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Partager la publication "Accès aux soins, réforme du « 100% santé » : A l’heure du premier bilan"
Contexte et chiffres clés
Quelques chiffres pour commencer afin de bien comprendre les enjeux. Si la France est l’un des pays de l’OCDE où le reste à charge est parmi les plus faibles en dépenses de santé (de l’ordre de 7,5 %), il s’agit d’une moyenne et la situation est plus contrastée dans trois domaines : l’optique (24 %), les aides auditives (56 %) et les prothèses dentaires (35 %).
Contrairement à d’autres postes de soins, le prix des prestations dans ces secteurs est fixé librement à un niveau bien supérieur aux tarifs de remboursement de la sécurité sociale, ce qui rend le reste à charge particulièrement élevé. Les chiffres communiqués par le ministère de la santé sont particulièrement éclairants : 16,8 % en moyenne pour les soins dentaires, 10,1 % pour l’optique et surtout 32,5 % pour les équipements auditifs[1].
La réforme est donc particulièrement favorable aux assurés ayant des consommations de soins importantes sans toutefois bénéficier d’une prise en charge complémentaire très protectrice, comme les personnes âgées. Par exemple, les 65 ans et plus subissent un reste à charge sur les aides auditives d’environ 1.500 euros, 340 euros sur les soins prothétiques dentaires et 105 euros sur l’optique.
Si l’argument financier représente logiquement le premier argument pour ne pas se soigner, les français interrogés évoquent également d’autres raisons (éloignement géographique, délai d’attente et difficulté d’obtenir un rendez-vous) dont certains plutôt surprenantes, comme la peur du diagnostic, voire franchement irresponsables (préserver son budget sortie, vacances, shopping)[2] …
Détails de la réforme
Concrètement, la réforme prévoit que les complémentaires santé responsables et solidaires (soit actuellement 95% des contrats vendus sur le marché) couvrent les frais non pris en charge par la sécurité sociale pour les soins dentaires prothétiques, les aides auditives et les dispositifs d’optique médicale compris dans un panier de soins appelé « 100 % santé ».
Focus sur le contrat santé solidaire et responsable :
Un contrat frais de santé est dit « responsable » lorsqu’il incite les assurés à avoir une attitude responsable au regard des dépenses de santé qu’ils engendrent, et impose de respecter le parcours de soins coordonnés, c’est-à-dire à consulter le médecin traitant avant tout spécialiste.
Le contrat est « solidaire » lorsqu’il proscrit la sélection médicale et que le tarif des cotisations n’évolue pas en fonction de l’état de santé.
Concrètement ces contrats doivent prendre en charge l’intégralité du ticket modérateur pour tous les actes pris en charge par l’Assurance maladie, l’intégralité du forfait journalier hospitalier et les dépenses liées au panier de soins « 100 % santé ». A l’inverse ils ne peuvent pas prendre en compte les dépassements d’honoraires, les franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux, ou les frais de transport. N’est pas non plus remboursable la participation forfaitaire de 1 € destinée à « responsabiliser » les patients.
La mise en œuvre a été progressive, la réforme étant pleinement opérationnelle depuis 2021 :
- Au 1er janvier 2020, les équipements d’optique (remboursement montures et verres), et une partie des soins dentaires (couronnes, inlays et bridges) ;
- Au 1er janvier 2021, les autres soins dentaires (prothèses amovibles) et les aides auditives (tous types d’appareils).
Côtés financeurs, les moyens ont dû être mis en œuvre pour faire bénéficier d’un remboursement intégral des équipements 100% santé : l’assurance maladie a augmenté ses bases de remboursement, plafonné les prix de vente et les honoraires entrant dans le panier. Les complémentaires santé ont dû augmenter leur prise en charge pour combler le ticket modérateur. Coût total de la mesure estimé à 1 milliard d’euros, pris en charge à hauteur de 75 % par la Sécurité sociale, et le reste par les complémentaires santé.
Côté prescripteurs, les professionnels de santé doivent obligatoirement proposer des équipements entrant dans le panier du « 100 % santé » si ils veulent pouvoir proposer à côté des équipements à tarif « libre ». Les patients/clients se voient systématiquement adresser un devis « 100% santé », même s’ils veulent acheter un équipement à tarif « libre ».
La réparation est l’axe essentiel de la réforme mais elle s’accompagne également d’un effort significatif en matière de prévention. Des engagements ont été pris avec l’accès dès le plus jeune âge à des examens médicaux de contrôle et autres actions de sensibilisation aux risques, pris en charge intégralement par la sécurité sociale. De manière générale, le curatif ne doit plus être privilégié face au préventif.
Le mouvement enclenché en 2018 touche tous les aspects de l’accès aux soins, de la prise en charge financière à la prévention, en passant par l’organisation des filières de soins (pour rationaliser le marché).
Premier bilan encourageant
Comme évoqué plus haut, les premiers résultats semblent confirmer un impact marqué de la réforme du « 100% santé » sur les dépenses de soins.
Selon le comité de suivi de la réforme, réunissant des représentants des services de l’Etat, de l’assurance maladie, et des organismes d’assurance maladie complémentaire, 10 millions de Français ont pu en bénéficier depuis son déploiement.
En audiologie, 39 % des équipements achetés l’ont été dans le cadre du « 100 % santé » entre janvier et novembre 2021. Ce sont près de 800 000 aides auditives qui ont été délivrées depuis le début de la réforme.
Sur le dentaire, ce sont 55 % des actes prothétiques dentaires qui ont été réalisés sans reste à charge sur la même période, janvier à novembre 2021. La comptabilisation du nombre d’actes correspondants est difficile, mais on estime à plus de 6 millions de Français bénéficiaires depuis 2020.
En optique, l’impact est moins important que sur les autres postes mais cela s’explique probablement par un taux de renoncement aux soins moins élevé avant réforme. 17 % des ventes ont tout de même été réalisées sans reste à charge. Plus de 4 millions de Français en ont bénéficié au total.
Des campagnes de contrôle seront régulièrement réalisées auprès des professionnels de santé afin de s’assurer qu’ils appliquent bien la réforme, avec risque de sanctions (pécuniaires ?) dans le cas contraire. En parallèle une enquête qualité doit être lancée auprès des assurés afin de mesurer le taux de satisfaction et adapter, au besoin, les paniers de soins.
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Et la suite ?
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a introduit une obligation pour les organismes complémentaires de permettre à leurs assurés de bénéficier du tiers-payant intégral sur les soins du 100 % santé. L’avance de frais a en effet été identifiée comme un des principaux freins à lever pour lutter contre le renoncement aux soins.
Cette mesure devait être effective au 1er janvier 2022 mais les acteurs de la place ont alerté sur le manque d’implication des professionnels de santé et des éditeurs de services numériques. Le déploiement a donc été reporté au 1er juillet prochain, un décret visant à encadrer le fonctionnement des services numériques de tiers payant pour se conformer à la future obligation devant être prochainement publié. La généralisation du tiers payant est aujourd’hui loin d’être acquise, de l’aveu même des acteurs de la place[3], en particulier dans le secteur dentaire.
Emmanuel Macron, considérant la réforme du « 100% santé » comme une des principales réussites de son précédent quinquennat, a laissé entendre durant la campagne présidentielle qu’il allait étendre le dispositif à d’autres domaines, et en premier lieu à l’orthodontie.
De manière générale la santé prend une place importante dans son programme avec une priorité donnée à la prévention : améliorer la détection précoce des écarts de développement (hyperactivité, dyslexie, obésité…), créer un bilan santé complet et gratuit aux âges clés (25, 45, 60 ans), accompagnement renforcé des patients ayant une maladie chronique. L’accent devra être mis sur la santé des femmes, la santé mentale, l’infertilité etc.
D’autres chantiers doivent s’ouvrir, sur le soutien au secteur hospitalier, sur la lutte contre les déserts médicaux ou encore sur l’innovation médicale.
Références :
- Etude d’impact de la loi de financement de sécurité sociale pour 2019
- Pour aller plus loin, sondage Opinion Way pour le journal Les Echos et Harmonie mutuelle sur le renoncement aux soins, novembre 2019
- Communiqué de presse CTIP, FFA et FNMF, novembre 2021