[EN BREF] Intéressement et participation : quels véritables droits pour les salariés en congés de reclassement ?

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Les salariés en congé de reclassement, qui restent salariés jusquʼau terme du congé, bénéficient sur le principe de la participation et de lʼintéressement. Mais dans la pratique, leurs droits peuvent être impactés en cas de répartition en fonction de la durée de présence ou proportionnelle aux salaires, en lʼabsence de disposition conventionnelle assimilant la période de congé de reclassement à du temps de travail effectif.

Rappel sur le congé de reclassement

Hors cas de redressement ou liquidation judiciaires (Article L. 1233-75 du Code du travail), dans les entreprises, établissements ou groupes de 1 000 salariés et plus, lʼemployeur qui envisage de procéder à un licenciement économique doit proposer à chaque salarié concerné un congé de reclassement (et non un contrat de sécurisation professionnelle).

Article L. 1233-71 du Code du travail

La durée du congé est en principe de 4 à 12 mois. Néanmoins, une durée inférieure à 4 mois peut être prévue avec lʼaccord du salarié. Depuis le 1er janvier 2021, la durée du congé peut être supérieure à 12 mois et aller jusquʼà 24 mois, en cas de formation de reconversion professionnelle.

Articles L. 1233-71 et R. 1233-1 du Code du travail

Le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé dʼexécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté à la fin du congé.

Article L. 1233-72 du Code du travail

En conséquence, le contrat de travail subsiste jusquʼà la date dʼexpiration du préavis (cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-15550 FPB), de sorte que le salarié reste à lʼeffectif jusquʼau terme du congé de reclassement lorsque sa durée excède celle du préavis.

Pendant le congé de reclassement, le salarié est rémunéré comme suit :

  • Pour la période de début de congé prise sur le préavis que le salarié est dispensé dʼexécuter, il reçoit sa rémunération habituelle, soumise à cotisations comme nʼimporte quel élément de salaire.
  • Pour la période de congé excédant la durée du préavis, lʼemployeur verse à lʼintéressé une allocation de reclassement qui suit le régime des revenus de remplacement (pas de cotisations et contributions de Sécurité sociale, CSG/CRDS au titre des revenus de remplacement).

Lʼaffaire du 1er juin 2022

Le 1er juin 2022, la Cour de cassation sʼest penchée sur une affaire concernant une salariée qui avait signé une convention de rupture d’un commun accord pour motif économique à effet au 1er avril 2013.

L’intéressée, qui avait été en congé de reclassement jusqu’au 31 décembre 2016, était en litige avec son employeur, auquel elle reprochait une application irrégulière de lʼaccord dʼintéressement au titre de lʼannée 2015.

La salariée nʼavait manifestement pas eu dʼintéressement du fait de son congé de reclassement.

Lʼemployeur nʼavait apparemment pas pris en compte la période de congé pour la répartition de l’intéressement, laquelle se basait sur deux critères combinés (la durée de présence, les salaires).

Sur le principe, un salarié en congé de reclassement reste éligible à lʼintéressement et à la participation.

En 2018, la Cour de cassation avait déjà jugé que le bénéficiaire dʼun congé de reclassement restant salarié de lʼentreprise jusquʼà la fin du congé, il de-meure donc éligible à la participation aux résultats.

Cass. soc. 7 novembre 2018, n° 17-18936 FSPB

De cet arrêt de 2018, on pouvait déduire quʼil en allait de même pour lʼintéressement, ce que confirme la Cour de cassation dans son arrêt du 1er juin 2022 en visant cette fois les deux dispositifs.

La Cour commence par rappeler que sous réserve d’une condition d’ancienneté qui ne peut excéder 3 mois, tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d’intéressement bénéficient de leurs dispositions.

Article L. 3342-1 du Code du travail

En conséquence, les titulaires d’un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé, bénéficient de la participation ou de l’intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation.

Mais cette fois, et c’est l’apport de l’arrêt du 1er juin 2022 par rapport à celui de 2018, la Cour poursuit son raisonnement en précisant cette fois l’impact du congé de reclassement sur la répartition des droits.

Dans la pratique, les règles de répartition peuvent impacter les droits du salarié

Si sur le principe le salarié en congé de reclassement est bien éligible à lʼintéressement et à la participation aux résultats, les règles de répartition peuvent en revanche avoir une incidence sur ses droits, le cas échéant jusquʼà lʼen priver.

Pour sʼen tenir à lʼintéressement (dispositif qui était en litige dans notre affaire du 1er juin 2022), les sommes peuvent être réparties entre les bénéficiaires (Article L. 3314-5 du Code du travail) :

  • De manière uniforme (tout le monde reçoit la même chose).
  • Proportionnellement à la durée de présence au cours de lʼexercice.
  • Proportionnellement aux salaires.
  • Ou retenir conjointement ces critères.

À noter

On retrouve des règles similaires pour la répartition de la participation aux résultats.

Article L. 3324-5 du Code du travail

Comment prendre en compte la période de congé de reclassement qui excède la durée du préavis (celle pendant laquelle le salarié perçoit lʼallocation de reclassement), lorsque lʼaccord dʼintéressement prévoit une répartition sur la base de la durée présence ou proportionnellement aux salaires ?

Dans notre affaire, lʼaccord dʼintéressement combinait ces deux critères, en prévoyant une répartition à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l’entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l’exercice de référence.

Pour trancher le litige, la Cour est repartie des règles de base.

Sur le critère de répartition de durée de présence

Le congé de reclassement nʼest pas légalement assimilé à une période de travail effectif.

Ni de manière générale, ni par les dispositions spécifiques à lʼintéressement, puisquʼil ne fait pas partie de la liste des congés et absences assimilées à du temps de présence pour la répartition de lʼintéressement (congé de maternité, arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc. ; article L. 3314-5 du Code du travail).

En outre, dans lʼaffaire du 1er juin 2022, aucune disposition conventionnelle, et en particulier lʼaccord dʼintéressement, nʼassimilait le congé de reclassement à du temps de travail.

Dès lors, lʼemployeur était légitime à exclure les périodes de congé de reclassement du temps de présence pris en compte pour la répartition de lʼintéressement.

À noter

La Cour ne sʼest prononcée que sur lʼintéressement, mais le même raisonnement peut être appliqué pour la participation aux résultats. Sur les congés et absences assimilés à du temps de présence, on retrouve en effet des règles similaires.

Articles L. 3324-6 et D. 3324-11 du Code du travail

On notera que lorsquʼelle indique que « la période du congé de reclassement n’est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif », la Cour de cassation lʼénonce de manière générale, sans opérer de distinction entre la part de congé correspondant au préavis que le salarié aurait accompli sʼil avait été licencié et la part de congé effectué au-delà du préavis.

À la lettre, dʼaucuns pourront considérer que la Cour de cassation estime que, sauf disposition conventionnelle contraire, cʼest lʼintégralité du congé de reclassement qui nʼest pas du temps de travail effectif, et qui par conséquent pourrait être ignorée en cas de répartition en fonction de la durée de présence.

Sur le critère de répartition en fonction des salaires

En cohérence avec les règles sur le critère de durée de présence, le congé de reclassement ne fait pas partie de la liste des congés et absences au titre desquels lʼemployeur doit prendre en compte un salaire reconstitué (congé de maternité, arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc.) pour la répartition de l’intéressement.

Article R. 3314-3 du Code du travail

En outre, lʼaccord dʼintéressement en cause dans l’affaire du 1er juin 2022 renvoyait, pour le salaire servant de base à la répartition, à la définition retenue pour la taxe sur les salaires.

Article 231 du Code général des impôts

En conséquence, faute de disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif, lʼemployeur nʼavait à prendre en compte pour la répartition de lʼintéressement, ni un salaire reconstitué pour la période de congé de reclassement excédant le préavis, ni les allocations de reclassement (non soumises à la taxe sur les salaires ni aux cotisations de sécurité sociale, souligne la Cour).

Il avait donc légitimement pu ne tenir compte que de la seule prime d’ancienneté qui, en l’occurrence, avait été versée.

Dans cette affaire, si plutôt que de se référer à la taxe sur salaires lʼaccord avait retenu une référence aux salaires soumis à cotisations de sécurité sociale, il en aurait été de même, puisque lʼallocation de reclasse-ment nʼest pas soumise à cotisations (ce que la Cour a pris soin de rappeler).

À noter

Les mêmes raisonnements peuvent être appliqués pour la participation aux résultats.

En revanche, et même si ce nʼétait pas en litige dans cette affaire, la rémunération versée au salarié pendant la période de début de congé de reclassement prise sur le préavis doit, bien entendu, être prise en compte en cas de répartition proportionnelle aux salaires.

Cass. soc. 1 juin 2022, n° 20-16404 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/629702207c2a1fa9d444226f

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