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Le sujet de la pénibilité au travail n’est pas récent. Le concept commence à apparaître dès le début de la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle. Il renvoie « à la conception du travail qu’une société se fait, à la place de l’homme dans le processus productif et à l’équilibre acceptable entre les sacrifices individuels consentis pour la collectivité par la fourniture de sa force productive et la satisfaction des besoins individuels et familiaux procurée par le travail »1. L’identification et la prise en charge des risques professionnels susceptibles d’affecter la santé des travailleurs ont beaucoup évolué dans le temps. Ainsi, ce n’est qu’en 2012 qu’une définition juridique de la pénibilité est intégrée dans le Code du travail comme visant l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail2.
I. Mécanismes de compensation de la pénibilité dans les régimes privés de retraite
En termes de droits retraite, la pénibilité au travail est traitée par des mécanismes d’anticipation de la date de liquidation des droits par rapport à l’âge légal de départ.
Il faut tout d’abord souligner que beaucoup de personnes exerçant un travail considéré comme « pénible » ne partent pas au titre de cette situation mais au titre d’autres dispositifs connexes, soit, par exemple, parce qu’ils sont reconnus invalides par l’Assurance maladie, en situation de handicap, « carrière longues » etc. Pour les autres, deux mécanismes de compensation de la pénibilité peuvent les concerner, bien différents dans leur objet, financés intégralement par des cotisations patronales.
Le premier par ordre chronologique, c’est la retraite anticipée au titre de l’incapacité permanente. Elle vise à réparer une situation médicalement constatée. Mise en place par la réforme des retraites de 20103, elle prévoit un maintien de l’âge de départ à la retraite à 60 ans, et le calcul automatique d’une retraite à taux plein, pour tous les salariés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, sous certaines conditions de taux d’incapacité et/ou de durée d’exposition au(x) risque(s). En 2021, 3 178 retraites ont été attribuées au titre de ce dispositif. 1 939 pour les hommes et 1 239 pour les femmes.
Beaucoup estimaient que le dispositif, trop restrictif, n’était pas à la hauteur des enjeux et que le traitement des situations de pénibilité, dans le cadre de la retraite, devait également revêtir une dimension préventive. Intervenir en amont de la réalisation du risque pour prévenir l’usure professionnelle.
Le sujet, complexe, a fait l’objet de longues négociations entre les organisations syndicales et patronales, aboutissant à la création, par l’intermédiaire de la dernière réforme des retraites en date4, d’un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), en dehors donc de considérations liées à un quelconque taux d’incapacité constaté, mais bien dans une démarche de prévention.
Son fonctionnement repose sur le cumul de points par les salariés en fonction de leur exposition à une liste de risques professionnels. Initialement au nombre de 10 (voir ci-dessous), ils ont été rapidement réduits à 6 face à la difficulté constatée de pouvoir évaluer l’exposition à certains risques. Le compte a été renommé compte professionnel de prévention (C2P). Les 4 facteurs de risques « retirés » du compte ont alors été réintégrés dans le dispositif de 2010.
AVANT (C3P) |
APRES (C2P) |
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Les droits liés au compte (maximum 100 points sur toute la carrière) sont utilisables sous différentes formes et dans des conditions précises : formation professionnelle, passage à temps partiel sans perte de rémunération et, bien entendu, avancer son départ en retraite. Le bénéficiaire peut anticiper jusqu’à 8 trimestres, donc 2 ans, sa date de départ.
Quelques chiffres :
En 2019, la moitié des titulaires d’un compte pénibilité travaillait dans le secteur de l’industrie manufacturière. Les secteurs des « activités de services administratifs et de soutien » et des « transports et entreposage » représentent chacun 15 % des hommes exposés.
Le secteur de l’industrie manufacturière recense également le plus d’exposées à la pénibilité parmi les femmes (un tiers). Le secteur de la « santé humaine et action sociale » représente quant à lui un peu plus d’un quart des femmes exposées et celui des « activités de services administratifs et de soutien » environ 15 %5.
A noter qu’il existe également des dispositifs particuliers pour certaines situations très spécifiques comme par exemple celui qui permet aux salariés ou anciens salariés exposés à l’amiante de cesser leur activité de manière anticipée, tout en étant indemnisés. En 2021, 2 678 retraites personnelles au titre du dispositif amiante ont été attribuées : 2 313 pour les hommes, 365 pour les femmes.
Ces différents mécanismes s’appliquent également au personnel des employeurs publics employé dans les conditions du droit privé (les agents contractuels).
II. Mécanismes de compensation de la pénibilité dans les régimes publics de retraite
Alors que la pénibilité est plutôt une notion qui fait référence à l’individu et à une situation médicalement objectivée dans le privé, la notion est plutôt utilisée dans la fonction publique au regard de catégories d’emplois exercés par les fonctionnaires. La pénibilité dans la sphère publique est reconnue quand l’exercice d’un travail présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles, de manière permanente. Il faut entendre ici les risques inhérents de façon permanente à un emploi et conduisant, par le simple exercice de cet emploi, à une usure prématurée de l’agent public qui soit telle qu’elle justifie un départ anticipé à la retraite.
Les emplois qui entrent dans le champ ces métiers sont classés en « catégories actives », dont la liste est déterminée par décrets ou arrêtés ministériels. On en retrouve dans toute la fonction publique.
On citera notamment :
- Pour la fonction publique d’Etat : personnels actifs de la police nationale, personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire, contrôleurs aériens etc.
- Pour la fonction publique hospitalière : aides-soignantes, sages-femmes, assistantes sociales etc.
- Pour la fonction publique territoriale : agents de police municipale, sapeurs-pompiers professionnels, etc.
Ces populations bénéficient, sous certaines conditions, dont principalement une durée minimale de services actifs, d’une possibilité de départ anticipé compris entre 52 et 57 ans. Sur environ 110.000 départs en retraite de fonctionnaires sur l’année 2019 (hors militaires), on en a décompté environ 7.500 dans la fonction publique d’Etat, 5.100 dans la fonction publique territoriale et 9.200 dans la fonction publique hospitalière. Soit au total près de 20% des départs constatés sur l’exercice.
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III. Pistes de réformes
Nous évoquions dans un précédent article le programme des principaux candidats à l’élection présidentielle, dont celui du président réélu, Emmanuel Macron. Celui-ci s’est notamment engagé à relever l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 voire 65 ans. Les modalités précises de la mesure devraient être discutées dans les prochains mois avec les partenaires sociaux.
Cela suscite des interrogations quand au traitement des métiers pénibles vis-à-vis de la retraite : les départs anticipés vont-ils être maintenus dans les mêmes conditions ? ou devront-ils suivre le report de l’âge légal ? le cas échéant dans quelles conditions ?
L’acceptabilité de la réforme dépendra beaucoup des « concessions » que sera prêt à faire le gouvernement sur la question. La prise en compte de la pénibilité au travail sera probablement remise sur la table. Des membres du gouvernement actuel ont déjà évoqué la possibilité d’étendre la définition de la pénibilité à l’usure professionnelle psychologique6.
Des discussions sur l’emploi des seniors et l’aménagement des fins de carrière, notamment pour s’orienter vers des métiers moins pénibles, seront également au programme des prochains mois.
Références :
- Extrait rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la pénibilité au travail, n°910, mai 2008
- Article L4161-1 du Code du travail
- Loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010
- Loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites
- Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale accident du travail maladie professionnelle, annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
- Déclaration Elisabeth Borne, ministre du Travail, sur BFMTV 18 avril 2022
Bonjour. Suite à un accident en 1996 lorsque je travaillais dans le secteur privé, je bénéficie d’une IPP de 20% qui pourrait me permettre de demander ma retraite à 60ans. Or, depuis l’année 2003, je suis dans la fonction publique territoriale. Ma DRH me dit que je ne peux pas bénéficier de ce départ anticipé car cela ne se fait pas dans la fonction publique. Merci pour votre réponse. Cordialement.