Heures supplémentaires : que disent les juges ?

La notion d’heures supplémentaires semble simple à appréhender. Et, pourtant, le contentieux sur le sujet ne cesse. Les juges donnent régulièrement des précisions sur leur régimes mais aussi sur leurs définitions. Sans reprendre l’ensemble des décisions prétoriennes, un tour d’horizon des derniers arrêts permettra d’avoir une vision précise de leur régime.

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Heures supplémentaires : que disent les juges ?

Heure supplémentaire : définition

Selon l’article L3121-28 du Code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Ces heures supplémentaires se décomptent par semaine. Ainsi, un salarié qui a réalisé des heures supplémentaires la première semaine du mois bénéficiera, sur son bulletin de paie, d’heures majorées – et ceci même s’il a été absent la deuxième semaine du mois.

A chaque semaine, commence une nouvelle période qu’il convient de prendre en compte pour le calcul des absences et celui des heures supplémentaires.

Ces dispositions légales peuvent faire l’objet d’ajustement par un accord ou une convention collective. Il est donc possible, par voie conventionnelle, de modifier la période de 7 jours, voire d’allonger cette période sur une année (communément appelée l’annualisation) et, depuis la loi Travail ( n°2016-1088) du 8 août 2016, jusqu’à 3 ans.

La définition du Code du travail ne fait donc pas référence à un accord nécessaire du supérieur hiérarchique et pourtant dans nombre d’entreprises, la règle impose un accord explicite de l’encadrant. Les juges ont donc dû apporter des précisions et ils rappellent régulièrement les règles à ce sujet.

En 2018, une série d’arrêts ont rappelé le cadre des heures supplémentaires et notamment cette question relative à un accord nécessaire du supérieur hiérarchique. Le 14 novembre 2018, la Cour de cassation a précisé que l’accord du supérieur hiérarchique n’était pas un passage obligé, alors même que la Cour d’appel l’imposait, considérant, pour sa part, que le salarié ne pouvait pas imposer des heures supplémentaires à l’employeur. La Cour de cassation rappelle alors que la Cour d’appel doit rechercher si les heures supplémentaires n’étaient pas justifiées par la charge de travail (Cass Soc 14 novembre 2018, n°17-20659).

Cette approche a été confirmée, dans une autre espèce, le même jour. L’employeur était allé plus loin car il avait contractualisé avec le salarié l’interdiction de réaliser des heures supplémentaires sans l’accord de l’employeur. Et, pour autant, le salarié continuait à en réaliser. L’employeur a alors décidé de ne plus lui payer et le salarié a pris acte de la rupture. La Cour de cassation est restée sur sa position et a estimé que la charge de travail n’avait pas diminué et avait même augmenté, elle nécessitait, comme auparavant, des heures supplémentaires. (Cass. Soc., 14 novembre 2018, n°17-16959)

La Cour de cassation a alors posé le principe suivant : « Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ». L’accord peut donc être explicite mais aussi implicite, si la charge de travail est trop importante et le nécessite.

Le régime des heures supplémentaires

Le régime des heures supplémentaires a aussi fait l’objet de précisions, notamment concernant leur mise en œuvre. Il est important de noter que ces heures supplémentaires peuvent être imposées aux salariés. Il ne peut donc refuser de les réaliser, sauf abus manifeste de l’employeur. A ce titre, le recours aux heures supplémentaires ne doit pas être systématique. Par exemple, imposer 50 minutes de travail supplémentaire chaque jour a un salarié est une modification de son contrat de travail et nécessite donc son accord exprès (Cass. Soc. 8 septembre 2021 n° 19-16.908).

Ainsi, la durée du travail est un élément essentiel du contrat de travail, qui nécessite l’accord du salarié en cas de modification. Le fait d’imposer des heures supplémentaires systématiques modifie la durée du travail et le salarié peut donc s’y opposer. Aucune sanction ne pourra lui être infligée.

Quand elles font l’objet d’une contrepartie financière, ces heures supplémentaires donnent lieu à une majoration. L’article L3121-36 du Code du travail, propose le décompte suivant :

  • De la 36e à la 43e heure/ semaine : + 25%
  • Au-delà de la 43e heure/ semaine : + 50%

Il est possible par accord de branche ou d’entreprise de prévoir un taux de majoration différent, dans la limite de 10% (article L3121-33 du Code du travail).

A partir de ces éléments, les juges ont précisé, récemment, que les heures supplémentaires ne pouvaient être rémunérées par une prime, car celle-ci ne donne pas lieu par exemple à majoration (Cass Soc. 3 février 2021 n°19-12193). Cette jurisprudence est constante et depuis déjà plusieurs années, les juges indiquaient qu’une prime ne pouvait être la contrepartie des heures supplémentaires (Cass. Soc. 15 mars 2017, n°15-25102).

Ainsi, dès qu’une heure est qualifiée d’heure supplémentaire, elle donne lieu à une majoration de salaire. Mais, elle peut aussi faire l’objet d’un repos. Un accord peut alors prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent (article L3121-33 du Code du travail).

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La preuve et les sanctions en cas de condamnation

La charge de la preuve a fait l’objet de nombreux enjeux lors des contentieux sur le sujet. Sur ce sujet, l’article L.3171-4 du Code du travail, énonce qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ». La charge de la preuve est donc ventilée entre l’employeur et le salarié.

Et, les juges en font une interprétation spécifique. Ils considèrent par exemple qu’un décompte, rempli à la main, des heures travaillées fournies par le salarié est suffisant. L’employeur doit alors y répondre, même s’il s’agit uniquement d’un décompte d’heures que le salarié prétend avoir réalisé (Cass. Soc. 24 mai 2018, n°17-14490).

Le 4 septembre 2019, la Cour de cassation pousse le raisonnement et considère même que « s’il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui est pas fait obligation, pour satisfaire à cette exigence, de produire un décompte hebdomadaire. » Si tel était le cas, cela reviendrait à faire peser la charge de la preuve sur le salarié uniquement, ce qui est contraire à l’article L 3171-4 du code du travail.

Pour faire face à ses exigences en termes de preuve et réaliser un suivi du temps de travail, certains employeurs se sont dotés d’une badgeuse. Cet outil va enregistrer le temps de travail réaliser par chaque salarié. A ce titre, le Cour de justice européenne s’est prononcée. Le 14 mai 2019, elle précise que seul « un système permettant de mesurer le temps de travail journalier effectué par chaque travailleur » permet un contrôle du respect des droits du salarié concernant les maximums hebdomadaires et journaliers (CJE, 14 mai 2019, C-55/18). La Cour de justice rappelle alors que ce sont aux États membres d’imposer cette obligation aux employeurs, car les salariés sont considérés comme « partie faible ». 

En reprenant les enjeux de cette dernière décision de la Cour de justice européenne, le 18 mars 2020, la Cour de cassation complète sa jurisprudence sur le sujet et rappelle que l’employeur a une obligation d’enregistrement du temps de travail (Cass Soc 18 mars 2020, n°18-10919). L’employeur a donc l’obligation « d’assurer le contrôle des heures effectuées ». Le salarié se voit encore allégé sur les modalités des preuves à fournir. Ainsi, même si les preuves apportées par le salarié semblent incohérentes ou contradictoires, l’employeur ne peut se satisfaire de souligner les contradictions. Il doit aussi fournir des preuves, par le biais des systèmes de contrôle qu’il a mis en place.  

Attention, quand un système de suivi des heures est mis en place par l’employeur, celui-ci en cas de condamnation peut être reconnu coupable de travail dissimulé. En effet, la Cour de cassation a estimé que l’intention de dissimuler les heures supplémentaires résulte de l’utilisation d’une badgeuse et donc d’un moyen de contrôle mis en œuvre par l’employeur (Cass Soc 14 mars 2018 n°16-12171). Il ne peut alors arguer qu’il ne savait pas.

En conclusion, il existe un contentieux fourni et régulier sur les heures supplémentaires. Il permet de définir avec précision la notion d’heures supplémentaires.

A titre d’exemple, il n’est pas exigé l’accord explicite du supérieur hiérarchique. La charge de travail peut justifier le recours à des heures supplémentaires pour le salarié, même si l’employeur n’a pas accepter explicitement le recours aux heures supplémentaires et plus encore l’a sanctionné sur ce sujet. De même, le régime des heures supplémentaires doit être respecté et il est préférable pour l’employeur de ne pas prendre de liberté sur le sujet. Enfin, attention, la charge de la preuve est un véritable enjeu. Même s’il est de jurisprudence constante d’estimer que cette charge est ventilée entre l’employeur et le salarié, des inclinaisons récentes allègent les obligations du salarié dans le domaine. C’est donc à l’employeur de réaliser un suivi et un contrôle des heures.

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