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Cette situation a abouti à une couverture très disparate (tant sur la qualité de la couverture que sur le coût), et dépendante du bon vouloir de l’employeur public, lui-même contraint par les coupes budgétaires. Par exemple, dans la fonction publique d’État : un récent rapport[1] de l’Inspection générale des affaires sociales pointe « l’hétérogénéité et la baisse, depuis 2015, de la participation financière des ministères à la couverture de leurs agents. En 2017, la participation moyenne par agent était de 12 euros, avec des montants compris entre 121 euros pour les Affaires européennes et étrangères et, bonne dernière, l’Éducation nationale avec…. 3 euros. Par ailleurs, seuls trois ministères (Culture, Affaires étrangères et Armées) ont maintenu leur niveau de participation dans la durée, alors que l’enveloppe du ministère de l’Éducation nationale a baissé de moitié environ ». Le rapport a également critiqué « la méconnaissance des services de ressources humaines de la fonction publique sur ces dispositifs », particulièrement complexes.
Face à ces constats, le gouvernement a annoncé le lancement de négociations avec les organisations syndicales représentatives afin de revoir la réglementation applicable en matière de protection sociale complémentaire, en la rapprochant de celle du secteur privé. Cela doit conduire à la mise en place progressive, à partir du 1er janvier 2022, d’un niveau minimal de garanties santé et de participation financière de l’employeur pour tous les agents. Des dispositions sont également prévues en matière de prévoyance (incapacité de travail, invalidité et décès).
I. Une construction difficile et vectrice de fortes inégalités
Historiquement, l’État employeur participait à la protection sociale complémentaire de ces agents à travers des aides qu’il apportait aux mutuelles de fonctionnaires (qui bénéficiaient alors d’un quasi-monopole de fait) : subventions directes, mises à disposition de personnels et de locaux etc. Le fondement juridique de ces aides avait été instauré par un arrêté du 19 septembre 1962 (dit arrêté « Chazelle »).
Toutefois, à la suite du recours d’une mutuelle, le Conseil d’État a, en 2005, remis en cause le mécanisme au nom du principe d’égalité entre les organismes assureurs, et enjoint l’État à abroger l’arrêté. Quelques mois auparavant, la Commission européenne avait émis des recommandations similaires, conformément aux règles relatives aux aides d’État en droit européen et au principe de « concurrence libre et non faussée », qui n’étaient pas respectés.
En conséquence, les autorités françaises ont défini un nouveau cadre juridique[2] en les aides directes aux mutuelles par une participation financière des employeurs publics à la couverture de leurs agents « dès lors que les contrats souscrits garantissent la mise en œuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, actifs et retraités », un mécanisme autorisé par la réglementation européenne eut égard à son caractère social. Pour autant, ce nouveau cadre ne s’est pas décliné de la même manière dans les trois versants de la fonction publique :
- Dans la fonction publique d’État (FPE), le dispositif mis en place conduit au versement a posteriori par l’employeur public d’une aide attribuée à un organisme assureur dans le cadre d’une convention de référencement (l’organisme est choisi pour sept ans au terme d’une procédure de mise en concurrence). Le niveau de participation est déterminé par l’employeur de manière discrétionnaire. Les contrats sont souscrits à titre individuels et facultatifs.
- Dans la fonction publique territoriale (FPT), les collectivités peuvent également participer au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents soit dans le cadre d’une convention de participation[3] conclue avec un organisme assureur (contrat collectif), soit dans le cadre d’une labellisation[4] délivrée à certains organismes par des prestataires habilités par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (contrat individuel). Les contrats sont souscrits à titre facultatifs.
Dans tous les cas, les contrats doivent respecter des critères de solidarité pour être éligibles à la participation employeur :
Sur les garanties en frais de santé = écart maximum de cotisation entre actifs et retraités, niveau de cotisation décorrélé de l’état de santé, du sexe ou de la nature de l’emploi, pas d’âge maximum d’adhésion, même niveau de garanties pour tous, niveau minimal de garanties (conformément à la réglementation des « contrats responsables ») ;
Sur les garanties en prévoyance = niveau minimal de garanties, pas d’âge maximum d’adhésion, niveau de cotisation identique pour tous (FPT) ou déterminé en fonction de la rémunération (FPE).
- Dans la fonction publique hospitalière (FPH), la participation de l’employeur au financement de la protection sociale complémentaire se traduit différemment. Les agents ne peuvent prétendre à aucune aide de leurs employeurs pour la souscription d’un contrat santé ou prévoyance. En revanche ils bénéficient de la gratuité des soins médicaux qui leur sont dispensés dans l’établissement où ils exercent, et des produits pharmaceutiques qui leur sont délivrés sur prescription d’un médecin de l’établissement. Des « prestations maladie », versées via les services d’action sociale, peuvent intervenir en complément.
La situation dans la Fonction publique est donc très différente de celle des salariés. Dans le privé, la complémentaire santé a été généralisée « dès » 2013, l’employeur ayant l’obligation de participer au financement d’au moins 50% d’un contrat collectif prévoyant un niveau minimal de garanties, quelle que soit la taille de l’entreprise. Pour remédier à ces inégalités inter et intra-sectorielles, le législateur a prévu dans la Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique le lancement d’une concertation sociale afin de « …redéfinir la participation des employeurs [publics] au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs personnels ainsi que les conditions d’adhésion ou de souscription de ces derniers, pour favoriser leur couverture ». Cela s’est traduit concrètement dans une ordonnance du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique.
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II. L’ordonnance de février 2021 pose les fondations d’un nouveau régime de protection sociale complémentaire commun à toutes les fonctions publiques
L’ordonnance susvisée prévoit, comme c’était déjà le cas dans le secteur privé, que les employeurs des trois fonctions publiques participent obligatoirement au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents (prestations maladie, incapacités de travail, maternité, invalidité, décès, chômage, pensions de retraite, primes de départ ou de fin de carrière).
Sur le niveau de couverture en santé
Elle a créé un dispositif qui prévoit l’instauration d’une obligation de participation au financement de la complémentaire santé d’ici le 1er janvier 2024 au plus tard, s’agissant de la FPE, et d’ici le 1er janvier 2026 au plus tard, s’agissant de la fonction publique territoriale et hospitalière. Des discussions doivent s’ouvrir (FPT et FPH) sur le sujet.
Concrètement, la nouvelle réglementation implique de passer d’un système de contrats individuels [ou collectifs] à adhésion facultative, à des contrats collectifs à adhésion obligatoire avec une participation minimale pour les employeurs publics de 50% du montant des cotisations
La transition vers le régime cible s’engage progressivement dès 2022 dans la FPE, avec une prise en charge transitoire forfaitaire du coût de la complémentaire santé à hauteur de 25 %, quel que soit son contrat actuel. Les contrats individuels « labellisés » dans la FPT sont également maintenus sur toute la durée de la période transitoire.
Sur le niveau de couverture en prévoyance
Le texte prévoit également une participation de l’employeur à la couverture du risque prévoyance (incapacité de travail, invalidité, inaptitude ou décès). Il fixe une participation obligatoire à ces contrats à hauteur de 20 % dès 2025 pour les employeurs publics territoriaux (FPT) et un niveau minimal de garanties. Des discussions sont en cours (FPE) ou doivent s’ouvrir (FPH) dans les autres versants.
Sur le régime fiscal et social des cotisations versées
En cohérence avec l’objectif de la réforme, les employeurs publics et leurs agents pourront bénéficier du même régime fiscal et social avantageux que celui applicable aux employeurs privés (décret en cours de publication). Pour cela, il faudra que le contrat respecte un certain nombre de critères et notamment :
- Être collectif, ouvert à l’ensemble du personnel ou une catégorie d’agent « objectivée » ;
- Être obligatoire, pour tous les salariés sauf cas de dispense d’affiliation ;
- Être mis en œuvre par des organismes habilités (entreprises d’assurance, institutions de prévoyance ou mutuelle) ;
- Respecter la couverture minimale du « contrat responsable »[5] ;
- Ne pas venir en remplacement d’un élément de rémunération supprimé.
RÉGIME SOCIAL DES COTISATIONS PATRONALES
Cotisations exclues de la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale |
ART L 242-1 CODE DE LA SECURITE SOCIALE « (…) Sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale… les contributions des employeurs destinées au financement des prestations de protection sociale complémentaire (…) lorsque les garanties revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l’ensemble des salariés ou à une partie d’entre eux, sous réserve qu’ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs (…)» Ces contributions sont exonérées de charges sociales dans une certaine LIMITE (par an et par salarié) :
La fraction des contributions des employeurs excédant la limite d’exonération doit être réintégrée. |
Les contributions restantes dues |
CSG et CRDS Les contributions des employeurs sont soumises dès le 1er euro, à la CSG et à la CRDS sans abattement. Forfait social Les éléments de rémunération qui sont à la fois exonérés de cotisations de Sécurité sociale et assujettis à la CSG-CRDS, sont soumis au forfait social. |
RÉGIME FISCAL DES COTISATIONS PATRONALES
Fiscalité pour l’entreprise |
ART 39 CODE GÉNÉRAL DES IMPOTS « 1. Le bénéfice net [de l’entreprise] est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d’œuvre, le loyer des immeubles dont l’entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (…)» Les contributions patronales destinées au financement des prestations de protection sociale complémentaire sont ainsi déductibles pour l’employeur. |
Références :
- Rapport « Protection sociale complémentaire des agents publics », IGAS, juin 2019
- Article 39 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a créé l’article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
- Il s’agit d’un contrat collectif à adhésion facultative, conclu avec un opérateur unique et valable pour 6 ans
- En choisissant la labellisation, l’employeur laisse l’agent sélectionner librement son contrat et son organisme. Il choisit lui-même ses garanties en fonction de ses besoins
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F20314