Salariés en arrêt maladie : peut-on s’en séparer ?

Un arrêt de travail pour maladie d’un salarié peut entraîner des dysfonctionnements dans l'organisation de l'entreprise. Et, l’employeur peut songer alors à s’en séparer pour faire face aux difficultés rencontrées au sein d’une équipe. Dans quelles conditions cela est-il possible ? Que dit la loi à ce propos ?

Il convient déjà de distinguer l’origine de l’arrêt de travail. Lorsque cet arrêt résulte d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, le salarié ne peut faire l’objet d’un licenciement sur ce motif, alors qu’en maladie dite ordinaire, il serait envisageable pour l’employeur de se séparer du salarié.

Cet article a été publié il y a 2 ans, 4 mois.
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Salariés en arrêt maladie : peut-on s’en séparer ?

En effet, que ce soit des arrêts de courte durée ou un arrêt maladie de longue durée, l’absence du ou des salariés peut impacter l’organisation de l’entreprise et ses performances. Un employeur pourrait alors se demander comment organiser son activité en gardant ou non le salarié. Celui-ci est protégé et s’en séparer n’est pas si simple mais il existe des situations qui ouvrent cette possibilité. Pour chaque situation, la procédure et les indemnités peuvent différer. Attention, il conviendra toutefois de vérifier que l’ensemble des critères est bien rempli tant au niveau de la qualification que pour la procédure car les risques de contentieux sont présents et peuvent entraîner des sanctions civiles ou pénales.

I. Les différentes situations possibles

Un salarié en maladie est protégé et pour s’en séparer, il devra vérifier que cette absence remplit trois conditions spécifiques :

  • L’absence, qu’elle soit longue ou encore répétée, perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise. Cette appréciation est réalisée par les juges en fonction du contexte (Cass. Soc., 2 décembre 2009, n° 08-43.486, F-D)
  • L’absence n’est pas le résultat d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Tel est le cas si le salarié est absent en raison d’absences liées à du harcèlement sexuel ou encore suite à une surcharge de travail qui aurait entrainé un burn out…
  • L’employeur a l’obligation de remplacer le salarié de manière définitive. Les juges ont précisé à plusieurs reprises les contours de ce critère, en indiquant par exemple que les compétences rares sont moins simples à remplacer. En effet, le 28 mai 2014, la Cour de cassation a indiqué qu’un poste de responsable de production est un rôle pivot qui nécessite de multiples compétences. Si son remplacement nécessite de faire appel à un autre bassin d’emploi, que le remplaçant dispose d’un statut précaire et qu’il doit le loger à l’hôtel, il peut décider, à la demande du salarié, de lui proposer un CDI sur le poste (Cass soc, 28 mai 2014, n° 13-12.476, F-D).

L’analyse de ces trois critères est réalisée au cas par cas par les juges et il convient alors d’étudier les circonstances du licenciement. A titre d’exemple, seront pris en compte les qualifications du poste. Le faible niveau de qualification et un niveau de compétences opérationnelles ne justifieront pas le licenciement. De même, la taille de l’entreprise aura un impact sur les potentiels dysfonctionnements qu’engendrerait l’absence du salarié. Si la taille de l’entreprise est petite, dans ce cas, il sera plus aisé pour l’employeur de rapporter la preuve d’une perturbation pour l’activité et l’entreprise.

A noter, il est primordial de vérifier si la convention collective de branche ou un accord d’entreprise ne prévoit pas une clause de garantie d’emploi qui interdit à l’employeur de licencier sur ce motif pendant une durée spécifique, par exemple 3 ou 6 mois.

A titre d’exemple, l’article 35 de la Convention collective nationale du négoce de l’ameublement du 31 mai 1995 prévoit que :

« La maladie ou l’accident justifié conformément à l’article précédent ne rompt pas le contrat de travail. Le salarié absent pour maladie ou accident bénéficiera d’une garantie d’emploi :

  • de 6 mois si son ancienneté est comprise entre 1 an et 5 ans ;
  • de 1 an si elle est supérieure à 5 ans.
Si l’absence se prolonge au-delà des durées précitées et dans le cas où, sous peine de compromettre le fonctionnement de l’entreprise ou d’un service, il apparaîtrait indispensable de remplacer effectivement et définitivement le salarié malade, l’employeur pourra rompre le contrat de travail en respectant la procédure de licenciement prévue aux articles L. 1232-2 et suivants du code du travail. »

A côté de cette possibilité, il est aussi possible de licencier un salarié pour motif disciplinaire, s’il a commis une faute par exemple avant son arrêt maladie, ou s’il n’a pas justifié son absence (Cass soc, 13 janvier 2021, n°19-10.437).

De même, si l’entreprise rencontre des difficultés économiques, si elle doit faire face à des transformations technologiques, décide d’une sauvegarde de la compétitivité ou encore si l’entreprise ferme totalement, l’employeur peut licencier un salarié malade pour motif économique.

En outre, la maladie du salarié peut entraîner une inaptitude déclarée par le médecin du travail, En effet, la maladie du salarié peut entraîner des séquelles qui impactent son aptitude à tenir son poste de travail. Si l’employeur lui a proposé un reclassement et que le salarié l’a refusé ou qu’il peut rapporter la preuve de son impossibilité à proposer un reclassement au salarié, il peut décider d’engager une procédure de licenciement pour inaptitude.

Enfin, un salarié malade peut être licencié pour insuffisance professionnelle. Tel est le cas lorsqu’un plan d’accompagnement a été mis en place mais que le salarié ne parvient pas à tenir les objectifs qui lui ont été fixés. L’employeur devra rapporter la preuve que tout a été mis en place pour accompagner le salarié et l’aider à faire face aux difficultés qu’il rencontre. Mais, attention, les absences du salarié en raison de sa maladie doivent justifier une proratisation des objectifs ou des missions.

Ainsi, un salarié malade peut être licencié pour une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire que l’employeur devra rapporter la preuve que le licenciement envisagé repose bien sur une cause existante et qu’elle est suffisamment grave pour justifier son départ.

II. Procédure et indemnité de rupture

En fonction du motif du licenciement, la procédure du licenciement va diverger un peu. Dans la plupart des cas, le socle de la procédure est celle applicable pour motif personnel.

L’employeur devra d’abord convoquer le salarié à un entretien préalable, puis après un délai de 5 jours, cet entretien préalable sera tenu et enfin à l’issue d’un délai de 2 jours, une notification du licenciement est adressée au salarié.

Lorsque le licenciement du salarié malade repose sur une désorganisation de l’entreprise, l’employeur devra respecter la procédure du licenciement pour motif personnel mais attention, la lettre de notification du licenciement devra comporter certaines mentions et notamment la preuve que l’absence du salarié perturbe effectivement le fonctionnement de l’entreprise et qu’il était donc nécessaire de le remplacer définitivement par un salarié en CDI.  

Quand le motif du licenciement est économique, en cas de difficultés économiques par exemple, la procédure est celle applicable pour le licenciement économique. Elle varie en fonction du nombre de salariés licenciés et de la taille de l’entreprise. Par exemple, dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur qui décide de licencier plus de 10 salariés sur 30 jours devra alors procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi…

Les indemnités varient en fonction du motif du licenciement. Par exemple, un salarié malade licencié en raison de l’impact de son absence sur le fonctionnement de l’entreprise percevra à minima une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle, une indemnité de congés payés et enfin une indemnité de préavis. Mais, s’il a commis une faute grave qui n’a pas de lien avec sa maladie, avant son arrêt par exemple, il pourra faire l’objet d’un licenciement pour faute grave et dans ce cas, il ne touchera pas son indemnité de licenciement légale ou conventionnelle, ni son indemnité de préavis. Par contre, il percevra son indemnité de congés payés.

Ainsi, la rupture du contrat entraînera une procédure spécifique en fonction du motif. Et, selon ce même motif, les indemnités seront ajustées.

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III. Les risques liés à la rupture, en cas de maladie du salarié

Le licenciement d’un salarié doit respecter certaines règles de procédure et il ne doit pas reposer sur un motif discriminatoire. Aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé (article L1132-1 du Code du travail), excepté inaptitude constatée par le médecin du travail. L’employeur peut donc licencier le salarié malade, à la condition d’être en mesure de rapporter une cause réelle et sérieuse du licenciement envisagé.

Si le licenciement du salarié repose en réalité sur un motif discriminatoire, il sera déclaré nul par les juges.

A noter ! Il existe toutefois quelques affaires dans lesquelles, le juge a reconnu que l’état de santé du salarié pouvait entraîner une désorganisation de l’entreprise qui justifiait le licenciement. Tel est le cas d’une salariée, initialement en mi-temps thérapeutique, passé ensuite en temps partiel qui a été licenciée en raison de ses absences répétées et de son mi-temps, qui désorganisaient l’entreprise. Les juges ont validé le licenciement sur ce motif (Cass soc, 5 février 2020, n° 18-17394).

Le licenciement ne doit pas intervenir dans une logique de harcèlement. Tel est le cas si le manager ou l’employeur, lui-même, harcèle le salarié pour qu’il retourne au travail alors qu’il n’est pas totalement guéri sous peine de le licencier. Un licenciement qui interviendrait dans ces circonstances ne reposerait pas sur une cause réelle et sérieuse.

En outre, le non-respect d’une clause de garantie d’emploi aura des conséquences pour l’employeur en cas de contentieux. Ainsi, le licenciement qui serait décidé et prononcé pendant une période de garantie d’emploi conventionnelle, en raison de l’impact des absences pour maladie sur l’activité et le fonctionnement de l’entreprise sera sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 févr. 1998, nº 95-44.839) et l’employeur devra en outre verser des dommages-intérêts au titre des salaires qui auraient été perçus jusqu’au terme de la période de garantie (Cass. Ass. Plén., 13 déc. 2002, nº 00-17.143).

Les applications prétoriennes de ces règles sont nombreuses. Tel fut le cas lorsqu’une employée de maison avait été licenciée sur ce motif pendant une période conventionnelle de garantie d’emploi (Cass. Soc., 28 févr. 2001, nº 99-41.149).

Spécificités : Il arrive aussi que la clause soit prévue au contrat de travail et dans ce cas, il est envisageable d’y accoler une sanction, prévue contractuellement et à l’avance, si l’employeur ne respecte pas les délais indiqués dans le texte. Il s’agit alors d’une clause pénale, qui s’impose à l’employeur et il pourra être condamné au montant indiqué dans la clause pénale. Le juge ne s’immisce pas en principe dans les affaires des parties, sauf à ce qu’elle soit manifestement excessive (Pour une application d’une clause pénale à des cas de licenciement pour maladie, voir (Cass. Soc. 15 avril 2015, n° 13-21306)

Ainsi, un salarié, alors qu’il est malade, pourra faire l’objet d’un licenciement. Mais, attention à vérifier que le licenciement repose sur un des motifs présentés ci-dessus et non sur l’état de santé du salarié. Mais, certaines situations ne sont pas réglées dans le code du travail. Tel est le cas du licenciement pour impact sur le fonctionnement de l’entreprise, ce qui donne lieu à contentieux. Il est donc attendu de cerner correctement les contours de ce type de licenciement et les risques associés.

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