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On se souvient d’un premier acte retentissant lorsque le législateur supprimait, par l’article 47 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, la possibilité pour les collectivités locales de maintenir « les régimes de travail mis en place antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 » (ancien article 7-1 alinéa 3, loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) en vertu desquels le temps de travail annuel pouvait être inférieur aux 1 607 heures réglementaires. Le législateur prescrivait alors aux collectivités concernées de définir, dans un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes, de nouvelles règles relatives au temps de travail dans les conditions fixées à l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984.
L’élément perturbateur – les refus opposés par certaines communes aux préfets de se mettre en conformité avec ces dispositions – suscitait la réaction du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qui, par ordonnance du 31 janvier 2022 (n° 2200066 ; 2200082 ; 2200117 ; 2200159), suspendait l’exécution des décisions de refus et enjoignait chacune des communes de Bobigny, Stains, Noisy-le-Sec, Tremblay-en-France et Montreuil de délibérer, à titre provisoire, dans un délai de quarante jours afin de respecter les 1 607 heures annuelles. Pareille réponse fut apportée à Melun par le juge des référés qui, à l’instar de son confrère montreuillois, sommait les communes de Villejuif, Bonneuil-sur- Marne, Fontenay-sous-Bois, Vitry-sur-Seine et Ivry-sur-Seine, d’adopter sous quatre mois un nouveau règlement du temps de travail par cinq ordonnances du 3 mars 2022 (n° 2201149 ; 2201150 ; 2201151 ; 2201153 ; 2201182).
Survenait une nouvelle péripétie alors que quatre des communes récalcitrantes contestaient la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 47 précité de la loi du 6 août 2019, qui faute d’être justifiées par un objectif d’intérêt général méconnaîtraient le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ; questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par le tribunal administratif de Melun au Conseil d’État ; Cour suprême qui acceptait à son tour le renvoi au Conseil constitutionnel (CE, 1er juin 2022, n° 462193, 462194, 462195, 462196).
Les sages de la rue Montpensier ont tranché le 29 juillet dernier.
« Si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c’est à la condition [rappelle en premier lieu le Conseil constitutionnel] que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d’intérêt général, qu’elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu’elles n’entravent pas leur libre administration et qu’elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée. »
Or, affirme le Conseil, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu contribuer à l’harmonisation de la durée du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale ainsi qu’avec la fonction publique d’État dans le double but de réduire les inégalités entre les agents et de faciliter leur mobilité. Le législateur a en conséquence poursuivi un objectif d’intérêt général.
Le Conseil constitutionnel ajoute que « les dispositions contestées se bornent, en matière d’emploi, d’organisation du travail et de gestion de leurs personnels, à encadrer la compétence des collectivités territoriales pour fixer les règles relatives au temps de travail de leurs agents » avant de rappeler que « les collectivités territoriales qui avaient maintenu des régimes dérogatoires demeurent libres, comme les autres collectivités, de définir des régimes de travail spécifiques pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions de leurs agents » et de décider alors que le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas méconnu.
Répondant enfin au grief selon lequel les dispositions porteraient une atteinte injustifiée à l’économie des contrats de travail conclus par les collectivités avec leurs agents contractuels, en méconnaissance de la liberté contractuelle, le Conseil constitutionnel asserte qu’aucune atteinte n’est portée à la liberté contractuelle par la modification du cadre légal dans lequel sont placés les agents publics en matière de temps de travail.
Les sages statuent en conséquence : les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Alors que ce dénouement devrait conduire les collectivités rétives à délibérer sur les 1 607 heures, la situation finale pourrait s’orner de quelques aménagements sur le fondement de l’article 2 du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001persistant.