Il est probable que son contenu ne soit plus à jour.
Partager la publication "Dossier d’insuffisance professionnelle : que contient-il ?"
1. Définition de l’insuffisance professionnelle
Avant tout, il convient de rappeler que l’insuffisance professionnelle n’est pas fautive et n’entraîne donc pas de licenciement disciplinaire. La frontière n’est pourtant pas toujours aisée entre la faute simple et l’insuffisance professionnelle. Il est en effet possible pour un salarié de s’abstenir de manière fautive (Cass. Soc. 23 juin 2010 n° 09-40.073) ou de refuser de suivre de manière délibérée les procédures. Dans ce cas, il s’agit bien d’actes fautifs, car ils sont volontaires. Une sanction disciplinaire pourra lui être infligée.
L’insuffisance, quant à elle, n’a pas ce caractère fautif car il s’agit le plus souvent d’un manque de compétences ou bien des difficultés pour le salarié de mener correctement ses missions.
Alors qu’en est-il lorsque le salarié n’atteint pas les résultats fixés ? Les juges considèrent que le fait de ne pas atteindre les objectifs fixés est insuffisant en lui-même pour justifier une insuffisance professionnelle (Cass. Soc. 3 avril 2001 n° 98-44069). L’absence de résultat doit être le fait du salarié, notamment par un manque de compétences, et ne pas être le fait de l’employeur (Cass. Soc. 10 décembre 1991 n°90-44.768). L’absence de résultat doit donc être aussi une insuffisance professionnelle du salarié pour permettre à l’employeur de se séparer du salarié en se reposant sur ce motif.
L’insuffisance professionnelle ne peut donc exister que dans la durée. Il n’est pas possible de qualifier une seule erreur d’insuffisance professionnelle. De même, l’insuffisance professionnelle ne peut résulter de difficultés à tenir un poste, que le salarié viendrait d’obtenir suite à une promotion. Les insuffisances ne peuvent pas non plus concernées des tâches annexes au poste ou encore être mesurées à partir d’objectifs ou de missions impossibles à remplir…
Enfin, les difficultés des salariés doivent être prises en compte par l’employeur qui a pour obligation de veiller « au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (article L.6321-1 du Code du travail). Il doit donc s’assurer que les salariés possèdent les moyens nécessaires à la réalisation de leur mission et a accès à toute formation nécessaire à l’acquisition des compétences nécessaires. Lorsque le métier évolue, il est primordial d’accompagner les compétences mais aussi attendre le temps nécessaire afin de s’adapter aux nouvelles procédures, aux nouveaux outils, à l’évolution des valeurs de l’entreprise…
Pour rapporter la preuve de cet accompagnement, l’employeur doit donc mettre en place un plan d’action adapté pour chaque salarié qui rencontre des difficultés. Et, cet accompagnement doit être ciblé et ordonné dans un document écrit, récapitulatif.
A partir de l’ensemble des éléments fournis ci-dessus, on pourrait donc définir l’insuffisance professionnelle comme la difficulté durable d’un salarié à réaliser de façon satisfaisante les missions nécessaires à la tenue de son poste de travail.
2. Les conséquences de l’insuffisance professionnelle
Quand l’employeur souhaite engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, il doit convoquer le salarié à un entretien préalable (article L. 1232-2 du Code du travail). La procédure commence donc par une convocation à entretien préalable par le bais d’un courrier recommandé ou d’une remise en main propre. Le salarié est alors informé qu’il peut être accompagné par toute personne de son choix appartenant à l’entreprise et s’il n’existe pas de représentants du personnel, par un conseiller du salarié.
Entre la présentation de la lettre et l’entretien s’écoule au minimum 5 jours ouvrables, ce qui laisse au salarié le temps de trouver une personne qui pourra l’accompagner. L’entretien préalable est la deuxième étape de cette procédure et vise à permettre au salarié d’expliquer son comportement et son travail. L’entretien est donc perçu comme un moyen pour le salarié de se justifier, c’est pourquoi s’il refuse d’y participer, il ne commet aucune faute. De son côté, l’employeur présentera alors les motifs de la décision envisagée (article L. 1232-3 du Code du travail)
Enfin, la troisième étape est la décision. L’employeur, s’il n’est pas satisfait par les explications du salarié, pourra décider de le licencier et le notifiera au salarié, au moins deux jours ouvrables après l’entretien (article L. 1232-6 du Code du travail).
Attention : le salarié a la possibilité sous 15 jours de demander des explications supplémentaires sur les motifs de son licenciement à l’employeur (article R. 1232-13 du Code du travail). Cette possibilité trouve son sens dans ce type de licenciement qui doit être extrêmement bien étayé.
Un licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas disciplinaire et le salarié aura le droit à certaines indemnités. Il percevra déjà son indemnité de licenciement, la valeur des congés payés qu’il a cumulée mais il obtiendra aussi ses indemnités de préavis s’il en est dispensé. Dans l’hypothèse contraire, il le réalisera. En effet, l’insuffisance professionnelle ne justifie pas que le salarié quitte immédiatement l’entreprise.
Enfin, le salarié aura le bénéfice des allocations chômage, car il s’agit d’une rupture du fait de l’employeur et à aucun moment le salarié n’a manifesté une volonté claire et non équivoque de quitter son emploi. Il pourra donc s’inscrire à Pôle emploi et bénéficier d’un accompagnement pour le retour à l’emploi, ainsi que des indemnités dont il a droit en fonction du niveau et de la durée des cotisations versées.
Votre formation sur ce thème
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
2 jours – En présentiel ou à distance
3. Focus sur le dossier d’insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle doit reposer :
- Sur des faits précis et observables. Les faits reprochés doivent correspondre à des faits réels et doivent donc être répertoriés avec précision
- Ces faits doivent entraîner des conséquences sur les projets de l’entreprise ou son fonctionnement.
- Un plan d’accompagnement proposé par l’employeur qui n’a pas apporté les résultats attendus en termes de compétences et d’efficacité professionnelle du salarié.
Des écrits sont donc indispensables pour rapporter, d’une part, la preuve, des incapacités du salarié et d’autre part, la réalisation d’un plan d‘accompagnement pour l’aider dans la réalisation de ses missions.
Attention toutefois à ce que le supérieur hiérarchique indique dans certains documents et notamment dans le compte rendu d’entretien annuel d’évaluation. En effet, des reproches relatifs aux résistances du salarié face au changement, qui aurait entraîné une plainte d’un collaborateur, mais aussi des dysfonctionnements internes assez graves et notamment le non-respect des normes réglementaires sont constitutifs d’un avertissement, d’autant plus quand l’ensemble des reproches est couplé à une demande de changement d’attitude. En respect de la règle non bis in idem, ces faits ne pouvaient donc plus faire l’objet d’une sanction disciplinaire (Cass. Soc. 2 février 2022 n° 20-13.833 F-D).
Le plan d’accompagnement est au cœur du processus. Il devra alors proposer un audit des lacunes rencontrées. Il peut alors s’agir d’un manque de travail, de difficultés à s’organiser ou encore de négligences du salarié… Cet audit est aussi le moment de faire le point sur les objectifs fixés par le supérieur. Ces derniers doivent répondre à une exigence SMART (spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporel). En effet, les juges vérifieront que les contraintes imposées au salarié en termes d’objectifs sont suffisamment claires et que ce dernier possède les moyens et le temps d’y parvenir (Cass. Soc. 6 juin 2001, n° 99-42.959). De même, le contexte devra être pris en compte dans les objectifs fixés au salarié. Ainsi, l’employeur posera que les objectifs et les missions sont réalistes, clairement définis et à la portée du salarié et aucune faute ne pourra être reprochée à l’employeur.
A partir des difficultés soulevées, le plan d’accompagnement proposera, dans un second temps, un plan d’action sur mesure, comprenant des formations, du tutorat, des rencontres avec d’autres salariés, la rédaction de procédures… Il sera projeté sur plusieurs mois et pourra être ajusté au fil du temps.
Ainsi, les juges auront des éléments de référence et pourront asseoir leur décision sur des faits vérifiables. Tel est le cas dans un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 24 juin de 2020 qui indique que« les performances [du salarié] étaient largement inférieures à la moyenne de celles des autres attachés commerciaux, et malgré l’accompagnement dont il avait fait l’objet, le salarié n’avait pas fait progresser son chiffre d’affaires et s’était maintenu à un niveau nettement inférieur à celui de ses collègues, confrontés au même contexte économique » (Cass. Soc. 24 juin 2020 n° 19-11736).
Les juges feront donc le point sur le réalisme des attentes de l’employeur, son accompagnement et les résultats obtenus suite au plan d’accompagnement.
Il est donc possible de licencier un salarié pour insuffisance professionnelle. Néanmoins, le dossier doit être complet et comprendre des éléments vérifiables, ainsi qu’un plan d’action pour que le salarié parvienne à tenir correctement son poste. Il n’est donc pas possible, suite à l’erreur d’un collaborateur, de lancer une procédure pour insuffisance professionnelle. Le processus est long et nécessite un accompagnement spécifique.