4 facteurs de risques exclus en 2017 (Manutentions manuelles de charges, Postures pénibles, Vibrations mécaniques, Agents chimiques dangereux) n’est pas envisagée à ce stade, le Gouvernement pourrait demander aux branches professionnelles de négocier rapidement sur le sujet.

Aucune annonce n’a pour le moment filtré sur d’éventuelles mesures applicables à la Fonction publique. Le mécanisme des catégories actives ne serait pas remis en cause mais pourrait évoluer dans le prolongement des mesures prises pour le secteur privé.

Enfin, le dispositif carrière longue, qui n’est pas directement lié à l’usure au travail, devrait être conservé mais avec des conditions de départ plus tardives et éventuellement des conditions d’entrées plus restrictives (à définir).

 

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Sur le renforcement de l’employabilité des seniors

L’acceptabilité d’une réforme dont la mesure phare consisterait à relever l’âge légal de départ de manière significative (de 62 à 65 ans) nécessite de trouver des solutions nouvelles pour maintenir ou réinsérer les seniors dans l’emploi.

En effet, alors que le taux d’activité des 25-49 ans en France est comparable à la moyenne de la zone euro (respectivement 87,8 % et 86,2 %), celui des 60-64 ans est très nettement inférieur  : 35,4 % en France contre 48,7 % en moyenne dans la zone Euro, ou encore 63,7 % en Allemagne, 47,2 % en Espagne et 43,6 % en Italie [données OCDE 2021].

Si ce taux a progressé significativement ces dernières années, essentiel grâce aux réformes successives des retraites (+ 22 points depuis 2005), il reste particulièrement bas. Les demandeurs d’emploi seniors, en particulier, ont énormément de mal à se réinsérer. Les difficultés importantes qu’ont ces populations à accéder à la formation ou à tout autre dispositif de reconversion professionnelle expliquent peuvent expliquer en partie cette situation.

Le Gouvernement a évoqué aux partenaires sociaux la piste d’une « assurance-salaire », qui permettrait aux demandeurs d’emploi de 55 ans et plus une conservation partielle de leur allocation s’ils acceptent un poste moins bien rémunéré que le précédent.

Les freins financiers au recrutement de seniors par les entreprises doivent également être levés. La rémunération des salariés progressant en général tout au long de la carrière, les travailleurs seniors représentent une charge significative pour l’entreprise, ce qui peut être désincitatif au maintien dans l’emploi. Plusieurs pistes sont à l’étude : la mutualisation du coût des maladies professionnelles des seniors (qui pèse sur le dernier employeur), et l’assouplissement du régime indemnitaire de la mise à la retraite (très coûteux pour l’entreprise).

Concernant la formation, l’objectif est de mieux accompagner les salariés dans leur seconde partie de carrière : la mise en place vers 45 ans d’un accès privilégié aux dispositifs de prévention de la perte d’employabilité via l’entretien professionnel ou le bilan de compétences, avec un accès facilité à la formation continue, est envisagé.

Pour inciter les entreprises à recruter et conserver leurs seniors, un mécanisme d’index pourrait être mis en place sur le modèle de l’index égalité professionnelle avec système de notation et sanctions financières le cas échéant.

Enfin, les dispositifs de transition emploi retraite (cumul emploi retraite et retraite progressive) encore trop méconnues et peu utilisés, devraient être rénovés afin d’en faciliter l’accès.

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