Harcèlement sexuel : quels en sont les contours ?

La notion de harcèlement sexuel évoque chez chacun des réalités différentes. Or, c’est le cadre légal qui en fixe les contours. Avec la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, cette définition juridique évolue et nous vous proposons de l’analyser pour en comprendre les enjeux. En effet, la définition du harcèlement sexuel est complétée et fixe dorénavant de nouvelles situations.

Cet article a été publié il y a 2 ans, 7 mois.
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Harcèlement sexuel : quels en sont les contours ?

Harcèlement et agissements sexistes : même combat !

Avec la loi du 2 août 2021, la notion de harcèlement sexuel évolue, car on y a ajouté les agissements sexistes. La définition initiale ne faisait aucune référence aux propos ou comportements sexistes.

En effet, l’article L1152-1 du Code du travail, dans sa dernière version, indique :

« Qu’aucun salarié ne doit subir des faits :

  1. Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  2. Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Il n’y a donc aucune référence aux propos et/ ou comportements à connotation sexiste. En s’inspirant de l’article 222-33 du Code pénal, cette approche évolue au 1er avril 2022 et après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « ou sexiste »

Les propos ou comportements sexistes font donc leur entrée dans l’article définissant le harcèlement sexuel.

Reste alors la question de la définition de cette notion, qui n’est pas toujours correctement appréhendée. Le Code du travail, dans l’article L1142-1 propose déjà une définition des agissements sexistes. Il indique en effet que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. ». Si l’on retient cette définition, un agissement sexiste consiste à adopter des comportements en fonction du genre d’une personne, qui porte atteinte à sa dignité ou entraine un environnement intimidant, hostile…

Mais, cette définition est un peu vague quand on sait que les agissements sexistes sont culturels. Il est donc possible que certains agissements soient « bienveillants », c’est-à-dire qu’ils appuient sur la complémentarité des rôles. Prenons quelques exemples d’agissements sexistes dit « bienveillants » :

  • Décider que le poste de DRH conviendrait mieux à une femme car les femmes ont un côté plus sensible et proche des autres.
  • Idem, refuser d’organiser des réunions après 17 heures, en indiquant que les femmes ont des obligations familiales après 17 heures – notamment récupérer leurs enfants à l’école ou à la garderie est aussi un comportement sexiste, qui pourtant peut être perçu comme bienveillant.

Ainsi, tous les comportements sexistes ne sont pas hostiles et le juge va devoir vérifier objectivement et juridiquement que les comportements et propos dans l’entreprise, aussi bienveillants soient-ils, ne sont pas sexistes. La tâche est rude ! Il conviendra donc d’analyser les comportements, propos ou agissements sexistes au prisme du droit et non de l’éthique et de la morale pour éviter tout débat au sein de la structure. Pour y parvenir, un travail de sensibilisation auprès des équipes doit être entrepris.

2. Une définition en deux temps

Avant d’étudier les deux temps du harcèlement sexuel au travail il convient de souligner que le Code du travail propose un ajustement par rapport au Code pénal. En effet, l’article L222-33 du Code pénal indique que le harcèlement sexuel correspond au fait d’imposer à une personne, des propos ou comportements à caractère sexuel ou sexiste. Le Code du travail, quant à lui, préfère appuyer sur le fait que le salarié ne doit pas subir de propos ou comportements sexuels ou sexistes.

L’élément intentionnel prévu dans le Code pénal n’est pas repris dans le Code du travail et donc un environnement sexuel subi par un salarié peut être constitutif de harcèlement sexuel. La question se pose alors du consentement du salarié. Devrait-il prévenir de son mal-être ? Pas forcément, dans le texte rien indique qu’il s’agit d’un préalable obligatoire.

Ainsi, il convient de ne pas limiter le harcèlement sexuel à des propositions à caractère sexuel mais si un salarié subit les blagues salaces de ses collègues, alors même qu’elles ne sont pas dirigées à son encontre ou les récits des ébats sexuels ou encore des propos dégradants sur un genre, il pourrait considérer qu’il est victime de harcèlement sexuel. La notion de harcèlement sexuel dépasse donc largement le cadre des propositions à caractère sexuel.

L’environnement de travail ne doit pas être sexuel et/ ou sexiste. Et, à ce niveau de nombreuses entreprises vont devoir prévoir des accompagnements car il est encore trop courant que des propos ou comportements y soient tolérés.

La définition du harcèlement sexuel avait déjà dans sa version antérieure identifié deux types de situations. Celle-ci sont reprises dans la nouvelle version, avec une première partie appuyant sur des actes répétés et une deuxième faisant état d’un possible acte unique en vue d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.

En effet, le harcèlement sexuel est constitué :

  1. Si le salarié subit des propos ou comportements sexuels ou sexistes répétés, qui en raison de leur caractère dégradant et offensant, portent atteinte à a dignité du salarié ou créent une situation intimidante, hostile ou offensante.
  2. Si le salarié subit une ou plusieurs pressions graves dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle pour soi-même ou un tiers.

Mais la nouvelle version apporte des précisions sur la première partie de la définition.

En effet, l’article L1153-1 du Code du travail ajoute que « le harcèlement sexuel est également constitué : Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée »

Ainsi, la répétition peut émaner de plusieurs auteurs, même si chacun n’a pas agi de façon répétée. Aussi, il est possible qu’un salarié A tienne un propos à caractère sexiste et dans le même service, un salarié B adopte, quant à lui, un comportement à caractère sexuel. Il y a répétition et cette répétition peut donc se répartir sur deux individus différents, lorsqu’ils ont agi de concert, alors même que chacun n’a agi qu’une seule fois.

Attention, l’article L1153-1 du Code du travail va encore plus loin et il est indiqué qu’il y a harcèlement sexuel :

« Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »

Le harcèlement sexuel peut donc être constitué même si les auteurs ont agi indépendamment et n’ont pas conscience que leurs propos ou comportements constituent une répétition.

Ce focus sur les auteurs de harcèlement nous amène à préciser que le harcèlement n’est pas issu uniquement du supérieur hiérarchique mais peut aussi exister entre collègues de même niveaux hiérarchiques ou encore subordonnés…

A noter : le harcèlement sexuel est sanctionné au niveau pénal par 2 ans de prison et 30000 € d’amende. Quand il relève d’un supérieur hiérarchique, on considère qu’un abus d’autorité est caractérisé et dans ce cas la peine passe à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende (article 222-33 du Code du Travail)

En conséquence, on observe qu’il y a, dans cette nouvelle version, une reconnaissance du harcèlement de groupe, que l’on retrouve dans la définition du Code pénal. On y retrouve aussi le harcèlement sexuel d’ambiance, présenté ci-dessus, quand un groupe ou un service tolère les faits de harcèlement, créant ainsi pour la victime un environnement dégradant, offensante ou humiliante.

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3. Harcèlement sexuel au regard d’autres infractions pénales

Attention, il serait réducteur de considérer que toutes les situations à caractère sexuel appartiennent à la catégorie du harcèlement sexuel. Il existe d’autres infractions qui peuvent être invoquées et dont les conséquences pénales sont différentes.

Déjà, l’injure prévue à l’article R. 621-2 du Code pénal précise que la référence à la sexualité est une circonstance aggravante. Elle est punie d’une contravention de 1ère classe.

Et on différenciera le harcèlement sexuel de la pornographie (Article R. 624-2 du Code pénal), qui pourra être sanctionnée d’une contravention de 4ème classe.

De même, il est important de souligner que le harcèlement sexuel se distingue de l’agression sexuelle ou de sa tentative. L’agression sexuelle définit à l’article 222-22 du Code pénal y est définit comme une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Les juges ont défini 5 zones du corps concernés : les seins, le sexe, la bouche, les fesses et les cuisses.  

En arrivant au travail, dire bonjour en mettant une main aux fesses à une collègue n’est pas du harcèlement sexuel mais une agression sexuelle. La peine est plus importante que pour le harcèlement sexuel puisque l’auteur d’agression sexuelle peut être condamné 5 ans de prison et 75 000e d’amende. La peine maximale est plus lourde quand il s’agit du supérieur hiérarchique.

Le viol est aussi une agression sexuelle et non du harcèlement sexuel mais, l’agression est commise avec pénétration, que ce soit vaginale, anale ou orale, y compris avec un objet ou la main. Dans ce cas, l’auteur du viol risque 15 ans de prison. En cas de circonstances aggravante, la peine monte à maximum 20 ans de prison.

Et, évidemment l’ensemble de ces infractions peuvent donner lieu à sanction disciplinaire et notamment la mise en œuvre d’une procédure de licenciement pour faute grave. L’employeur risque, quant à lui, d’être poursuivi par le ou la salarié(e) concerné(e) pour ne pas voir assurer sa sécurité.

Ainsi, le harcèlement sexuel adopte de nouvelles dimensions et les services RH ont tout intérêt à prévoir un accompagnement des équipes, pour que chacun ait conscience des nouveaux enjeux. En effet, le harcèlement sexuel intègre dorénavant le sexisme et de nouvelles situations ont été prévues afin de sanctionner les environnements de travail sexuels ou sexistes. Le Code du travail gagne en précision et malgré quelques approximations concernant la définition du sexisme, les juges auront un socle bien plus détaillé pour engager les responsabilités du ou des auteur(s) mais aussi de l’employeur.

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